Une guerre coloniale oubliée : le Rif, 1921-1926
La
guerre qui oppose la République rifaine d’Abdelkrim aux Espagnols et
aux Français entre 1921 et 1926 reste largement méconnue. Cette guerre
coloniale, extrêmement violente, marque pourtant une étape décisive dans
l’histoire de l’anticolonialisme et dans la construction de la nation
marocaine.
Recensé : Vincent Courcelle-Labrousse, Nicolas Marmié, La guerre du Rif. Maroc 1921-1926, Paris, Tallandier, 2008. 365 p., 25€
Le 14 juillet 1926, la France du Cartel
des Gauches rassemble sous l’Arc de Triomphe la coalition improbable des
vainqueurs de la guerre du Rif : un superbe cliché, où semble tenir
toute l’histoire de la IIIe République coloniale, immortalise Aristide
Briand, président du Conseil, entouré d’Édouard Herriot, Paul Doumergue
et Philippe Pétain, du dictateur espagnol Primo de Rivera et du sultan
du Maroc Moulay Youssef. « C’est dans le même esprit de paix, avait
affirmé Briand à la Chambre en décembre 1925, que nous entendons
terminer dans un bref délai les affaires du Maroc et de la Syrie
aussitôt qu’auront été réduites les agressions fomentées contre l’œuvre
de civilisation et de traditionnel libéralisme de la France » ; un an
plus tard, victorieux d’Abdelkrim, il reçoit le prix Nobel pour son
œuvre de réconciliation internationale. C’est bien une guerre et non une
simple « affaire » qui s’est pourtant déroulée dans le Rif, dans
laquelle la France a été engagée à partir d’avril 1925, mais que les
Espagnols avaient déclenchée en 1920 sans parvenir à la terminer. Une
guerre totale, moderne, et oubliée, que restituent avec passion deux
auteurs, Vincent Courcelle-Labrousse et Nicolas Marmié. Leur propos,
malheureusement, n’est étayé par aucune note de bas de page : malgré la
qualité de l’ouvrage, l’administration de la preuve s’en trouve de ce
fait affaiblie. Les deux auteurs, certes, ne sont pas historiens de
formation. Mais une connaissance, même intime, du Maroc, acquise pendant
de longues années d’exercice de leurs métiers respectifs d’avocat et de
journaliste, ne peut suppléer à l’absence complète d’apparat
scientifique.
Le livre s’appuie sur une bibliographie en
langue espagnole qui s’est considérablement renouvelée depuis le milieu
des années 2000. Rien d’étonnant à cela : la guerre du Maroc est un
enjeu clé de l’histoire espagnole de l’entre-deux-guerres. Elle a porté
Primo de Rivera au pouvoir, et constitué pour Francisco Franco une école
et un marchepied. Elle a scellé aussi la rencontre entre Philippe
Pétain et la droite traditionaliste et philofasciste de la péninsule :
sous l’œil attentif du dictateur, le maréchal vainqueur reçoit en
février 1926 à Tolède la médaille militaire des mains du roi Alphonse
XIII. Auréolé de son prestige acquis pendant la Première Guerre
mondiale, Pétain a écarté Lyautey avec la bénédiction de Paul Painlevé,
et a transporté au Maroc les méthodes de la guerre européenne. Le besoin
était urgent que soit porté le coup de grâce à la « République du
Rif », qui menaçait l’équilibre du protectorat marocain.
Aux origines de la guerre du Rif
L’insurrection du Rif à partir de 1921
n’est pas un accident. Elle est la conséquence de la lente progression
des Espagnols depuis le milieu des années 1900.
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