Par Hicham Mansouri
Casablanca, le 24 novembre 2017. Des affrontements éclatent soudainement entre des habitants d’un quartier populaire et des subsahariens, en majorité en situation illégale. Insultes échangées, pierres lancées et pneus incendiés à quelques mètres seulement de la gare routière d’Ouled Ziane. Les subsahariens parlent de racisme, les marocains se plaignent de nuisance et de squat d’un jardin public.
Des réfugiés syriens au Sahara
On est bien loin des images véhiculées par le film «Casablanca»
(1942) où le night-club, géré par un américain en exil, sert de refuge à
ceux en quête de papiers pour quitter le pays. Un Maroc où se mêlent
exil politique, sacrifice et amour impossible.
Les subsahariens ne sont pas les seuls à vivre un exil difficile dans
le royaume chérifien. Il y a aussi ces syriens qui ont fui la guerre et
le régime de Bachar Al Assad. Ils sont moins nombreux, certes, mais leurs conditions de vie ne sont pas moins pénibles.
En avril dernier, une cinquantaine de réfugiés syriens sont
restés bloqués plusieurs mois dans le désert, entre les frontières des
deux pays, dans des conditions très difficiles. Plusieurs
photos et vidéos postées sur YouTube montrent ces syriens, accompagnés
de leurs enfants, faire face au froid, à des tempêtes de sables et à des
serpents venimeux. Parmi eux, une femme sur le point d’accoucher.
Une crise politique au Sahara occidental qui n’en finit pas
Malgré l’appel de l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR), les deux pays ont essayé de se renvoyer la balle, chacun campant sur ses positions, avant que le Roi du Maroc ne décide de régler cette crise.
Si la mesure a été saluée par les citoyens et les militants des deux
pays ainsi que par la communauté internationale (à travers le
porte-parole du Secrétaire général des Nations Unies), elle ne règle pas
la question d’asile ni de mobilité dans la zone frontalière de l’Est du
pays. En effet, le Maroc et le Front Polisario se disputent le Sahara occidental, une zone considérée par l’ONU comme «non autonome». Le soutien algérien au Polisario complique les relations maroco-algériennes de puis des décennies.
Pour Michèle Decaster, la Secrétaire Générale de
l’Association française d’Amitié et de Solidarité avec les peuples
d’Afrique, il ne s’agit pas d’un « conflit territorial» mais d’un
« conflit de décolonisation » inscrit, selon elle, à la 4ème
commission de l’ONU dans le cadre de la résolution 1514 de l’Assemblée
générale « sur l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples
coloniaux ». «Le cessez-le-feu qui dure depuis 27 ans n’est pas la
paix. Les guerres sont néfastes pour tous les peuples: sahraoui,
marocain, les réfugiés syriens et subsahariens», ajoute-elle.
Une situation explosive et dramatique pour les exilés
Depuis août 1994, les frontières entre les deux pays sont officiellement fermées mais restent perméables aux trafiquants de drogues, aux immigrants clandestins et aux personnes à la recherche d’un refuge politique.
Si la situation est politiquement «stable» entre les deux voisins, des
crises ne cessent d’émerger de temps à autre à cause du conflit. Pour
Michèle, le Maroc se «sert» de cette carte afin de brouiller les pistes
dans le conflit qui l’oppose au peuple sahraoui. «Les premières
victimes sont les habitants de part et d’autre de la frontière dont les
échanges professionnels, familiaux et amicaux sont bloqués», déplore –t-elle.
Devant cette situation délicate de rivalités politiques, il est très
fréquent de voir des familles entières, brandissant leurs passeports,
faire la manche devant les mosquées et près des feux rouges, ce
notamment à Rabat et à Casablanca.
D’autres décident de se joindre aux subsahariens et tentent
de traverser la méditerranée ou de franchir les barbelés de Ceuta ou
Melilla afin de rejoindre l’Europe. Une aventure encore plus risquée.
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