La politique de l’Union européenne (UE) et des États européens en matière de réfugiés et de migration irrégulière est controversée. Or à mon avis, elle n’est qu’un outil qui reflète les stratégies européennes dans la région Afrique du Nord Moyen-Orient (ANMO). Je considère malheureusement, comme certains experts européens, que cette stratégie est déficiente ; elle compromet les valeurs de l’UE et à long terme sa sécurité, ainsi que le bien-être et les aspirations des peuples d’Europe et de la région ANMO.
Elle est façonnée par des idées fausses et n’offre que des solutions à
courte vue, non durables, fondées sur des calculs étroits et une analyse
erronée de la dynamique politique dans la région.
Au cours des dernières années, deux priorités ont dominé l’approche des décideurs politiques européens : contenir la menace du terrorisme et arrêter les flux de réfugiés et de migration irrégulière. Sur cette base, l’UE et ses États membres ont conçu des stratégies à courte vue qui ne permettent pas de s’attaquer aux causes profondes du terrorisme et de la crise des réfugiés. Cela a consisté à fermer les yeux sur la brutalité des dictateurs en échange de leur coopération en matière de sécurité et de contrôle des frontières ; et plus généralement à inclure une sorte de « conditionnalité migratoire » dans toute coopération bilatérale. Les Européens justifient souvent leurs partenariats avec les autocrates arabes par l’affirmation mensongère que c’est le Printemps arabe qui est la cause du chaos actuel : expansion du terrorisme au Proche-Orient et augmentation du nombre de réfugiés et de migrants irréguliers en Europe. Rien n’est plus éloigné de la vérité.
Cette brutalité et ces politiques paranoïaques ne laissaient aucun espace pour des réformes sociales ou économiques. L’objectif principal de ces dirigeants autoritaires était de détruire à n’importe quel prix toute alternative viable à leur pouvoir, y compris en compromettant l’intégrité des institutions de leur État, éliminant ainsi toute perspective de développement social, économique et politique, conditions d’une stabilité durable.
La manipulation de la crise des réfugiés montre jusqu’où peuvent aller ces dirigeants de la région ANMO. En Syrie, 90 % des décès de civils (soit plus de 190 000 personnes) ont été causés par les forces du président Bachar Al-Assad et de ses alliés. L’une des raisons des frappes aériennes indistinctes d’Assad contre les civils syriens était de renforcer sa position ; il a inondé l’Europe de réfugiés pour la destabiliser. Rappelons que plus de 50 % de la population syrienne est actuellement réfugiée ou déplacée. En 2015, le flux de réfugiés de Syrie vers l’Europe a atteint le million de personnes.
Depuis le début de la révolution syrienne, Assad présente les massacres perpétrés contre son peuple comme une guerre contre l’extrémisme, et lui-même comme le seul contrepoids au terrorisme. La réalité sur le terrain est cependant différente. En 2011, le président a commencé à libérer des djihadistes de prison ; ces derniers ont ensuite réactivé les réseaux de djihadistes syriens qui ont permis l’essor de l’organisation de l’État islamique (OEI). Le roi Abdallah de Jordanie a déclaré en 2015, avec plusieurs experts occidentaux, que pendant la formation de l’OEI, « le régime syrien frappait tout le monde, mais pas Daech... Ils avaient besoin de mettre en place quelqu’un de pire qu’eux-mêmes ». En d’autres termes, Assad avait besoin de la brutalité spectaculaire de l’OEI pour que ses crimes de guerre paraissent moins atroces en comparaison, et peut-être même acceptables.
Non seulement le régime Assad a concentré ses efforts de guerre sur tous les acteurs autres que l’OEI, mais il a également été la plus importante source de financement de cette organisation, en lui achetant du gaz et du pétrole. Ces faits ont peu retenu l’attention et la majorité des États qui appelaient auparavant à l’éviction d’Assad semblent maintenant croire qu’il devrait rester au pouvoir pour mettre fin au terrorisme. Je ne serais pas surpris s’ils le proposaient pour le prix Nobel de la paix.
