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Télégrammes

Le Maroc devient le premier fournisseur agricole de l’Espagne
Les importations espagnoles de fruits et légumes marocains ont augmenté de 24 % en volume et 23 % en valeur au cours du premier trimestre 2025 par rapport à la même période de l’année précédente, selon les données actualisées de l’Association des producteurs et exportateurs de fruits, légumes, fleurs et plantes vivantes en Espagne (FEPEX). Le Maroc est devenu le premier fournisseur de fruits et légumes de l’Espagne, avec un volume de 188 076 tonnes, pour une valeur de 481 millions d’euros au cours de la période. Dans l’ensemble, les importations espagnoles de fruits et légumes frais ont atteint 1 100 000 tonnes à fin mars 2025 pour un total de 1,442 milliard d’euros, ce qui représente une hausse de 8 % en volume et 15 % en valeur. Selon la FEPEX, les importations espagnoles de fruits et légumes marocains ont augmenté de plus de 20 % au premier trimestre de cette année par rapport à la même période de 2021, pour une valeur qui s’est établie à 481 millions d’euros contre 311 millions d’euros en 2021, soit une progression d’environ 54 %. La tomate est le principal produit agricole importé par l’Espagne depuis le Maroc. Au cours de la période, 32 313 tonnes de tomates marocaines ont été importées contre 24 118 tonnes en 2024, soit une hausse de 34 %. En termes de valeur, ces exportations marocaines ont atteint plus de 52 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de plus de 57 %. En deuxième position, on retrouve le poivron, avec plus de 32 000 tonnes importées depuis le Maroc, pour une valeur de plus de 42 millions d’euros, soit une hausse de 4 %, malgré une baisse de 2 % du volume par rapport au premier trimestre de l’année dernière. Viennent ensuite les haricots verts, avec plus de 19 000 tonnes, pour une valeur de 42 millions d’euros, malgré une baisse de 17 % et 12 % en termes de volume et de valeur.

dimanche 6 septembre 2020

A Veynes, le loup est chez lui, l’éleveur tout autant

Par

Tour de France, 5e étape, kilomètre 20. La caravane du Tour va passer non loin de ces éleveurs de chèvres, moutons et brebis, tous membres de la Confédération paysanne, qui voient leur idéal de protection de la nature confronté à la prédation du loup.

Veynes (Hautes-Alpes).– Le Tour privatise, le temps de la course, les paysages. C’est sa fonction première. Puis il rend le décor, parfois souillé, à ses propriétaires : les paysans, les éleveurs, les agriculteurs.

À quatorze minutes de Veynes, où passe mercredi le Tour à 13 h 46 et où a longtemps vécu Willy Voet, le soigneur belge de Festina, arrêté à la frontière franco-belge en 1988, la voiture chargée de produits dopants, se trouve l’exploitation de Baptiste Vialet et de sa compagne, Cécile, éleveurs de vaches de montagne (une vingtaine de têtes qui portent toutes un nom), à Saint-Julien-en-Beauchêne, au lieu-dit Baumugnes, dans la vallée du Grand Buëch. Cécile élabore les tomes qu’elle vend au public dans un local de la ferme.

En rouge, le tracé de la cinquième étape du Tour de France 2020, de Gap à Privas. © Mediapart

On a rendez-vous avec leurs voisins, aussi éleveurs de brebis et de chèvres, tous adhérents à la Confédération paysanne et qui contribuent à l’essor de l’agriculture biologique dans les Hautes-Alpes, pour évoquer surtout la prédation du loup qui les accable et les laisse désemparés. 

Il pleut depuis vingt-quatre heures et les cours d’eau ravinent la montagne. La route qui conduit au village a été coupée par les éboulis. Les sommets sont dans le brouillard.

Baptiste Vialet a 42 ans. Il s’est installé en 2003, en reprenant la ferme d’un paysan qui lâchait son exploitation.

Le café fume dans les tasses. Il est 9 heures du matin. Les chiens s’ébrouent devant la porte d’entrée. 

Baptiste lisse sa barbe et se lance : « Quand on s’est installés, il a fallu comprendre comment la prédation des loups se déroulait. Avant, ici, en dehors des chiens errants, aucun danger pour les troupeaux. » 

Baptiste, qui aimerait lâcher l’an prochain le porte-parolat départemental de la Confédération paysanne, qu’il tient conjointement avec une autre éleveuse, s’interrompt un instant puis poursuit : « Au-delà de se faire manger nos animaux, il y a pour l’éleveur un désarroi. On ne peut pas laisser quelqu’un dans sa ferme avec des cadavres de ses bêtes, parfois devant sa propre maison », dit-il avec gravité.

On comprend qu’il fait référence aux idées suicidaires qui ont, à un moment, traversé l’esprit d’éleveurs qui sont proches de lui.  

