Blog du Réseau de solidarité avec les peuples du Maroc, du Sahara occidental et d'ailleurs(RSPMSOA), créé en février 2009 à l'initiative de Solidarité Maroc 05, AZLS et Tlaxcala
La gestion de la
crise du coronavirus illustre la nature du régime marocain : un roi
omnipotent qui ne rend pas de comptes et un gouvernement sans
prérogatives. Ce qui rend encore plus incertain tout projet de monarchie
parlementaire
Le Premier
ministre Saâdeddine El Othmani présente le programme du gouvernement
devant le Parlement, à Rabat, le 19 avril 2017 (AFP)
Depuis la fermeture des frontières, quelque 30 000 Marocains attendent, la mort dans l’âme, d’être rapatriés. Que leur dit le gouvernement ? « Soyez patients », propose Saâdeddine El Othmani, le chef de l’exécutif, pour toute réponse
à leur détresse. « J’espère que [le rapatriement] sera lancé très
prochainement », avait lancé Nasser Bourita, le ministre des Affaires
étrangères, en avril. Ce qu’ils n’osent pas dire publiquement, c’est que le roi ne veut pas
encore les rapatrier. Cette décision fait partie du plan global de
gestion de la crise du nouveau coronavirus, lequel a été entièrement défini par le Palais. Le problème, c’est que toutes les interrogations que suscite la gestion de cette crise se heurtent à un silence obstiné de Mohammed VI, qui ne s’est pas adressé à son peuple depuis le début de pandémie. Pourquoi le confinement a-t-il été prolongé
jusqu’au 10 juin ? Le confinement levé, une aide sera-t-elle mise en
place pour les plus démunis ? Un plan pour relancer l’économie est-il
prévu ? Quelles leçons ont été tirées de la crise ? Aucune réponse n’est
donnée.
La situation est telle que l’on se trouve, d’un côté,
face à un roi qui se mure dans le silence, et de l’autre, à un
gouvernement qui n’a rien à dire
D’un côté, un roi omnipotent qui n’a pas de comptes à
rendre au peuple, de l’autre, des ministres sans pouvoir que personne
n’écoute. Dans un régime démocratique, une telle manière de gouverner
relèverait de l’hérésie. Au Maroc, les institutions, les élites et une
large majorité de la société semblent s’en accommoder. Si bien que toute
critique, même légère, se voit désormais opposer cette formule quasi
sacramentelle : « Ce n’est pas le moment de critiquer. » La crise empêche-t-elle la communication et la reddition des
comptes ? Ce qui est sûr, c’est que la crise jette une lumière crue sur
la nature même du régime : une monarchie hégémonique dont le
gouvernement fait office de simple instrument. L’espoir d’une monarchie
parlementaire, longtemps caressé par une élite progressiste et entretenu
par le Palais, paraît aujourd’hui bien lointain, voire chimérique.
Maroc, 1999-2019 : vingt ans de nouveau règne pour rien ?
Le 29 juillet 2019, après vingt ans de règne, l’heure était au bilan pour le roi Mohammed VI. Un bilan mitigé, de l’aveu même de son entourage. Deux de ses
conseillers, Abdellatif Menouni et Omar Azziman, étaient alors sortis de
leur réserve habituelle pour exprimer « un mécontentement » : « Nous
n’arrivons pas à trouver des emplois pour nos jeunes, nous avons des
régions trop déshéritées », se désolait, dans un entretien donné à
l’AFP, Omar Azziman, par ailleurs ancien ministre de la Justice et
ancien ministre chargé des Droits de l’homme. Les deux membres du cabinet royal concluaient, comme pour alimenter
l’espoir, que le Maroc s’inscrivait « dans le trajet d’une monarchie
parlementaire ». C’est-à-dire une monarchie aux prérogatives limitées,
où « le roi règne mais ne gouverne pas », comme le criaient les
manifestants du Mouvement du 20 février, né en 2011 dans le sillage du Printemps arabe. Les déclarations des deux conseillers royaux laissaient ainsi
entrevoir une embellie, un vœu pieux qui n’a pas résisté à l’épreuve des
faits. La politique sécuritaire de plus en plus affirmée et assumée en
2019 et les condamnations à la chaîne d’activistes dont le tort est
d’avoir critiqué le monarque en donnent à elles seules un démenti
cinglant.