La politique du gouvernement égyptien a conduit à une expansion du terrorisme à l’intérieur du pays. Depuis que Sissi a pris le pouvoir, le nombre de groupes terroristes opérant en Égypte a augmenté et le cadre géographique des attentats s’est élargi, d’abord à l’intérieur du nord du Sinaï, puis dans les grandes villes égyptiennes comme Le Caire, Alexandrie et Tanta. Au début, les attaques visaient presque exclusivement le personnel de sécurité, mais aujourd’hui, elles ciblent des civils, y compris des chrétiens coptes. Le dernier attentat a coûté la vie à plus de 300 fidèles musulmans soufis dans le Sinaï. De telles attaques meurtrières étaient pratiquement inédites avant l’arrivée de Sissi au pouvoir. En outre, on a de nombreux témoignages sur la radicalisation dans les prisons égyptiennes. Un ancien prisonnier politique égyptien a déclaré dans un magazine français que les détenus appartenant à l’OEI étaient plus facilement libérés que ceux des mouvements islamistes pacifiques. La raison, selon lui, est que la véritable priorité du gouvernement n’est pas la lutte contre le terrorisme, mais l’élimination de tout mouvement politique pacifique organisé ayant la capacité de mobiliser les citoyens, de la gauche et des libéraux aux islamistes pacifiques.
Cet échec dans la lutte contre le terrorisme, qui laisse les Européens silencieux a également entraîné le déplacement forcé des chrétiens du Sinaï, qui ont fui leurs maisons après les attaques de l’OEI. Pendant ce temps, des officiels occidentaux font des déclarations solennelles qu’on peut résumer par « Sissi a sauvé l’Europe et le Moyen-Orient ».
En 2016, un naufrage au large des côtes égyptiennes a fait plus de 200 morts ; les survivants ont déclaré qu’ils prévoyaient déjà d’essayer à nouveau d’atteindre l’Italie. Un homme interrogé sur les lieux a dit : « Ici nous ne vivons pas, alors pourquoi ne pas risquer la mort ? » Cela soulève la question suivante : comment l’UE peut-elle les aider à rester et à « vivre » dans leur pays d’origine au lieu de mourir en mer ? La réponse bornée, répétée régulièrement est d’augmenter l’aide au développement et à la sécurité pour lutter contre la pauvreté et améliorer le contrôle aux frontières. Mais par les mêmes moyens relativement inefficaces qu’avant, sans s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté, de l’insécurité, de l’injustice et de la marginalisation qui créent des réfugiés et des migrants en quête d’espoir, de sécurité et de moyens de subsistance.
Cela donne aux dirigeants corrompus un bail de vie à court terme, sans avoir à changer leurs politiques les plus destructrices. Des autocrates arabes comme Al-Sissi « étranglent » des acteurs essentiels pour la mise en œuvre des stratégies de développement de l’UE et des États membres, à savoir les ONG locales et internationales de développement3. En outre, sans bonne gouvernance (absence de contrôle de l’action gouvernementale allié à des politiques économiques, sociales et fiscales médiocres), sans lutte contre la corruption4 et sans disparition de l’oppression systématique des jeunes, des communautés marginalisées (les Bédouins du Sinaï et les Nubiens de Haute-Égypte sont systématiquement marginalisés et exclus des programmes de développement, des emplois publics et de la représentation politique) et des syndicats, les efforts de l’UE restent vains. L’aide étrangère continue d’être absorbée sans effet sur la tendance générale d’oppression, de mauvaise gouvernance et de sous-développement. Selon Robert Springborg, un chercheur universitaire de premier plan sur l’Égypte, la trajectoire actuelle conduit probablement à l’effondrement de l’État5.
Je me souviens des nombreux expatriés égyptiens qui ont afflué en Égypte pendant et immédiatement après le soulèvement de janvier 2011 qui a renversé Hosni Moubarak. Ils l’ont fait en croyant que leur pays était à un moment de transition, et qu’il pouvait se développer et se moderniser. Ils l’ont fait parce que le Printemps arabe leur a donné de l’espoir et une vision d’avenir, pour la première fois de leur vie. Cependant aujourd’hui, la plupart d’entre eux ont de nouveau quitté l’Égypte, ainsi que beaucoup d’autres qui n’avaient jamais songé à s’en aller, y compris moi-même. Ils ont été chassés par la frustration et l’absence totale d’espoir que leur pays puisse avancer d’un pouce en suivant la trajectoire actuelle. Il ne s’agit pas seulement de démocratie ou de droits humains, mais aussi de retard, d’incompétence, de dysfonctionnement, de corruption politique et financière enracinés dans les institutions, et du dégoût, inhérent à l’élite dirigeante, pour le progrès et la modernisation. Après tout, ces notions menacent le premier objectif de cette élite : conserver le pouvoir. De plus, la suppression systématique des aspirations légitimes de la population à une vie meilleure envoie un message clair : les peuples ne sont pas des citoyens, ils sont des invités dans leur propre pays.
