samedi 30 décembre 2017

Le dossier immigration, première vraie sortie de piste pour le skieur Macron ?


Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur d'Emmanul Macron, en aurait marre de "passer pour le facho de service".
Gérard Collomb, le ministre de l'Intérieur d'Emmanul Macron, en aurait marre de "passer pour le facho de service". - Christophe Ena / POOL / AFP


Habitué aux godilles propres à satisfaire droite et centristes, Emmanuel Macron a réussi durant ses premiers mois de mandat à faire passer sans encombre les projets de loi qui figuraient dans son programme. Mais l'inattendu et soudain virage droitier pris sur le dossier de l'immigration passe très mal et lève des boucliers jusque parmi ses troupes.
La polémique fait boule de neige en ces vacances de Noël. A gauche, dans le secteur associatif et la société civile mais aussi au sein même de la majorité d'Emmanuel Macron, de nombreuses voix s'élèvent contre les projets du gouvernement en matière d'immigration. Avec plus ou moins de virulence, toutes convergent pour dénoncer un "virage sécuritaire" inattendu qui tranche avec la bienveillance érigée en philosophie macroniste.
En cause, les récentes circulaires émanant du ministère de l'Intérieur de Gérard Collomb qui demandent aux préfets plus de reconductions à la frontière et souhaitent un "recensement administratif" des personnes en hébergement d'urgence, en envoyant notamment des "équipes mobiles" dans les centres gérés par des associations.

L'historien Patrick Weil craint "une régression dramatique"

Invité mercredi sur Europe 1, l'historien et politologue de gauche Patrick Weil, spécialiste de l'immigration, a vivement dénoncé ces mesures. "Aucun gouvernement depuis la Seconde guerre mondiale n'avait osé aller jusque-là", s'est-il indigné. Et de poursuivre : "On a un principe, qui nous vient peut-être de nos traditions chrétiennes : un enfant, on ne lui demande pas ses papiers quand on l'accueille à l'école, un malade, on ne lui demande pas ses papiers quand il a besoin d'être soigné à l'entrée de l'hôpital, et quelqu'un qui n'a pas de quoi se loger, on ne lui demande pas ses papiers à l'entrée d'un centre d'hébergement d'urgence. Monsieur Macron et Monsieur Collomb ont violé ce principe". Lui redoute que la future loi sur la réforme du droit d'asile, prévue pour le début de l'année 2018, poursuive dans cette voie : "Si le projet s'inscrit dans cette lignée, ce sera une régression dramatique". 

Ce jeudi 28 décembre, au micro de RMC/BFMTV, le médecin Raphaël Pitti est allé encore plus loin. Cet ancien médecin militaire, catholique fervent, a décidé de rendre sa Légion d'honneur obtenue début décembre pour protester contre les conditions d'accueil des migrants en France. Et juge "indignes des valeurs de la République française" les mesures édictées place Beauvau. Quant à la circulaire sur le recensement des migrants, le sexagénaire qui a plusieurs fois risqué sa vie ces dernières années pour aller former des médecins sur le théâtre de guerre syrien, lâche : "Bien entendu, j'accepte tout à fait l'idée que pour des raisons sécuritaires, la police puisse contrôler les personnes qui arrivent d'un autre pays avec le risque terroriste que nous connaissons (...) mais lorsque l'on demande aux associations humanitaires de le faire à la place, alors là on est dans des choses qui rappellent une certaine histoire, et je pense à Vichy en particulier". Une accusation qu'il développe : "Dès lors qu'on fait appel aux associations humanitaires dont la mission essentielle est de porter assistance et qu'on leur demande de dénoncer les personnes en situation irrégulière qui sont dans les centres d'hébergement, on est déjà dans la délation".

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