- 4 mai 2018
- Par Nils Andersson, blog Mediapart
Claude Mangin mène une grève de la faim après avoir été
refoulée quatre fois du Maroc et être depuis 22 mois interdite de
visiter son mari, Naâma Asfari, militant Sahraoui, détenu depuis sept
ans et demi. Un enchainement de violations du droit international, de
résolutions de l’ONU, de la Déclaration des droits de l’homme, des
Conventions de Genève, des droits de la défense par le Maroc.
Sa vie pour le droit de visiter son mari.
Claude Mangin a commencé le 18 avril à Ivry, une grève de la faim après avoir été refoulée une quatrième fois du Maroc et se voit, depuis
22 mois, refuser le droit de visiter son mari Naâma Asfari, militant
des droits de l’homme Sahraoui, détenu depuis sept ans et demi dans les
prisons marocaines. Une situation qui résulte d’un enchainement de
violations du droit international, de violations de résolutions de
l’ONU, de violations de la Déclaration des droits de l’homme, de
violations des Conventions de Genève, de violations des droits de la
défense par le Maroc.
Violation du droit international et violations des résolutions de l’ONU.
Les Sahraouis, les « natifs » comme les appelaient les colonisateurs
espagnols à la fin du XIXe siècle, peuplent depuis des temps longs le
Sahara occidental. En 1885, lors de la Conférence de Berlin, les
puissances coloniales se partagent l’Afrique, le Sahara occidentaldevient colonie espagnole. En 1963, dans le cours de la décolonisation, l’ONU l’inscrit
dans la liste des territoires dont « les populations ont vocation à
leur autodétermination » et, en 1965, une résolution de l’Assemblée
générale demande qu’ilsoit mis fin à sacolonisation par l’Espagne. De son côté, Rabat, animé par les projets irrédentistes d’un Grand Maroc[1], revendique auprès de la Cour Pénale internationale un droit de souveraineté sur le Sahara occidental. En 1973, les Sahraouis créent contre le colonisateur espagnol et pour s’opposer auxvisées marocaines, le Front Polisario.
En 1974, l’Espagne, accepte d’organiser un référendum
d’autodétermination dans le Sahara espagnol et le 16 octobre 1975, la
Cour International de Justice rend un avis sans équivoque contre le
« droit de souveraineté » revendiqué par le Maroc : « La Cour conclut
que les éléments et renseignements portés à sa connaissance
n’établissent l’existence d’aucun lien de souveraineté territoriale
entre le territoire du Sahara occidental d’une part, le Royaume du Maroc
ou l’ensemble mauritanien d’autre part ». Etd’ajouter : «
La Cour n’a pas constaté l’existence de liens juridiques de nature à
modifier l’application de la résolution 1514 quant à la décolonisation
du Sahara occidental et en particulier l’application du principe
d’autodétermination grâce à l’expression libre et authentique de la
volonté des populations du territoire. » Hassan II procède alors à un
coup de force contre la Cour pénale internationale et les résolutions de
l’ONU , n’hésitant pas à déclarer : « Les portes du Sahara nous sont
juridiquement ouvertes, tout le monde a reconnu que le Sahara nous
appartient depuis la nuit des temps. Il nous reste donc à occuper notre
territoire » ! Le 6 novembre 1975, il organise la Marche verte et occupe le Sahara occidental.
Avec l’Accord de Madrid signé le 14 novembre 1975,niant
les droits du peuple sahraoui, l’Espagne franquiste reconnait la
souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Depuis, rituel onusien,
chaque année le conseil de sécurité – soulignant que la consolidation du
statu quo n’est pas acceptable – vote à l’unanimité un mandat
prorogeant la Mission des Nations unies (MINURSO) pour l’organisation
d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental.
Violations des droits de l’homme et des Conventions de Genève
Dès l’occupation du Sahara occidental, le Maroc mène une politique répressive, violant les droits de l’homme contre
les Sahraouis résistant à l’occupation. Se fondant sur la résolution
des Nations unies, le Front Polisario proclame en 1976, la République
arabe sahraouie démocratique. Poursuivant sa politique d’occupation
militaire, le Maroc, en1980, érige le Mur des sables,laissant seulement 20% du territoire aux Sahraouis. Depuis près de 40 ans ils sont des dizaines de milliers à vivre dans des camps au Sahara occidental ou,exilés, dans celui de Tindouf, en Algérie.
En 1991, un accord de paix sous l’égide de l’ONU et de l’Organisation
de l’Unité Africaine est signé par le Maroc et le Front Polisario, le
cessez-le-feu intervient en septembre 1991, le référendum
d’autodétermination est prévu en janvier 1992, sous la responsabilité de
la Mission des Nations unies (MINURSO),qui refuse, en2003,
d’inscrire sur les listes électorales les dizaines de milliers de
Marocains relevant d’une colonisation de peuplement du Sahara
occidental, le Maroc, bafouant la résolution de l’Assemblée générale de
l’ONU, rejette alors le projet de référendum.