L’UE et les États européens comme la France doivent revoir leur stratégie globale dans la région. Ils doivent défendre leurs valeurs et inspirer l’espoir. Ainsi apparaîtront des partenaires fiables et des peuples qui préfèreront construire leur pays plutôt que de fuir leurs maisons ou de se noyer en mer à la poursuite d’une existence sûre et digne.
Au cours des dernières années, deux priorités ont dominé l’approche des décideurs politiques européens : contenir la menace du terrorisme et arrêter les flux de réfugiés et de migration irrégulière. Sur cette base, l’UE et ses États membres ont conçu des stratégies à courte vue qui ne permettent pas de s’attaquer aux causes profondes du terrorisme et de la crise des réfugiés. Cela a consisté à fermer les yeux sur la brutalité des dictateurs en échange de leur coopération en matière de sécurité et de contrôle des frontières ; et plus généralement à inclure une sorte de « conditionnalité migratoire » dans toute coopération bilatérale. Les Européens justifient souvent leurs partenariats avec les autocrates arabes par l’affirmation mensongère que c’est le Printemps arabe qui est la cause du chaos actuel : expansion du terrorisme au Proche-Orient et augmentation du nombre de réfugiés et de migrants irréguliers en Europe. Rien n’est plus éloigné de la vérité.
Du Maroc à l’Irak, en passant par la Syrie
Le Printemps arabe est en réalité une tentative de faire pression pour des réformes, afin d’empêcher le chaos de s’étendre à toute la région. Pendant des décennies, les dirigeants autoritaires arabes ont violemment résisté aux demandes pacifiques de leurs peuples, qui réclamaient des réformes significatives. Certains ont employé sur eux des armes chimiques1. D’autres ont eu recours au nettoyage ethnique, aux exécutions extrajudiciaires, aux disparitions forcées à grande échelle, à la torture systématique, aux détentions arbitraires, à des procès politiques de masse2.Cette brutalité et ces politiques paranoïaques ne laissaient aucun espace pour des réformes sociales ou économiques. L’objectif principal de ces dirigeants autoritaires était de détruire à n’importe quel prix toute alternative viable à leur pouvoir, y compris en compromettant l’intégrité des institutions de leur État, éliminant ainsi toute perspective de développement social, économique et politique, conditions d’une stabilité durable.
La manipulation de la crise des réfugiés montre jusqu’où peuvent aller ces dirigeants de la région ANMO. En Syrie, 90 % des décès de civils (soit plus de 190 000 personnes) ont été causés par les forces du président Bachar Al-Assad et de ses alliés. L’une des raisons des frappes aériennes indistinctes d’Assad contre les civils syriens était de renforcer sa position ; il a inondé l’Europe de réfugiés pour la destabiliser. Rappelons que plus de 50 % de la population syrienne est actuellement réfugiée ou déplacée. En 2015, le flux de réfugiés de Syrie vers l’Europe a atteint le million de personnes.
Depuis le début de la révolution syrienne, Assad présente les massacres perpétrés contre son peuple comme une guerre contre l’extrémisme, et lui-même comme le seul contrepoids au terrorisme. La réalité sur le terrain est cependant différente. En 2011, le président a commencé à libérer des djihadistes de prison ; ces derniers ont ensuite réactivé les réseaux de djihadistes syriens qui ont permis l’essor de l’organisation de l’État islamique (OEI). Le roi Abdallah de Jordanie a déclaré en 2015, avec plusieurs experts occidentaux, que pendant la formation de l’OEI, « le régime syrien frappait tout le monde, mais pas Daech... Ils avaient besoin de mettre en place quelqu’un de pire qu’eux-mêmes ». En d’autres termes, Assad avait besoin de la brutalité spectaculaire de l’OEI pour que ses crimes de guerre paraissent moins atroces en comparaison, et peut-être même acceptables.