Autour de la grande table de ferme, il y a là Martine Roux, 55 ans, éleveuse de brebis, et Simon Segretain, 37 ans, de Montclus, au sud de Veynes, lui aussi éleveur de brebis mais aussi d’alpagas « pour la laine »

De gauche à droite : Martine Roux, Simon Segretain, Audrey Lejeune et Baptiste Vialet, tous membres de la Confédération paysanne. Et les deux chiens qui ont peur du loup. © JLLT / MP De gauche à droite : Martine Roux, Simon Segretain, Audrey Lejeune et Baptiste Vialet, tous membres de la Confédération paysanne. Et les deux chiens qui ont peur du loup. © JLLT / MP

Martine Roux ouvre la conversation : « D’ordinaire, de mai à septembre, quand mes bêtes sont sédentaires, je n’ai pas d’attaques. Mais en montagne, j’ai calculé que j’ai eu sept attaques en trois semaines… J’ai dû mettre des filets autour du troupeau. Comme elles sont groupées… » Martine a du mal à terminer sa phrase. Puis elle enchaîne : « On me dit : “Mais de toute façon, hein, vos bêtes vont toutes finir à l’abattoir, non ?” » Ces propos, les éleveurs les ont tous entendus, y opposant tantôt un sourire crispé, tantôt une main sur le front, tête baissée, en expirant très fort. 

Y compris Audrey Lejeune, qui s’est jointe au groupe en montant de La Roche-des-Arnauds, où elle est éleveuse de chèvres. Et où le Tour passe au kilomètre 10, ce mercredi. À les entendre, on comprend que le développement du loup dans cette commune proche de la Drôme « est exponentiel. Les meutes arrivent et on ne sait pas quoi faire. Aujourd’hui, le problème n’est plus circonscrit aux départements de montagne. Dans le Charolais, par exemple, les bêtes à viande se font attaquer par le loup », explique Baptiste Vialet.

Tous ont passé ou vont passer le permis de chasse pour « des tirs de défense simple ». De façon à effaroucher le loup qui s’approcherait du troupeau.

Seuls les lieutenants louvetiers, placés sous l’autorité du préfet dans chaque département où le loup prolifère, sont autorisés à abattre l’animal. En général, ce sont des bénévoles qui connaissent la topographie et la faune locales. Leur mission est circonscrite « à la régulation et à la destruction des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts sur les bêtes, les pâturages et les cultures ». Y compris les sangliers qui détruisent les pâturages.

Audrey, 33 ans, explique dans un sourire las qu’elle bûche son « permis avec déplaisir ». La culture des armes n’est pas à proprement parler un sujet sur lequel on aime s’étendre. Un mal nécessaire auquel chacun autour de la table doit se résoudre. Audrey dit qu’elle ne peut plus laisser son troupeau sans surveillance. « Quand je suis en alpage, comme en ce moment, il y a toujours quelqu’un de veille. Soit moi, soit une salariée. »

Mais les chiens, alors ? Eh bien, justement, dit Simon Segretain, qui aimerait éclaircir ce point : « Nous nous sommes aperçus que nous avions mal dressé nos patous [chiens de berger, dans un sens générique – ndlr], qui font peur aux randonneurs. Pour le chien, un marcheur qui longe ou traverse un troupeau signifie : intrusion. » Et, parfois, il attaque le randonneur. Loup ou marcheur, le chien ne ferait donc pas de différence ? Les chiens font leur métier de chiens en préservant le troupeau de l’intrusion du loup, « mais certains chiens en ont peur », comme le précise Baptiste en désignant de la main les siens, qui ne sont pas de la race de ces chiens de troupeau. « On a donc renvoyé une mauvaise image du chien de troupeau parmi la population de randonneurs. Aujourd’hui, on dresse ces chiens à ne pas avoir peur de l’homme », explique Simon, dont les parents sont des « néos » (néoruraux), qui se sont installés dans les années 1980.

Simon Segretain parle avec mesure, comme tous les éleveurs présents, ne coupant jamais la parole. Il ne dit pas que ce travail d’éleveur est parfois ingrat, que le loup doit être éradiqué totalement ou que le regard des urbains est parfois puéril, même s’il a levé un instant les yeux au ciel à cette évocation.

Les loups ont saigné en novembre 2019, leur sautant à la trachée, ses 25 alpagas (sur un cheptel de 100), selon les gardes-chasse de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) qui ont été appelés pour le constat. Ils ont ensuite estimé la population des prédateurs « à cinq-six individus » qui ne sortent pas précisément d’une illustration de Charles Perrault, avec foulard et panier en osier.

Non, ce que tente Simon Segretain, c’est juste d’essayer de trouver un passage intellectuel entre deux contradictions. Le loup est chez lui. L’éleveur tout autant : « Quand j’ai ouvert ma porte ce matin de novembre, mes bêtes étaient mortes. À 25 mètres de la maison. »

Simon Segretain n’emploie pas le pluriel. Il dit le loup, tout simplement. Et, en l’espèce, « le loup s’est bien amusé. Il en a mangé une seule. Il les a toutes attaquées au niveau du gigot, puis leur a sauté à la trachée »

Baptiste Vialet tient à évoquer une relation qui les afflige et dont on imagine volontiers l’impossibilité. C’est celle avec la Société alpine de protection de la nature (SAPN), à laquelle nous avons laissé un message sur le répondeur.

« Pour eux [les gens de la société – nldr], il n’est pas question de toucher au loup. Nous sommes en désaccord avec eux sur ce sujet qui nous divise, car nous sommes totalement sur la même ligne qu’eux quand ils se sont mobilisés par exemple contre l’extension de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Leurs combats sont souvent d’ailleurs les nôtres, explique sobrement Baptiste. Mais pas sur le loup. »  

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