La mondialisation a changé la
planète : 2 milliards d'êtres humains sont sortis de la misère, et
l'espérance de vie a doublé dans les pays émergents. Jamais les
conditions de vie ne se sont améliorées aussi rapidement. Mais les
progrès ont été très variables : les pays et les aires culturelles qui
embrassent le capitalisme cognitif - c'est-à-dire l'économie de la
connaissance, de l'intelligence artificielle (IA) et du big data - connaissent une croissance rapide, ce qui modifie radicalement la hiérarchie des nations.
En 1960, la Corée du Sud avait la même richesse par habitant que les pays pauvres d'Afrique noire et elle n'a rattrapé le Maroc
qu'en 1970. Aujourd'hui, la Corée du Sud est un géant technologique
dans plusieurs domaines clefs comme les microprocesseurs, les écrans,
les logiciels, les smartphones et le nucléaire. En 1980, le Maroc était
cinq fois plus riche que la Chine : 1075 dollars de revenu annuel par habitant, contre 195 pour la Chine !
Ceux qui ont investi dans l'éducation et les sciences
La
Chine est devenue une grande puissance scientifique, tandis que le
Maroc reste un pays pauvre qui connaît encore un taux d'analphabétisme
de 40 % chez les femmes. Pourtant, le roi du Maroc est un monarque
éclairé, entouré d'élites technocratiques de qualité. Mais ce n'est pas
suffisant pour suivre le rythme effréné de l'Asie, qui investit
massivement dans la recherche, l'innovation, l'éducation et l'IA. Il n'y
a, par exemple, toujours aucun centre de recherche digne de ce nom en
Afrique du Nord : les scientifiques y sont socialement bien moins bien
considérés que les docteurs de la foi.
Le Venezuela, qui était
plus riche que Singapour en 1970, est désormais un pays miséreux,
déserté par ses élites et ses classes moyennes. La France était trois
fois plus riche que Singapour en 1970 : le jour où les Français
réaliseront que les habitants de Singapour ont désormais le double de
leur niveau de vie, ils demanderont des comptes à la classe politique.
Ces bouleversements géopolitiques ne doivent rien au hasard, mais sont
la conséquence des immenses investissements éducatifs, scientifiques,
technologiques des pays d'Asie de l'Est : Singapour, Chine, Taïwan,
Hongkong et Corée du Sud.
L'Asie, continent du capitalisme cognitif
La
part de la Chine dans les dépenses mondiales de recherche a explosé : 2
% en 1995, 23 % aujourd'hui, c'est-à-dire plus que l'Europe tout
entière, et elle se rapproche à grands pas des Etats-Unis. Les pays
d'Asie de l'Est deviennent des géants scientifiques pendant qu'en
Europe du Sud (Espagne, Italie et Portugal), on investit à peine un peu
plus de 1 % de la richesse nationale - le PIB - en recherche. Le taux
est de 2,2 % en France contre bientôt de 5 % en Corée du Sud.
La montée en puissance des pays asiatiques dans le classement Pisa
des systèmes scolaires est devenu un tabou pour la classe politique
française. En sciences, Singapour est numéro 1 mondial, et la Corée du
Sud, la Chine, Taïwan et le Vietnam ridiculisent les petits Français.
Ainsi, des millions d'ingénieurs et de chercheurs à très haut potentiel
sont formés en Asie, qui devient le leader du capitalisme cognitif.
Après,
les hommes politiques européens font semblant de s'étonner que nos
économies soient bas de gamme tout comme les salaires qui vont avec... A
eux les microprocesseurs, à nous les petits boulots ! Les pays
asiatiques préparent ainsi leurs enfants à être complémentaires de l'IA.
Cela explique que l'Asie conquérante n'a pas peur du futur,
contrairement aux Européens : 90 % des Chinois, contre un tiers des
Français, pensent que l'IA sera bonne pour la société. Pour éviter de
devenir les perdants du capitalisme cognitif, il faut que nous vénérions
les chercheurs, les ingénieurs et les enseignants. L'Asie montre le
chemin.
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