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vendredi 25 juin 2021

Moudawana : 17 ans après, dépoussiérage urgent

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Nous sommes en 2004. Les Marocaines poussent un hourra de soulagement et de fierté. L’avenir des femmes, mais aussi de la famille marocaine, peut être envisagé avec espoir. Grâce à la réforme de la Moudawana, le mari de Sanaa ne peut plus la quitter sans passer par la case tribunal. Le père de Hanane ne peut plus la marier à l’âge de 15 ans sans passer devant la justice avec un argumentaire précis et un dossier médical. Grâce à la Moudawana, Khadija devient enfin la “coresponsable” de ses deux enfants.
 
Ces femmes ne sont pas militantes et se fichent bien du labyrinthe législatif qu’a connu la réforme du Code de la famille avant d’être adopté. Citoyennes, elles se réjouissent de voir que l’Etat est finalement de leur côté grâce à un statut juridique les rendant autonomes et indépendantes.
 
Mais l’horizon ne tarde pas à s’assombrir. Très vite, Sanaa se rend compte qu’elle ne peut toujours pas se remarier sans perdre la garde de ses enfants. Hanane comprend que ses parents n’ont pas besoin d’être si persuasifs que ça devant le juge, et que, dans son village, elle n’est pas une exception : une dizaine de filles de son âge ont été mariées à des hommes largement plus âgés. Khadija a les mêmes devoirs que son mari vis-à-vis de ses enfants, mais pas les mêmes droits : elle n’est toujours pas leur tutrice légale, et ne peut décider de l’opération chirurgicale que son plus jeune fils doit subir en urgence.
 
 
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Regardons les choses en face: les triomphes écrasants du début des années 2000 n’étaient en réalité que des semi-victoires. Dans l’ombre de ce qui semblait être une révolution tranquille, nous avons trouvé de petites évolutions au goût amer. Entre impatience et ambition, nous sommes-nous réjouis trop vite? Non, parce qu’entre les lignes du nouveau Code de la famille, nous avons lu que le changement était possible, que le meilleur était à venir. Ce n’est que des années plus tard que les prémices de l’insatisfaction nous sont parvenues, lorsque dysfonctionnements, incohérences et injustices ont commencé à émerger au gré des coups de marteau dans les tribunaux.
 
Dix-sept ans plus tard, nous tombons de haut. Les responsables politiques les plus vaillants ont tenté d’amorcer de légers amendements, mais ont été freinés par des barrières invisibles. Pendant ce temps, des femmes ont continué à se donner la mort parce qu’elles préfèrent mourir plutôt que de vivre le calvaire d’une mère célibataire guettée par la prison, et des enfants ont continué à arpenter les rues faute d’avoir eu droit à un état civil à la naissance. L’urgence de la réforme réside dans le fait que le texte de loi ne correspond pas à notre réalité sociale.
 
Que l’on accepte de le voir ou pas, nous avons changé. Les Marocaines ont changé. Nos attentes ont évolué. Jusqu’à quand continuera-t-on à nous dire que la réforme du Code de la famille n’est pas une priorité parmi tous les dossiers empilés sur les tables des commissions parlementaires ? Tant qu’on ne le décidera pas, il n’y aura jamais de bon moment pour faire des droits des femmes et des enfants une priorité. Le changement fait toujours grincer des dents. Dans son essence même, il est amené à brusquer les esprits. Et surtout, il n’arrive jamais lorsque l’on se repose sur des lauriers datant d’il y a plus de dix-sept ans.
 

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