Nouvel article sur Le blog de Salah Elayoubi |
De la fiction à l’apocalypse
Du
haut de l’abîme qui les sépare du parvis, les gargouilles chimériques
de Notre-Dame de Paris, semblent n’avoir plus qu’un seul but, sauter
dans le vide. Leur physiognomonie autrefois menaçante, n’est plus qu’un
masque d’épouvante, conséquence du brasier qui faillit les emporter,
un soir maudit d’avril 2019.
Victor
Hugo avait ourdi cette apocalypse-là, dans le plus prémonitoire de ses
récits. Des circonstances, ou des individus, pour le moment, inconnus,
l’ont mise en scène. C’est ainsi que des heures durant, la
Cathédrale, en proie au feu, est devenue « La Dame du monde entier ».
D’un bout à l’autre de la planète, l’humanité a retenu son souffle,
chacun priant son dieu, afin qu’il épargne à ce joyau, la disparition
dans les flammes de l’enfer.
La
réalité rejoignait si bien la fiction, que les spectateurs
impuissants se persuadaient qu’il ne s’agissait-là, que d’un nouvel
exploit hollywoodien tourné en décor naturel. Un Quasimodo titanesque
allait surgir et de ses bras noueux et de sa force herculéenne, allait
tendre une toile gigantesque sur le brasier pour l’étouffer.
Mais
à chaque fois que le monde se prenait à espérer cette fiction, les
pompiers le ramenaient à la dure réalité, arrosant sans discontinuer
les ardeurs de l’incendie qui consumait les cœurs en même temps que la
charpente du grenier qui servit naguère de refuge à Esmeralda, le
temps d’un chef-d’œuvre de la littérature puis le temps d’un autre
chef-d’œuvre, en cinémascope.
Sous
les assauts des lances à incendie et les regards de pierre du Stryge et
autre cerbère, les gargouilles terrorisées vomirent la nuit durant,
l’eau dont les abreuvaient les hommes du feu.
Le
monde se souviendra qu’en cette soirée de printemps, les français
d’habitude si friands de discorde et de zizanie, flanqués de leurs hôtes
d’un jour ou de toujours, se rassemblèrent, côte-à-côte, le long de la
Presqu’île parisienne, pour communier dans la douleur, chantant, à
l’unisson, un si poignant « Je vous salue Marie », qu’ils firent pleurer
la terre entière.
Le centre de gravité de toutes les tragédies
Alors
que les flammes dévoraient la toiture de Notre-Dame de Paris, emportant
sa flèche mythique, un autre incendie, celui de la Mosquée Al Aqsa,
vite circonscrit, déplaçait le centre de gravité des tragédies du
moment, de quelques degrés vers l’Est. Vers cette région du monde où
l’apocalypse semble désormais avoir définitivement pris ses quartiers,
dans l’indifférence générale. Tant et si bien que l’on ne compte plus
les villes dévastées, dans cette région martyrisée par les appétits
pétroliers, gaziers, ou géostratégiques.
Israël
qui, en même temps qu’elle aura assassiné ou estropié des dizaines de
milliers de palestiniens, a réussi à exaucer le vœu cher à Ariel Sharon
de renvoyer Gaza au Moyen-âge. L’Etat hébreux a détruit plus de
soixante-quatorze lieux de cultes musulmans, en quelques semaines en
2014.
Parmi ceux-ci, le plus vieux et le plus grand, la Mosquée Al-Omari, Notre-Dame d’El Jabalyia, dont l’Etat hébreux tuait, au passage, le muezzin, pour mieux terroriser les vivants. L’ancienne église byzantine, convertie en mosquée, datait du cinquième siècle.
Parmi ceux-ci, le plus vieux et le plus grand, la Mosquée Al-Omari, Notre-Dame d’El Jabalyia, dont l’Etat hébreux tuait, au passage, le muezzin, pour mieux terroriser les vivants. L’ancienne église byzantine, convertie en mosquée, datait du cinquième siècle.
En
une nuit à Paris, il y eut plus de « justes » pour pleurer Notre-Dame,
qu’en quatre ans d’un conflit abominable au Yémen. Un pays soumis aux
coups de boutoirs impitoyable d’une coalition de salauds qui combine
incompétence militaire et aveuglement criminel et qui, dans le doute,
préfère toujours exterminer tout un peuple, plutôt que de laisser lui
échapper ceux qu’elle poursuit de ses assiduités. Les dizaines de
milliers d’innocents affamés, martyrisés, froidement assassinés et le
patrimoine culturel pulvérisé, n’auront pas ému grand monde.
Pulvérisée également en octobre 2012, la Grande Mosquée omeyyade d'Alep, Notre-Dame d’Alep, plus vieille d’un siècle que celle de Paris. Même les restes du père de Jean le Baptiste, Zacharie qui y reposent, n’auront pas suffi à réveiller, auprès de la chrétienté, un semblant d’empathie.
Pulvérisée également en octobre 2012, la Grande Mosquée omeyyade d'Alep, Notre-Dame d’Alep, plus vieille d’un siècle que celle de Paris. Même les restes du père de Jean le Baptiste, Zacharie qui y reposent, n’auront pas suffi à réveiller, auprès de la chrétienté, un semblant d’empathie.
Mafias et indécence au pouvoir
Les
braises n’étaient pas encore refroidies que les promesses de dons se
mirent à pleuvoir, par centaines de millions. Peu ou prou suscitèrent
l’admiration des français, qu’un trop-plein de mensonges politiques et
de promesses non-tenues, ont entraîné au bord d’une paranoïa, somme
toute légitime et d’une révolution qui ne dit pas encore tout-à-fait son
nom. D’autres dons scandalisèrent même, comme ceux de l’Arabie
saoudite, des Emirats et du Maroc. Trois des coalisés qui ont mis à feu
et à sang le Yémen.
Les
deux premiers peuvent s’enorgueillir d’avoir largement contribué à
exporter l’Islam des tyrans et financer le terrorisme islamiste qui a
infecté la planète entière, avant de revenir tel un boomerang, détruire
l’Irak et la Syrie. Les deux pétromonarchies aux mains de clans
mafieux, ne se bousculeront jamais, pour reconnaître leurs crimes, ni
pour financer la reconstruction des pays qu’ils ont ravagés.
Le
troisième comparse, le roi du Maroc connu pour sa légendaire avarice,
lorsqu’il s’agit de ses comptes personnels, puisera les fonds, dans le
Trésor public, au moment même où la justice aux ordres du Palais vient
de confirmer les lourdes peines de prison infligées aux militants
rifains. Ces derniers avaient manifesté des mois durant, pour la
construction d’hôpitaux, d’universités et d’infrastructures, dans leur
région frappée d’ostracisme par le gouvernement central d’un pays qui se
trouve à la traîne de tous les indices de développement.
Rescapé
du désastre, le Stryge de Notre-Dame, toujours aussi impassible,
semble avoir déployé des trésors de thaumaturgie afin que soit sauvé du
péril, le perchoir depuis lequel il continuera encore longtemps, à
veiller sur la ville lumière.
En
bas, sur le Parvis et dans la cathédrale déshabillée de sa couverture,
les travaux de déblaiement ont commencé. Le temps d’un incendie, les
français ont oublié leurs différends et remisé au placard, leurs gilets
jaunes et leur révolution qui tait son nom. Tandis qu’ailleurs, à
quelques minutes d’avion du drame parisien, la tragédie se poursuit
pour ces peuples oubliés des dieux et des hommes, alors que s’abattent
sur eux les flammes de « dix milles Notre-Dame ».
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