La COAG va engager une action en justice pour fraude fiscale à l’encontre d’importateurs de tomates marocaines
COAG, 17/1/2025
Au cours des dernières années, la COAG* [Coordinadora de Organizaciones de Agricultores y Ganaderos, Coordination des organisations d’agriculteurs et d’éleveurs] a demandé à plusieurs reprises à la Commission européenne et aux ministères de l’Agriculture, de l’Économie et des Finances les montants réglés pour les importations agricoles en provenance du Maroc en termes de droits de douane et n’a reçu aucune réponse clarifiante à cet égard. Depuis 2019, le Maroc a dépassé d’environ 230 000 tonnes par an la limite de franchise de droits prévue par l’accord de libre-échange avec l’UE. Le montant fraudé pourrait dépasser 71 millions d’euros à partir de la saison 2019-2020, soit environ 14 millions d’euros par an.
Madrid, 17 janvier 2025 - La Coordination des organisations d’agriculteurs et d’éleveurs (COAG) intentera une action en justice pour fraude fiscale à l’encontre des importateurs de tomates marocaines. C’est ce qu’a déclaré le responsable du secteur des fruits et légumes de la COAG, Andrés Góngora, lors du webinaire d’information sur les implications de l’arrêt de la Cour de justice de l’UE qui déclare l’accord de libre-échange entre l’UE et le Maroc illégal parce qu’il inclut les territoires du Sahara occidental.
L’analyse effectuée par les services techniques de la COAG montre clairement que les importations marocaines ont largement dépassé le quota de 285 000 tonnes par an de tomates en franchise de droits, à un prix minimum de 0,46 euros par kilo, qui est inclus dans l’accord susmentionné. Depuis 2019, le Maroc a dépassé la limite des droits de douane d’environ 230 000 tonnes par an.
Source : Élaboration propre à partir des données d’Eurostat, valeurs en tonnes
« Les calculs de notre recherche montrent que les entreprises qui importent des tomates du Maroc devraient payer 71,7 millions d’euros à l’Espagne au cours des cinq dernières années pour le surplus de tomates qu’elles ont introduit sur le marché européen, soit environ 14 millions d’euros par an (1) », a précisé Góngora, ajoutant que “les comptes sont aussi bienveillants que possible envers le Maroc, car les quantités qui proviennent du Sahara occidental devraient entrer dans l’UE sans les conditions préférentielles établies pour le Maroc, ce qui augmenterait les chiffres estimés”.
Dans ce sens, le responsable de la COAG a souligné la complicité de l’UE et des gouvernements espagnol et français. « Depuis 10 ans, la COAG a demandé à plusieurs reprises à la Commission européenne et aux ministères de l’Agriculture, de l’Economie et des Finances les montants payés pour les importations agricoles en provenance du Maroc en termes de droits de douane et n’a pas reçu de réponses clarifiantes. Nous avons interrogé la Commission européenne à ce sujet, mais l’institution nous renvoie au fait qu’il est de la compétence de chaque Etat membre de contrôler les droits de douane. Le ministère de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation, quant à lui, nous a redirigés vers les ministères de l’économie et des finances, qui n’ont répondu que par le silence », a-t-il déclaré.
En ce qui concerne l’arrêt de la Cour de justice de l’UE qui déclare l’accord de libre-échange avec le Maroc illégal, le responsable des fruits et légumes de la COAG a demandé qu’il soit appliqué immédiatement, sans période de grâce. « Les agriculteurs européens n’ont pas bénéficié de cette période de grâce et nous souffrons jour après jour de la concurrence déloyale des importations dans les conditions pernicieuses de l’accord ». Góngora a ajouté que « si le jugement a établi que l’accord n’est pas légal, l’UE ne peut pas fermer les yeux et maintenir un accord illégal en vigueur pendant 12 mois supplémentaires, juste pour favoriser certaines entreprises transnationales, alors que nous, les producteurs, continuons à perdre en rentabilité et à disparaître ».
Dans ce sens, la COAG a également demandé au gouvernement espagnol de prendre position en faveur des producteurs agricoles, étant donné qu’ils sont les plus lésés par l’accord de libéralisation commerciale entre l’UE et le Maroc, et de faire pression sur l’UE pour qu’elle annule l’accord et élimine les graves effets qu’il a sur notre production.
