17/3/2019
Hier soir (vendredi 15 mars 2019), 18h sonne au clocher de l’église de Montgenèvre, 400 personnes se retrouvent sous une banderole « Solidarité=Délit », devant les caisses des remontées mécaniques, bien couvertes et pleines de motivations.
A l’appel
de l’association Tous Migrants, la grande Maraude solidaire commence ce
vendredi 15 mars en début de soirée. Les objectifs, annoncés au micro
par Tous Migrants, sont multiples mais convergent tous vers un seul mot,
humanité : faire découvrir la maraude et devenir tous maraudeur, être
solidaires avec les maraudeurs inquiétés par la justice, faire prendre
conscience de ce que vivent les exilés en ces lieux, dénoncer les
violences policières, et rappeler les droits des demandeurs d’asile.
Cinq ONG
qui soutiennent ce rassemblement sont présentes et prennent la parole.
Le secours catholique apporte un franc soutient aux bénévoles. La CIMADE
dénonce les atteintes aux droits des personnes exilés et demandeurs
d’asiles rappelant que l’Etat en est responsable, et que ces atteintes
ne sont pas isolées mais générales sur tout le territoire. Médecins Sans
Frontières compare les pressions policières et juridiques faites aux
maraudeurs, aux identiques que l’ONG vit avec l’Aquarius en
méditerranée. Amnesty international est présente en tant que défenseuses
et défenseurs des droits de l’Homme qui sont bien oubliés sur nos
frontières. Enfin Médecin Du Monde qui travaille en collaboration avec
les solidaires briançonnais depuis 3 ans, rappelle que le gouvernement
est en totale illégalité aux frontières, que d’accéder aux soins est
fondamental, et que le combat doit continuer.
Le refuge
solidaire de Briançon annonce des chiffres renversants, 5205 personnes
sont passés au refuge en 2018, 410 personnes aux mois, pourtant froid de
janvier et février 2019, soit une moyenne de 7 passages par jour, 53000
repas ont été servi au refuge depuis sa création en 2017, 6 maraudeurs
parcourent tous les jours dans les montagnes, 3 jours de périple pour
les exiles en moyenne entre Clavière et Briançon, 4 décès connus et 3
disparitions, et des blessés… Toutes les remontées mécaniques sont
maintenant fermées.
Il
est temps pour les maraudeurs en masse, qui sont venus parfois de loin
pour comprendre ce qui se passent ici au fin fond des Hautes-Alpes, de
partir en marche dans la nature. Des petits groupes se forment autour de
maraudeurs plus habitués, et partent dans toutes les directions dans la
neige à la nuit tombante.
Des questions affluent aux locaux de l’étape : comment faites-vous ? Où allez-vous ? Vous trouvez souvent des personnes ? Où est la frontière ? On est en Italie là ? Vous le faites souvent ? A ski, à pied ? Vous avez des soucis avec la police aux frontières ? Ils passent où en haut les migrants ?
Les
manifestants comprendront qu’à l’écoute des réponses, «il n’y a pas de
règles il n’y a pas de plans» «juste, on marche, ou on ski et on regarde
si on voit une personne en difficulté pour lui porter secours, sans
jamais passer la frontière franco-italienne comme seule règle» «juste
éviter des drames, aider simplement» «les exilés passent parfois très
hauts et se perdent, se retrouvant dans une autre vallée» «on apporte
des boissons chaudes, des couvertures de survies»… Cela semble si simple
et pourtant tellement compliqué dans ce lieu exigeant par son relief,
son climat, devenu une prison à ciel ouvert avec des policiers munis de
projecteurs, de caméra infrarouge, de moto-neiges…scrutant les pistes.
Les dameuses commencent à lisser le front de neige…
Il est
20h30, rendez-vous, pour les maintenant 500 solidaires, devant la PAF.
Sous les airs de musique de la fanfare, à la lumière des lampions, en
cette journée du 15 mars internationale de luttes contre les violences
policières, les témoignages des exilés lors de leur passage entre les
mains de la police, sont écrits sur des pancartes et lus. Les
automobilistes bloqués de part et d’autre du poste de frontière ont
éteint leur moteur et écoutent. Les pancartes font faces aux cortèges de
policiers, crs… ils ne peuvent faire autrement que de lire, d’entendre…
Amnesty International leur rappelle qu’ils ont droits de refuser
d’obéir si les ordres sont contraires à la loi, si un ose dire, beaucoup
d’autres suivront… et pourtant rien ne bouge. Ce face à face ravive les
souvenirs des solidaires qui sont bien trop nombreux en ce même lieu. Le
cortège repart au centre de la station en musique. La dameuse travaille
la neige au milieu de la pente…
- Il est 22h la soupe est servie, on se réchauffe, un S.O.S apparaît dans la montagne, et au même moment une chasse à l’homme commence à la frontière… la foule se disperse, des petits groupes partent en maraude, un gros cortège retourne à la PAF vers la frontière. C’est à ce moment que la police déploie ses forces humaines pour traquer les migrants qui tentent de passer devant les yeux, les caméras des manifestants… On a peine à y croire et pourtant cela n’est pas un film, un migrant est attrapé sous leshuées de la foule, des rangées de CRS se suivent pour remonter aux postes après avoir contenu la foule, la chasse continue tout autour. La station n’a jamais vu autant de personnes circuler dans tous les sens, partout à pied à cette heure-ci, il est 23h30. La dameuse est tout en haut de la piste…
La grande
maraude continuera bien longtemps dans la nuit. Les voitures des forces
de l’ordre diminuent au fur et à mesure. Une dizaine de migrants sont
arrivés au refuge cette nuit, quelques-uns sont restés bloqués à la
PAF, un migrant a chuté et a été transporté par les pompiers. Les
maraudeurs sont rentrés se reposer pour demain soir. La piste est damée,
les skieurs vont se régaler….
Alice Prud’homme
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