Non seulement le régime Assad a concentré ses efforts de guerre sur tous les acteurs autres que l’OEI, mais il a également été la plus importante source de financement de cette organisation, en lui achetant du gaz et du pétrole. Ces faits ont peu retenu l’attention et la majorité des États qui appelaient auparavant à l’éviction d’Assad semblent maintenant croire qu’il devrait rester au pouvoir pour mettre fin au terrorisme. Je ne serais pas surpris s’ils le proposaient pour le prix Nobel de la paix.
La politique de Sissi encourage le terrorisme
La stratégie manipulatrice d’Assad a été imitée en Égypte, de façon impressionnante. Lorsqu’on interroge le président Abdel Fattah Al-Sissi sur la brutalité de sa politique, il répond souvent que l’Égypte est une nation de plus de 90 millions d’habitants dans une région turbulente, et que la déstabilisation de son pays engendrerait des flots de réfugiés beaucoup plus importants que ceux en provenance de la petite Syrie. La menace voilée d’un effondrement de l’Égypte constitue la carte principale de la politique étrangère du maréchal. Elle joue sur les calculs politiques à courte vue de l’UE et des États européens et sur l’ordre de leurs priorités. Je dis à courte vue, car l’UE et des États comme la France, par crainte du terrorisme et de l’arrivée d’un plus grand nombre de réfugiés et de migrants, gardent le silence sur la répression menée par le gouvernement égyptien. En fait, elles alimentent ainsi le terrorisme, et augmentent donc le nombre de réfugiés et de migrants.La politique du gouvernement égyptien a conduit à une expansion du terrorisme à l’intérieur du pays. Depuis que Sissi a pris le pouvoir, le nombre de groupes terroristes opérant en Égypte a augmenté et le cadre géographique des attentats s’est élargi, d’abord à l’intérieur du nord du Sinaï, puis dans les grandes villes égyptiennes comme Le Caire, Alexandrie et Tanta. Au début, les attaques visaient presque exclusivement le personnel de sécurité, mais aujourd’hui, elles ciblent des civils, y compris des chrétiens coptes. Le dernier attentat a coûté la vie à plus de 300 fidèles musulmans soufis dans le Sinaï. De telles attaques meurtrières étaient pratiquement inédites avant l’arrivée de Sissi au pouvoir. En outre, on a de nombreux témoignages sur la radicalisation dans les prisons égyptiennes. Un ancien prisonnier politique égyptien a déclaré dans un magazine français que les détenus appartenant à l’OEI étaient plus facilement libérés que ceux des mouvements islamistes pacifiques. La raison, selon lui, est que la véritable priorité du gouvernement n’est pas la lutte contre le terrorisme, mais l’élimination de tout mouvement politique pacifique organisé ayant la capacité de mobiliser les citoyens, de la gauche et des libéraux aux islamistes pacifiques.
Cet échec dans la lutte contre le terrorisme, qui laisse les Européens silencieux a également entraîné le déplacement forcé des chrétiens du Sinaï, qui ont fui leurs maisons après les attaques de l’OEI. Pendant ce temps, des officiels occidentaux font des déclarations solennelles qu’on peut résumer par « Sissi a sauvé l’Europe et le Moyen-Orient ».
« Ici, nous ne vivons pas »
Le chaos dans la région ANMO n’est pas le résultat du Printemps arabe, il est celui de la résistance brutale des autocrates à tout ce qu’il représentait. Entre 2011 et 2016, environ 630 000 migrants et réfugiés en situation irrégulière ont atteint l’Italie par la Méditerranée. Mais environ 80 % d’entre eux ont fait le voyage entre 2014 et 2016, les années de contre-révolution et de répression contre les forces du Printemps arabe.En 2016, un naufrage au large des côtes égyptiennes a fait plus de 200 morts ; les survivants ont déclaré qu’ils prévoyaient déjà d’essayer à nouveau d’atteindre l’Italie. Un homme interrogé sur les lieux a dit : « Ici nous ne vivons pas, alors pourquoi ne pas risquer la mort ? » Cela soulève la question suivante : comment l’UE peut-elle les aider à rester et à « vivre » dans leur pays d’origine au lieu de mourir en mer ? La réponse bornée, répétée régulièrement est d’augmenter l’aide au développement et à la sécurité pour lutter contre la pauvreté et améliorer le contrôle aux frontières. Mais par les mêmes moyens relativement inefficaces qu’avant, sans s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté, de l’insécurité, de l’injustice et de la marginalisation qui créent des réfugiés et des migrants en quête d’espoir, de sécurité et de moyens de subsistance.