C’est la situation dans laquelle se déroulent les événements du camp de Gdeim Izik, où jusqu’à
15 000 Sahraouis s’étaient installés pour protester de leur
marginalisation sociale et le pillage de leurs ressources naturelles ;
le 8 novembre 2010, les forces de police, de gendarmerie et des
militaires marocains démantèlent brutalement le camp. Résistance du désespoir, lors des affrontements il y a des morts, dont
des gendarmes et membres des forces auxiliaires. 25 militants
indépendantistes, dont Naâma Asfari, sont arrêtés et soumis à la torture
pour obtenir des « aveux ».
Le Comité contre la torture des Nations unies est saisi, en 2012 il
dépose des conclusions sans appel : « Plus de 100 résolutions de l'ONU
et la Cour internationale de justice, confirment que le droit à
l'autodétermination s'applique spécifiquement au peuple du Sahara
occidental ».Le rapport précise également quele Maroc empêche régulièrement
les organismes internationaux et les observateurs d'entrer dans ces
territoires, tels que les journalistes, les parlementaires étrangers et
les experts en droits de l’homme, que : « Aujourd'hui
encore, les autorités marocaines oppriment sévèrement les individus et
les organisations qui défendent le droit à l'autodétermination »et que le camp de Gdeim Izim « était
une manifestation du droit légitime du peuple sahraoui de se réunir
pacifiquement. Le camp a été démantelé par un usage excessif de la force
par les forces de police marocaines ». Le Comité contre la torture des
Nations unies confirme qu’un « certain nombre de Sahraouis sont victimes
de graves violations des droits de l'homme pendant leur interrogatoire
et leur détention. » Cette condamnation du Maroc reste ignorée et la
communauté internationale demeure silencieuse.
Violation du droit international humanitaire et des droits de la défense
Silences qui donnent libre champ à la justice marocaine. En février 2013, lors d’un procès inéquitable, violant les droits de la défense, 9 militants sont condamnés à la perpétuité, 4 à 30 ans de prison, 7 à 25 ans, 3 à 20 ans. Naâma Asfari est condamné à 30 ans, alors qu’il avait été arrêté le jour avant les événements et ne pouvait donc y avoir participé !
Les condamnés déposent un recours en cassation,
alors qu’elle devait statuer dans les six mois sur les condamnations
des militants sahraouis, c’est seulement 3 ans après que le procès est
renvoyé devant la cour d’appel de Salé qui va siéger de décembre 2016 à
juin 2017 afin d’entraver une présence permanente des organisations des
droits de l’homme et d’observateurs indépendants. Les Sahraouis jugés
sont dans une cage de verre avec des policiers postés devant les empêchant de suivre les débats et de communiquer avec les observateurs ; ils
obtiennent finalement droit à une retransmission de leur procès sur
écran… Des avocates des droits de l’homme sont refoulées, deux avocates
françaises sont expulsées par la force du tribunal, l’une est blessée lors de l’expulsion et depuis, elles sont refoulées quand elles se présentent pour visiter
les condamnés. Après une quinzaine d’audiences, les accusés « ont
manifesté leur volonté de ne plus y assister », car « ce procès est une
farce, marquée par énormément d’irrégularités » ; la décision deretrait est suivie par leurs avocats. Au terme de cette mascarade judiciaire, toutes les condamnationssont confirmées à l’exception d’un militant remis en liberté pour raison de santé. Parodie de procès et non-respect flagrant des Conventions de Genève sur les droits des prisonniers.
Pour rendre plus difficile encore les liens entre les prisonniers et
leurs familles, ils sont répartis dans sept prisons différentes et dans
le cas de Naâma Asfari, à l’encontre de tous les droits, mais aussi,
banalement, de tous les sentiments, sa femme est systématiquement
refoulée du Maroc lorsqu’elle se présente pour une visite. Quand
donc le silence sera brisé sur le Maroc qui occupe le Sahara
occidental, bafoue les résolutions de l’ONU, la Cour pénale
internationale et le Comité contre la torture des Nations unies ?
Claude Mangin en menant sa grève de la faim lutte pour le droit humain de rencontrer son mari, lutte contre les violations des Conventions de Genève commis par l’État marocain, lutte pour le respect du droit à l’autodétermination du peuple Sahraoui reconnu par l’ONU.Les chantres des droits de l’homme, les médias et le gouvernement doivent rompre leur silence, notre silence aussi se doit d’être rompu, nous sommes tous responsables et complices.
[1]Le Grand Maroc devrait comprendre le Sahara occidental, la Mauritanie, une part de l’Algérie et du Mali !
Site d’information :Amis de la République Arabe Sahraouie Démocratique (AARASD).
À lire, Michèle Decaster, Irréductibles Sahraouis, femmes et hommes en résistance, Éditions La Grange.
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