Un sens excessif du compromis
Néanmoins, pour les adeptes de l’interventionnisme excessif du
Palais, c’est la classe politique qu’il faut blâmer. Faible, incapable
de remplir sa mission, elle aurait ainsi laissé un vide que le roi n’a
d’autre choix que d’occuper. Le conseiller de Mohammed VI, Abdellatif Menouni, l’a exprimé sans
ambages dans l’entretien accordé à l’AFP : « La nouvelle Constitution a
offert des possibilités aux partis politiques leur permettant de
s’imposer plus qu’auparavant. Mais dans les faits, le changement attendu
n’a pas eu lieu, il faut peut-être du temps. Il y a des lenteurs. » En réalité, loin de favoriser l’émergence de partis forts et
indépendants, la puissance du roi se nourrit de la faiblesse de la
classe politique, toute velléité d’indépendance étant sévèrement
sanctionnée. L’expérience d’Abdelilah Benkirane en est la parfaite illustration. Monarchiste jusqu’au bout des ongles et homme de consensus, l’ex-secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD, islamistes) a toutefois tenté à la fin de son mandat de résister à « l’autoritarisme » du Palais et à son émissaire, Fouad Ali El Himma.
Abdelilah Benkirane fut remplacé dans ses fonctions de chef du gouvernement le 15 mars 2017 (AFP)
Il s’est ensuivi un tir de sommation de Mohammed VI dans un discours du 30 juillet 2016,
en plein campagne pour les législatives : « Ce qui est étonnant, c’est
de voir certains se livrer, dans leur quête des voix et de la sympathie
des électeurs, à des pratiques qui sont contraires aux principes et à
l’éthique de l’action politique, proférer des déclarations et utiliser
des termes préjudiciables à la réputation du pays et attentatoires à
l’inviolabilité et à la crédibilité des institutions. Je saisis cette
occasion pour attirer l’attention sur des agissements et des
dépassements graves commis en période électorale. Il faut les combattre
et en sanctionner les auteurs », menaçait le monarque.Ce dont n’a pas tenu compte Abdelilah Benkirane, qui a récidivé en
février 2017 avec cette phrase assassine : « Il n’est pas acceptable que
le roi aille aider les peuples africains pendant que le peuple marocain
est humilié. C’est une humiliation pour le peuple marocain quand on
n’accepte pas sa volonté pour la formation d’un gouvernement », tonnait
l’ancien chef du gouvernement. Il peinait alors à constituer une
majorité, gêné par son rival, Aziz Akhannouch, patron du parti du Rassemblement national des indépendants (RNI) et ministre réputé proche de Mohammed VI. Il sera limogé sans ménagement un mois plus tard de son poste de chef du gouvernement et, plus tard, évincé
par ses « camarades » de la tête du parti, dont il est pourtant la
figure tutélaire. « Je suis plus royaliste que le roi et je n’ai jamais
dit non à Mohammed VI mais je tiens à discuter avec lui quand je ne suis
pas d’accord, ce que le Palais semble refuser », racontait Abdelilah
Benkirane à ses visiteurs. Bien avant lui, le socialiste Abderrahmane El Youssoufi l’avait
appris à ses dépens. Après avoir accepté, en 1997, sous Hassan II, de
conduire le gouvernement de l’alternance, l’ancien premier secrétaire de
l’Union socialiste des forces populaires (USFP,
alors principale force politique au Maroc) avait été évincé par
Mohammed VI au profit d’un gouvernement technocratique en 2002.
Le rôle des partis politiques se limite ainsi à donner un
vernis démocratique à la politique conçue et définie par le Palais et à
assumer des choix dont ils ne sont que les exécutants
Expérience amère qu’El Youssoufi avait relatée dans un célèbre discours
prononcé à Bruxelles en 2003 et dont la conclusion était : « Espérons
ne pas perdre dans le proche avenir la faculté de rêver. » Dix-sept ans plus tard, le rêve d’un État démocratique et d’une
monarchie parlementaire semble encore plus inaccessible. Usés par
l’arrivisme et un sens excessif du compromis, les partis politiques ont
peu à peu troqué la confiance des électeurs contre des strapontins. Leur rôle se limite ainsi à donner un vernis démocratique à la
politique conçue et définie par le Palais et à assumer des choix dont
ils ne sont que les exécutants. Quant à la monarchie, dont le temps n’est pas celui des partis, elle
reste droite dans ses bottes, continuant de régner et de gouverner sans
partage. Mohammed VI avait d’ailleurs choisi le cap dès son accession au
trône en affirmant en 2001 : « Les Marocains veulent une Monarchie forte, démocratique et exécutive. »
Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur
auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.
Bilal Mousjid
Bilal Mousjid est un journaliste
indépendant marocain. Après avoir travaillé à Médias 24 et à TelQuel,
comme journaliste puis chef des actualités, il collabore aujourd’hui
avec des journaux marocains et étrangers
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