Notes techniques sur le calcul
Si l’on considère les quantités exportées en dehors du contingent établi entre octobre et mai, ajoutées aux volumes entrés pendant les mois d’été, et en tenant compte des prix unitaires moyens déterminés par les autorités de l’UE pour les deux périodes, les expéditions de cette origine devraient payer 14 340 500 euros de taxes à la douane de l’UE.
Ces calculs sont basés sur les statistiques de l’UE fournies par Eurostat pour les campagnes de commercialisation de 2019/20 à 2023/24. Cela signifie qu’au cours de la période de calcul, les entreprises exportant vers le marché de l’UE auraient dû verser 71 702 500 euros dans les caisses de l’UE.
Cette quantification suppose que les quantités que le Maroc introduit dans le cadre du contingent préférentiel de 285 000 tonnes entre octobre et mai sont exemptes de taxes à la frontière et sans tenir compte du fait que les quantités provenant du Sahara occidental devraient entrer dans l’UE sans les conditions préférentielles établies pour le Maroc, ce qui augmenterait les chiffres estimés.
Les organisations marocaines menacent de poursuivre la COAG si elle dénonce ses exportateurs de tomates pour fraudePedro Torres, La Bandera 23/1/2025
Elles préviennent qu’elles engageront une action en justice « si la colère passe d’une menace de poursuites judiciaires à une vague de sabotage des importations de tomates marocaines ».
Les organisations marocaines du secteur agricole menacent la Coordinadora de Organizaciones de Agricultores y Ganaderos (COAG) suite à son annonce d’engager des poursuites judiciaires pour fraude fiscale contre les importateurs de tomates marocaines qui ont dépassé, depuis 2019, la limite exonérée de 230 000 tonnes par an.
C’est ce qu’a annoncé le responsable du secteur des fruits et légumes de la COAG, Andrés Góngora, lors du webinaire informatif sur les implications de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui déclare illégal l’accord de libre-échange entre l’UE et le Maroc pour avoir inclus les territoires du Sahara occidental.
Les Marocains ont engagé des poursuites contre les « saboteurs »
Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (Comader), a déclaré à « HessPress » que « l’appel de la COAG à traîner les importateurs espagnols de tomates marocaines devant les tribunaux, s’il se produit, créera un précédent. Il n’y a jamais eu de menace de la part de ce syndicat dans ce sens ».
M. Benali a ajouté que « le procès que notre Confédération a intenté contre les saboteurs (sic) en mars dernier est toujours en cours et aucune décision n’a été prise à ce sujet ».
« Si la colère passe d’une menace de poursuite à une deuxième vague de sabotage des importations de tomates marocaines, la Confédération n’hésitera pas à déposer une nouvelle plainte contre les personnes concernées », a-t-il menacé.
Évoquant le fait que « les importateurs espagnols seront mis à l’amende pour le départ des excédents de tomates marocaines », M. Benali a averti que « les professionnels sont toujours occupés à chercher de nouveaux marchés, y compris les marchés américains et brésiliens ».
Les « escarmouches des agriculteurs du voisin du nord » pour « faire pression sur leur État afin qu’il leur apporte un soutien financier »
Le président de la Fédération Interprofessionnelle des Producteurs et Exportateurs de Légumes et Fruits du Maroc, Al-Hussein Adardour, a considéré « la menace de poursuivre les importateurs espagnols comme la dernière escarmouche par laquelle les agriculteurs du voisin du nord tentent de faire pression sur leur État pour qu’il leur apporte un soutien financier ».
Adardour a affirmé dans des déclarations rapportées par « La Razón » que « ces agriculteurs tentent, depuis de nombreuses années, d’exploiter la question des importations marocaines pour réaliser des profits auto-productifs ».
« La démarche que les organisations d’agriculteurs et d’éleveurs espagnols entendent entreprendre implique une sorte de politisation habituelle. Elles ont toujours protesté contre les exportations marocaines de légumes, en particulier de tomates, et n’ont pas réussi à réduire leur nombre et leur attrait pour les importateurs espagnols », a déclaré M. Adardour.
NDLR SOLIDMAR
Les 3 organisations espagnoles d’agriculteurs :
- La Coordinadora de Organizaciones de Agricultores y Ganaderos (COAG) est la première organisation professionnelle agricole d’envergure nationale créée en Espagne (1977). La COAG trouve sa référence historique la plus lointaine dans les mobilisations paysannes qui ont eu lieu à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Dans ces années-là, les revendications étaient fondamentalement liées aux prix agricoles. C’était l’époque des « guerres » : la guerre du piment, la guerre du maïs, la guerre du lait, la guerre de la pomme de terre, etc. La COAG est liée à Izquierda Unida, la Gauche Unie.
