Photo : humanite.fr – Edito Prison Insider janvier 2018
SOURCE
— Publié le 22 janvier 2018.
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1. Le mot est d’Edmond Michelet, ministre de la justice en 1959, “Moi je suis du côté de ceux qu’on enferme”, opportunément rappelé par Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté.
2. Documentaire de Laurence Delleur “Matons violents, la loi du silence”. France 5, juin 2017
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Blocage
Près de 4 000 agressions physiques contre des surveillants ont été
comptabilisées en 2017. Un peu moins de onze par jour. Comme 4 000
gouttes d’eau. La dernière vient de faire déborder le vase. Des
surveillants fâchés, excédés, ou simplement inquiets, choisissent de
bloquer les prisons. Pas mécontents de se saisir d’événements somme
toute ordinaires en détention pour faire valoir leurs revendications.
Pourquoi pas, c’est de bonne guerre. C’est donc un peu la guerre. Et
n’invite aucunement à la considération.
Il nous importe, nous qui sommes “du côté de ceux qu’on
enferme” 1 de préciser ce que blocage veut dire : la suppression des
parloirs, de la distribution du courrier, des extractions vers l’hôpital
ou le palais de justice, de l’entretien avec l’avocat…
Autant d’événements majeurs qui viennent jalonner la vie morne du
prisonnier pour lui faire entrevoir une lueur d’espoir, une chaleur
amicale, un soin, un aménagement de peine… Les surveillants aspirent à
la considération. De laquelle font-ils preuve ?
FO Pénitentiaire en titrant par exemple, “Prisons, l’état d’urgence”, rejoint parfaitement le constat que nous pouvons faire, mais le syndicat se trompe de colère. Verrait-on un berger, victime d’un coup de corne, s’en prendre méchamment à tout le troupeau ? Et pour quel résultat ? Bloquer les prisons ressemble à s’y méprendre à une punition collective. Interdite.
Le personnel tire sa considération de son environnement : la place que la société, à travers notamment ses institutions, lui assigne. En construisant des établissements surdimensionnés, sécuritaires et inhumains, la puissance publique lui offre un outil de travail inadapté, propre à nourrir les difficultés du quotidien. Parlementaires et magistrats, en tolérant depuis 1875 la sur occupation des cellules, ne disqualifient pas simplement la vie ordinaire des captifs, ils multiplient à l’envie l’exposition des personnels à des situations problématiques.
FO Pénitentiaire en titrant par exemple, “Prisons, l’état d’urgence”, rejoint parfaitement le constat que nous pouvons faire, mais le syndicat se trompe de colère. Verrait-on un berger, victime d’un coup de corne, s’en prendre méchamment à tout le troupeau ? Et pour quel résultat ? Bloquer les prisons ressemble à s’y méprendre à une punition collective. Interdite.
Le personnel tire sa considération de son environnement : la place que la société, à travers notamment ses institutions, lui assigne. En construisant des établissements surdimensionnés, sécuritaires et inhumains, la puissance publique lui offre un outil de travail inadapté, propre à nourrir les difficultés du quotidien. Parlementaires et magistrats, en tolérant depuis 1875 la sur occupation des cellules, ne disqualifient pas simplement la vie ordinaire des captifs, ils multiplient à l’envie l’exposition des personnels à des situations problématiques.
En persévérant dans la punition, leur “passion
contemporaine”, selon Didier Fassin, les responsables politiques ne
semblent trouver de salut que dans l’annonce en boucle de la
construction de nouvelles prisons. Coûteux, déraisonnable, inefficace.
Tel directeur d’établissement nous disait que dans sa prison légèrement
sous-occupée, il avait procédé à la fermeture des quartiers
disciplinaire et d’isolement, lieux de suicides et de conflits.
Le personnel tire la considération qu’on lui doit de sa maturité, du
regard bienveillant qu’il doit conserver, malgré tout, pour la personne
qu’il doit contraindre. Certains y parviennent et les personnes détenues
ne s’y trompent pas. Certains autres, dans leur comportement
autoritaire, violent parfois, odieux aussi à l’égard des familles,
ruinent le capital de considération dont ils pourraient bénéficier. Et
que dire de ces solidarités épouvantables qui voient manifester des
personnels en faveur de l’un des leurs, pris la violence aux poings et
renvoyé devant un tribunal 2.
Notre culture ambiante disqualifie à ce point les auteurs d’infractions que la maltraitance à leur endroit apparaît légitime. Personne n’en sort grandi. Et sûrement pas celles et ceux à qui nous déléguons le soin de les prendre en charge. La boucle est ainsi bouclée.
Bernard BolzeNotre culture ambiante disqualifie à ce point les auteurs d’infractions que la maltraitance à leur endroit apparaît légitime. Personne n’en sort grandi. Et sûrement pas celles et ceux à qui nous déléguons le soin de les prendre en charge. La boucle est ainsi bouclée.
— Publié le 22 janvier 2018.
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1. Le mot est d’Edmond Michelet, ministre de la justice en 1959, “Moi je suis du côté de ceux qu’on enferme”, opportunément rappelé par Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté.
2. Documentaire de Laurence Delleur “Matons violents, la loi du silence”. France 5, juin 2017
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