Nada Yafi.— : Abdellatif Laâbi, on ne vous
présente plus, en tant que poète, romancier, essayiste, dramaturge et
traducteur. Vous êtes notamment reconnu pour avoir été le premier
traducteur de Mahmoud Darwich, et pour avoir publié quatre anthologies
de poésie palestinienne, dont la dernière vient de paraître aux éditions Points.
Vous vous apprêtez à accueillir, à partir de la mi-juin 2025, des
poétesses et poètes palestiniens dans le cadre du Marché de la poésie,
une invitation dont vous êtes l’initiateur. Pourriez-vous nous dire un
mot de cet événement, et aussi pourquoi cet intérêt constant, chez vous,
pour la Palestine ?
Abdellatif Laâbi.— : La tenue du Marché de la poésie
du 18 au 22 juin à Paris, place Saint-Sulpice, avec comme invités
d’honneur douze poétesses et poètes palestiniens est l’aboutissement
heureux d’un processus qui a duré plus de trois ans et a connu de
sérieuses turbulences. Je m’étais mis d’accord dès 2022 avec les
organisateurs pour qu’un tel événement puisse avoir lieu en 2025. Mais
il y a eu, l’année dernière, un revirement incompréhensible de leur part
consistant à annuler l’invitation des Palestiniens. Cela a entraîné une
riposte « musclée »
de ma part et des réactions outrées émanant de nombreux poètes et
intellectuels arabes, français et autres, ainsi qu’une couverture
médiatique exceptionnelle aux tonalités politiques. Sur ce, les
organisateurs du Marché ont assez vite annulé l’annulation.
Au-delà des tensions qui ont marqué ce processus, je crois que les
débats auxquels il a donné lieu, notamment sur la fonction de la poésie,
ses urgences, ont été les bienvenus. Pendant quelques semaines, la
scène littéraire et poétique en France s’était animée remarquablement,
ce qui n’était pas arrivé depuis belle lurette.
Quant à mon intérêt pour la Palestine, il m’est souvent arrivé de
dire que ma naissance à la conscience politique avait eu pour
déclencheur la découverte des injustices faites au peuple palestinien.
Et c’est l’adhésion à cette cause qui m’a fait passer de poète
contestataire de l’ordre établi sur les plans politique, social et
culturel, dans les pays qui sortaient de la nuit coloniale, à
intellectuel concerné par les combats qui se déroulaient dans le reste
du monde pour la liberté, la justice sociale et les droits humains.
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https://www.marche-poesie.com/
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