Source : LesInfos.ma
18/06/2018 14:15
Le Haut Commissariat au Plan (HCP) révèle dans une récente note que 247.000 enfants exercent un travail. Parmi eux, 162.000 travaillent dans un contexte dit dangereux. Malgré les dispositifs légaux mis en place pour éradiquer ce phénomène, ce fléau persiste au Maroc.
Encore trop de « petites mains » dans les secteurs agricole,
l'artisanat ou les services, dans les milieux ruraux ou urbains. En
2017, ils sont nombreux à déserter les bancs de l'école pour travailler,
selon une récente note du HCP, qui dévoile des chiffres accablants. En
effet, dans le cadre d'une vaste campagne de sensibilisation intitulée
« Génération : Sécurité et santé », déployée à l'occasion de la Journée
mondiale contre le travail des enfants, le HCP s'attaque à un point
épineux de la vaste Enquête Nationale sur l’Emploi : les travaux
dangereux exercés par les mineurs. Il s'agit selon la Convention n° 182
de l’OIT, relative à « l’interdiction des pires formes de travail des
enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination », de tout
emploi qui « [...], par sa nature et les circonstances dans lesquelles
il est effectué, est susceptible de nuire à la santé, à la sécurité ou à
la moralité des enfants »
Des secteurs d'activité pointés du doigt
On apprend ainsi qu'en 2017, sur les 7.049.000 enfants âgés de 7 à 17
ans, 247.000 exercent un travail. Parmi ces derniers le travail est
estimé dangereux pour 162.000 enfants, ce qui correspond à un taux
d’incidence de 2,3 %. Les enfants exerçant ce type de travail sont à
76,3 % ruraux, 81 % masculins et à 73 % âgés de 15 à 17 ans. Ils sont au
nombre de 38.000 en milieu urbain, constituant 85,6 % des enfants au
travail dans les villes (45.000 enfants) et 1% de l’ensemble des enfants
citadins (4.026.000 enfants). Dans le cas des ruraux, ces proportions
sont respectivement de 124.000, 61,4 % (202.000 enfants) et 4 %
(3.023.000 enfants).
Le travail dangereux reste concentré dans certains secteurs économiques
et diffère selon le milieu de résidence, précise le HCP. En zones
rurales, ces enfants sont essentiellement employés dans le secteur de
« l’agriculture, forêt et pêche » (82,6 %). En revanche, en villes, ils
sont concentrés dans les « services » (52,7 %) et dans « l’industrie y
compris l’artisanat » (32 %).
Les secteurs où le niveau d’exposition des enfants aux risques est le
plus élevé sont, le secteur des BTP avec 92 %, suivi de « l’industrie y
compris l’artisanat » (83,7 %), les « services » (82,4 %) et
« l’agriculture, forêt et pêche » (58,6 %).
Par ailleurs, cette étude indique que quatre régions du Royaume
abritent 70 % des enfants astreints à ces travaux dits dangereux. La
région de Casablanca-Settat vient en tête avec 25,3 %, suivie de
Marrakech-Safi (20,3 %), puis Rabat-Salé-Kénitra (12,7 %) et enfin la
région de Fès-Meknès avec 11,7 %. Parmi les enfants de sexe masculin, un
nombre de 132.000 exercent un travail dangereux, 74,3 % des garçons au
travail et 3,7 % de l’ensemble des garçons âgés de 7 à 17 ans
respectivement. C’est le cas de 31.000 filles, et respectivement 44,2 %
et 1 % des enfants de même sexe.
L'enquête précise également que 10,6 % des enfants exerçant un travail
dangereux sont en cours de scolarisation, 81,4 % ont quitté l’école et
8 % ne l’ont jamais fréquentée.
Un défi inscrit dans les Objectifs de Développement Durable
Bien que le Maroc ait consenti à certains efforts en matière de lutte
contre le travail des enfants, en ratifiant entre autre la Convention n°
182 de l’OIT en janvier 2001 et en réglementant davantage le travail
des « petites bonnes », il souffre encore de ce fléau. Cette
problématique est notamment l'un des axes névralgiques des Objectifs de
Développement Durable fixés par le Maroc, qui entend « éliminer le
travail des enfants sous toutes ses formes d’ici 2025 et la promotion de
la sécurité et de la santé au travail pour tous les travailleurs d’ici
2030.
L'étude révèle cependant que l’incidence du travail dangereux au Maroc
est de l’ordre de 2,3 % contre, selon les statistiques de l’OIT, de
4,6 % à l’échelle internationale, représentant ainsi le double du niveau
national. Cette incidence passe de 1,5 % au niveau des États Arabes à
3,2 % dans les Amériques, puis à 3,4 % dans la région Asie-Pacifique, et
à 4 % en Europe et Asie Centrale pour culminer à 8,6 % en Afrique.
Il est indéniable que le Maroc doit relever un défi de taille pour
parvenir à l'éradication de ce phénomène. Selon l'anthropologue et
auteur de «L’exploitation de l’innocence, le travail des enfants au
Maroc», Chakib Guessous pour lutter contre le travail des enfants, il
est nécessaire d'agir sur trois volets cruciaux : l'amélioration des
revenus des ménages, notamment en agissant sur une amélioration de la
technologie agricole et obtenir une hausse de la productivité ;
l'assurance que les femmes aient également un revenu propre, car, selon
le BIT, « là où la femme travaille, les enfants vont à l’école, filles
et garçons » ; enfin, la nécessité que l'école devienne attractive, afin
que les enfants ne s'y ennuient pas et ne cherchent de fait pas à la
déserter, sans évoquer la lutte contre le phénomène d'absentéisme des
instituteurs en zones rurales.
Le travail dangereux des enfants reste un problème majeur qui gangrène
de nombreux pays du globe. Selon les statistiques des Nations Unies, sur
un total d’environ 1,6 milliard d’enfants vivant dans le monde, 73
millions ou 4,6 % vivent d’un travail dangereux...
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