Cela donne aux dirigeants corrompus un bail de vie à court terme, sans avoir à changer leurs politiques les plus destructrices. Des autocrates arabes comme Al-Sissi « étranglent » des acteurs essentiels pour la mise en œuvre des stratégies de développement de l’UE et des États membres, à savoir les ONG locales et internationales de développement3. En outre, sans bonne gouvernance (absence de contrôle de l’action gouvernementale allié à des politiques économiques, sociales et fiscales médiocres), sans lutte contre la corruption4 et sans disparition de l’oppression systématique des jeunes, des communautés marginalisées (les Bédouins du Sinaï et les Nubiens de Haute-Égypte sont systématiquement marginalisés et exclus des programmes de développement, des emplois publics et de la représentation politique) et des syndicats, les efforts de l’UE restent vains. L’aide étrangère continue d’être absorbée sans effet sur la tendance générale d’oppression, de mauvaise gouvernance et de sous-développement. Selon Robert Springborg, un chercheur universitaire de premier plan sur l’Égypte, la trajectoire actuelle conduit probablement à l’effondrement de l’État5.
Je me souviens des nombreux expatriés égyptiens qui ont afflué en Égypte pendant et immédiatement après le soulèvement de janvier 2011 qui a renversé Hosni Moubarak. Ils l’ont fait en croyant que leur pays était à un moment de transition, et qu’il pouvait se développer et se moderniser. Ils l’ont fait parce que le Printemps arabe leur a donné de l’espoir et une vision d’avenir, pour la première fois de leur vie. Cependant aujourd’hui, la plupart d’entre eux ont de nouveau quitté l’Égypte, ainsi que beaucoup d’autres qui n’avaient jamais songé à s’en aller, y compris moi-même. Ils ont été chassés par la frustration et l’absence totale d’espoir que leur pays puisse avancer d’un pouce en suivant la trajectoire actuelle. Il ne s’agit pas seulement de démocratie ou de droits humains, mais aussi de retard, d’incompétence, de dysfonctionnement, de corruption politique et financière enracinés dans les institutions, et du dégoût, inhérent à l’élite dirigeante, pour le progrès et la modernisation. Après tout, ces notions menacent le premier objectif de cette élite : conserver le pouvoir. De plus, la suppression systématique des aspirations légitimes de la population à une vie meilleure envoie un message clair : les peuples ne sont pas des citoyens, ils sont des invités dans leur propre pays.
L’UE et les États européens comme la France doivent revoir leur stratégie globale dans la région. Ils doivent défendre leurs valeurs et inspirer l’espoir. Ainsi apparaîtront des partenaires fiables et des peuples qui préfèreront construire leur pays plutôt que de fuir leurs maisons ou de se noyer en mer à la poursuite d’une existence sûre et digne.
1Par
exemple la tristement célèbre attaque chimique de Saddam Hussein à
Halabja contre les Kurdes irakiens en 1988. Bachar Al-Assad a aussi
utilisé des armes chimiques contre des civils au cours de la guerre
civile syrienne.
2Le
massacre de civils par Hafez Al-Assad dans le bombardement de Hama, le
génocide des Kurdes par Saddam Hussein, à l’aide d’armes chimiques, et
ses atrocités contre des civils chiites pendant le soulèvement de 1991
où environ 100 000 chiites ont été tués, ainsi que l’épouvantable
brutalité du roi du Maroc Hassan II pendant les « années de plomb », tout cela donne une idée de ce dont les autocrates arabes sont capables afin de rester au pouvoir.
3L’Égypte a récemment voté [une loi sur les ONG qui devrait entraîner la fermeture de 70 % des associations caritatives et de développement, c’est-à-dire 30 000 associations.
4Hisham Geneina, le responsable de la Cour des comptes a été limogé par le président Sissi et condamné à un an de prison pour avoir déclaré publiquement que la corruption coûtait à l’État 68 milliards de dollars.
5Egypt, Polity Press, 2018.
Traduit de l’anglais par Pierre Prier.
Lire aussi notre dossier « Crise des migrants ou crise de l’Occident ? »
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