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Télégrammes


Extrait de la conférence de presse de Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie sur le bilan des activités de la diplomatie russe en 2024, Moscou, 14 janvier 2025

Question : Des scientifiques de Saint-Pétersbourg ont demandé à poser une question sur les relations russo-marocaines. Le Maroc se considère comme la porte d'entrée de l'Afrique. Nous aimerions connaître votre point de vue sur le problème des relations russo-marocaines.

Sergueï Lavrov : Pour ce qui est du Maroc, c'est un pays ami. En décembre 2023, nous avons tenu une réunion régulière du Forum russo-arabe pour la coopération au Maroc. Nous étions dans la ville de Marrakech. Tout était parfaitement organisé. Nous avons eu une réception avec le premier ministre. Nous avons de bons projets. Nous aidons les Marocains à résoudre les problèmes qui relèvent de la compétence du ministère des Affaires étrangères. Je fais avant tout référence au problème du Sahara occidental. Ici, nous devons être guidés par les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.

Le thème de l'autodétermination des peuples a été soulevé à plusieurs reprises aujourd'hui. Il y a très longtemps, environ 40 ans, le Conseil de sécurité des Nations unies a décidé que le problème de l'appartenance du Sahara occidental devait être résolu par l'autodétermination du peuple sahraoui. Je travaillais encore à New York à cette époque. Il y avait un représentant spécial du Secrétaire général pour l'organisation du référendum. Il s'agissait de James Baker, ancien secrétaire des États-Unis. Il décrivait les schémas pour le décompte des voix, la façon dont les anciens sélectionneraient les tribus qui voteraient. Tout semblait à peu près réglé. 40 ans plus tard, rien n'a bougé. La question n'est pas facile pour les Marocains.

L'administration américaine de Donald Trump (lorsqu'il était pour la première fois à la Maison Blanche) a tout simplement décrété que le Sahara occidental était marocain. Aujourd'hui, nous avons le Groenland et le canal de Panama. Bien entendu, aborder ces questions de manière unilatérale ne fait que semer une tempête qui ne manquera pas éclater à nouveau au bout d'un certain temps.

Nous devons rechercher des accords universellement acceptables. Nous savons à quel point c'est important pour le Maroc. Nous nous efforcerons de lui apporter toute notre assistance possible. Toutefois, la question ne peut être résolue que sur la base d'un accord mutuel et non en imposant quelque chose à l'une des parties.

Source : https://mid.ru/fr/foreign_policy/news/1991476/

jeudi 16 mars 2023

Macron, un Françafricain comme les autres ?


Macron, un Françafricain comme les autres ?

 
par Réda Dalil
 
 
L’énigme Macron devient complexe à résoudre. Difficile en effet pour un esprit rationnel de faire sens de la politique “africaine” du président français. Dès 2017, Emmanuel Macron avait semblé rompre avec la fameuse Françafrique. Un système intégré d’intérêts militaires et économiques, dont la partie immergée de l’iceberg recouvre passe-droits, renvois d’ascenseur et, surtout, une tolérance à peine voilée envers les autocrates.
 
La mansuétude de l’ancienne puissance coloniale vis-à-vis de sa zone d’influence cache bien entendu la volonté de la France de maintenir intactes ses positions dans ce qu’elle considère comme sa chasse gardée.
 
Et il faut dire que la France fait face à une concurrence féroce. L’étendue de l’influence militaire russe, à travers Wagner ; l’hégémonie économique chinoise ; les intérêts turcs de plus en plus prégnants, la présence marocaine, voire l’appétit d’un nouvel acteur, le Brésil, atomisent ce qui fut jadis le pré carré hexagonal.
 
 
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En vérité, l’Afrique n’est plus ce bloc indistinct auquel le vocabulaire postcolonial et de Guerre froide se référait sans distinguo comme un pays unique, sans aspérités. De nos jours, pour reprendre une expression lue dans Le Monde Diplomatique, les États africains “picorent au banquet des alliances.” Cela s’est particulièrement vu, à la sidération des puissances occidentales, lors de l’éclatement du conflit russo-ukrainien.
 
Boudées par de nombreux pays du continent, les résolutions onusiennes anti-russes ont dessillée les regards anachroniques des dirigeants occidentaux. Le Sud global s’émancipe des vieilles tutelles et c’est heureux. L’ablation de l’appendice qui reliait l’Afrique aux anciennes forces impérialistes brouille la donne, génère un nouvel ordre mondial qui prend de court les puissances installées.
 
Avec une boussole qui se détraque, nombre de ces puissances perdent leurs repères. La France actuelle en donne un exemple éclatant. Le président Macron contemple, en 2023, une Afrique méfiante, et surtout, plus soucieuse d’échapper à l’emprise d’un néocolonialisme qui évolue à pas feutrés, mais qui n’en est pas moins résistant.
 
L’échec patent de l’opération Barkhane, censée stopper l’avancée du radicalisme islamiste au Mali, a démontré que l’interventionnisme militaire de la France ne passe plus. Le vocabulaire arrogant du président n’a fait qu’accentuer ce rejet. Nul n’oublie la manière cavalière dont Macron, en 2017, s’était adressé au président burkinabé à Ouagadougou, s’interrogeant si ce dernier était allé “réparer la climatisation”.
 
Nul n’oubliera la posture de donneur de leçons qu’il a eue en face du président de la RDC, Félix Tchisekedi, dont Macron accusera ouvertement le pays d’avoir échoué à bâtir des institutions solides depuis 1994. Oubliant au passage le soutien de la France au Rwanda qui équipe et appuie les rebelles du mouvement M23 dans leurs tentatives de déstabilisation de la RDC.
 
Enfin, nul n’oubliera la légendaire rebuffade de Rabat en réponse à la supposée relation “amicale” qui lierait présentement la France au Maroc. “Les relations ne sont ni amicales, ni bonnes”, a tranché une source gouvernementale marocaine, dans Jeune Afrique. N’en jetez plus !
 
La récente tournée éclair de Macron en Afrique Centrale, sous couvert d’une distanciation affichée avec la Françafrique, aura paradoxalement emmené le président dans la géographie qui la caractérise le plus. Au Congo Brazzaville, chez un pilier de la Françafrique, Denis Sassou N’guessou, au pouvoir depuis 1992 ; chez Ali Bongo au Gabon dont le père en était littéralement le symbole.
 
Il y a donc là un deux poids deux mesures qui semble coller à la peau d’Emmanuel Macron. Sa personnalité paradoxale, teintée d’une arrogance en roue libre, rend ardue toute lecture de la stratégie française pour le continent. Si Macron s’érige comme le champion des mémoires oubliées, et se veut le guérisseur des blessures coloniales, il ne semble pas prêt à assumer clairement la responsabilité de la France dans la guerre du Cameroun, bien qu’une commission ait été mandatée à ce sujet, avec cinq décennies de retard.
 
S’il s’est dit prêt à couper avec le système franc CFA, sur le plan de la pratique, très peu a été effectué pour sauter définitivement le pas de la tutelle monétaire. S’il admet volontiers que la présence militaire de la France en Afrique doit être revue, aucune base n’a été démantelée, le contingent hexagonal dénombrant toujours à 6000 soldats.
 
Certes, Macron a fait de la restitution des œuvres culturelles africaines aux pays d’origine une profession de foi, mais, très honnêtement, là n’est pas le plus important. Marquée par la plaie coloniale, dont le souvenir a été transmis à sa jeunesse, l’Afrique s’attend à des actes concrets de la part de la France. Dont le président, fort d’un double langage et de postures contradictoires, ne fait qu’attiser le rejet, voire la haine.
 
 
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