- L’Asociación Agraria - Jóvenes Agricultores (ASAJA), fondée en 1989 sur le modèle de la FNSEA française, liée aux partis « post-franquistes » UCD et AP (droite conservatrice).
- L’Unión de Pequeños Agricultores y Ganaderos (UPA), fondée en 1982, intégrée à l’UGT Unión General de Trabajadores (UGT), syndicat historiquement lié au PSOE.
Sur les épisodes précédents de la guerre de la tomate, lire Tomates marocaines attaquées : La COMADER satisfaite de l’action en justice en Espagne
Exportations marocaines vers l’UE : comment la tomate résiste
Les tomates marocaines rencontrent un grand succès sur les marchés européens
Walid Ayadi, le360, 12/1/2025
Revue de presse
Le Maroc s’impose comme un acteur clé avec une progression impressionnante de 72,71% de ses ventes au cours de la dernière décennie, tandis que les Pays-Bas et l’Espagne, historiquement dominants, voient leurs exportations diminuer. Cet article est une revue de presse tirée du quotidien L’Économiste.
Le marché de la tomate dans l’Union européenne (UE) connaît des transformations notables, marquées par des évolutions significatives des parts de marché parmi ses principaux fournisseurs. Selon un rapport d’Hortoinfo basé sur les données d’Euroestacom (ICEX-Eurostat), le Maroc émerge comme un acteur incontournable grâce à une augmentation remarquable de 72,71% de ses exportations au cours des dix dernières années, indique L’Économiste dans son édition du lundi 13 janvier. En parallèle, les Pays-Bas et l’Espagne, historiquement leaders, enregistrent une baisse de leurs volumes exportés.
Entre janvier et octobre 2024, l’UE a importé 2,38 millions de tonnes de tomates pour une valeur totale de 4,03 milliards d’euros, avec un prix moyen de 1,69 euro par kilo. Malgré leur position dominante, les Pays-Bas, premiers exportateurs avec 638.490 tonnes, et l’Espagne, en deuxième place avec 460.380 tonnes, voient leurs parts de marché reculer. En revanche, le Maroc, troisième fournisseur, se distingue avec 419.870 tonnes, représentant 17,63% des importations totales, selon le rapport.
L’un des atouts du Maroc réside dans la valeur de ses exportations. Avec un prix moyen de 1,82 euro par kilo, les tomates marocaines affichent un tarif supérieur à celui des Pays-Bas (1,74 euro/kg) et de l’Espagne (1,72 euro/kg). Entre janvier et octobre 2024, cette performance s’est traduite par des recettes de 764,76 millions d’euros, plaçant le Maroc très près de l’Espagne, qui a généré 792,39 millions d’euros malgré un volume exporté plus élevé. Ces données illustrent la montée en gamme des tomates marocaines, qui répondent de manière croissante aux attentes des consommateurs européens.
Cette progression marocaine reflète des dynamiques régionales complexes. Alors que les Pays-Bas et l’Espagne ont vu leurs exportations chuter respectivement de 14,76% et 12,87% sur une décennie, le Maroc s’impose comme un concurrent direct de l’Espagne. Le Royaume a même dépassé ce pays en termes de volume exporté en 2021. Cette tendance souligne la capacité du Maroc à s’adapter aux évolutions du marché européen et à diversifier ses exportations pour répondre aux besoins croissants d’un marché en plein essor.
Il convient de noter que ces données ne prennent en compte que les expéditions directes des produits marocains. En réalité, la présence des tomates marocaines sur les marchés mondiaux pourrait être bien plus étendue, écrit L’Économiste. Les exportateurs marocains ciblent principalement les marchés européens historiques, comme la France, les Pays-Bas et l’Allemagne. Cependant, les exportations vers les nouveaux États membres de l’UE, tels que la Pologne, la République tchèque ou les États baltes, transitent souvent par ces pays. Par exemple, les importations de tomates marocaines en Pologne ont atteint 30.000 tonnes entre janvier et juillet 2024. Pourtant, ces volumes sont souvent enregistrés dans les statistiques marocaines comme des ventes à d’autres pays européens.
Le Maroc se positionne également comme un acteur de premier plan sur le marché polonais, notamment dans le segment des tomates-cerises, renforçant ainsi son rôle dans les échanges mondiaux de tomates.
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La tomate
Chronique de Tahar Ben Jelloun, le360, 4/3/2024
Une barquette de tomates marocaines vendue à 0,99 euro. Un producteur l’a montrée dans une émission de télévision française sur la crise des agriculteurs. Il disait : « Comment voulez-vous entrer en concurrence avec la tomate du Maroc, très bonne par ailleurs, quand on sait que le paysan marocain est payé un euro l’heure et le français 14 euros? C’est impossible ».
Les marchés français regorgent de fruits et légumes marocains. Le Maroc a la cote. Mais il ne fait pas l’affaire des producteurs français. Le prix du travail n’est pas le même dans les deux pays. En outre, on apprend que les meilleurs fruits et légumes sont expédiés en priorité en Europe. Les autres, ceux qu’on appelle dans le jargon commercial « les gueules cassées », sont destinés aux familles marocaines. Elles se moquent pas mal du calibrage des fruits et légumes.
Il est normal d’exporter le meilleur. Mais ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi le Maroc importe des fruits et légumes de l’étranger ? Ainsi, j’ai vu l’autre jour dans un supermarché de Marrakech des pommes à 30 dirhams le kilo, parce que venant de l’étranger, et à côté des pommes quasi semblables à 13 dirhams, parce que locales.
Le Marocain se contenterait de consommer les produits de son pays. On importe en principe ce que le Maroc ne produit pas. Cette logique de l’importation est bizarre.
On trouve aussi des bouteilles d’eau minérale à des prix exorbitants parce que venues de l’étranger. Est-ce une nécessité absolue ? Je ne crois pas. Certes, on me dira que des Marocains riches aiment acheter des produits importés, les considérant meilleurs que ceux du pays. Mais c’est ridicule. Il vaut mieux que ces devises soient utilisées pour acheter des médicaments que le Maroc ne fabrique pas, plutôt que de les dépenser en important des produits qui ne sont pas d’une absolue nécessité.
En été, on importe la pastèque espagnole ou même, paraît-il, l’égyptienne. Le transport coûte énormément. Pourquoi ce gaspillage ? On me dira certainement que la production marocaine ne serait pas suffisante pour la consommation locale. Peut-être, mais alors pourquoi une bouteille Evian serait-elle meilleure qu’une eau locale ?
Par ailleurs, pourquoi le Maroc produit des fruits exotiques qui réclament beaucoup d’eau, pour être aux normes européennes (les avocats par exemple)?
Chaque fois que je me trouve en Espagne, je mange du poisson, simplement parce que je suis sûr qu’il vient des côtes marocaines. Pendant ce temps-là, le prix de la sole ou de la daurade est devenu très élevé pour le consommateur marocain. Seule la sardine reste abordable.
Je ne trouve pas beaucoup de logique dans tout cela. Je m’interroge en tant que simple citoyen qui aime aller faire son marché et qui se rend compte des absurdités d’un commerce particulier entre notre pays et l’Europe.
Il m’est arrivé d’acheter des vêtements de qualité, made in Morocco. Le système européen profite du prix très bas du travail au Maroc pour fabriquer ce que des usines françaises ou néerlandaises ne pourront pas faire, à moins de vendre ces produits à des prix énormes.
Tant que le Maroc permet à des industriels de payer mal ses ouvriers, il fait le bonheur du commerce européen.
On le voit aussi pour l’usine Renault à Tanger. J’ai entendu l’autre jour le PDG de cette marque rappeler que grâce au taux horaire marocain, qui est très bas, il peut vendre ses Dacia à un prix assez convenable.
Un ouvrier en France, payé au Smig (1.539,42 euros ; il est à peu près le même au Royaume-Uni et en Allemagne), revient à l’employeur à plus de 3.000 euros, car il faut payer les charges et les contributions sociales. L’ouvrier marocain, qui a si peu de droits, coûte dix fois moins que le Français !
La solution ? Hausser le taux horaire du travail. Cela fait fuir des usines ? Elles iront en Tunisie ou à Madagascar. Sans doute, mais alors, tout en accordant à l’ouvrier marocain des droits, ne faut-il pas augmenter son salaire, lequel serait répercuté dans la vente à l’étranger de ce qu’il produit ?
Le problème est là. Je ne prétends pas avoir de solution. Mais au moins, qu’on en parle.
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