“Une sorte de schizophrénie d’un État à deux têtes”
LIBERTÉ D’EXPRESSION – “Avant de valoriser le travail des
associations, il faut d’abord leur permettre de travailler”. Ahmed El
Haij, président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH),
estime légitime la décision de son ONG de décliner l’invitation
d’assister à la cérémonie de remise des prix de la société civile.
Programmé pour demain soir, cet événement qui devait se tenir au théâtre
Mohammed VI à Rabat vient d’être reporté à une date ultérieure. Mais
quelle qu’en soit la date, l’AMDH compte bien le boycotter et elle s’en
explique dans une lettre ouverte adressée à Mustapha El Khalfi, ministre
délégué chargé des Relations avec le Parlement et la Société civile,
département initiateur de cette récompense.
“C’est la première invitation qu’on nous adresse pour assister à
cette cérémonie. Nous n’avons pas été candidat au prix de la société
civile et nous sommes convaincus que la priorité, aujourd’hui, est de
reconnaître le droit d’exister aux ONG”, déclare au HuffPost Maroc El
Haij. Pour ce dernier, les associations souffrent du “non respect” des
missions et causes pour lesquelles elles militent. “Il faut respecter
l’action des ONG, leur indépendance et répondre à leurs demandes de
régularisation de leur situation. Le dépôt d’un dossier de
renouvellement ou de constitution d’une association devient l’une des
difficultés les plus importantes pour les ONG”, regrette-t-il. Et
d’assimiler l’état actuel des choses face à l’organisation de ce genre
de cérémonie à “une sorte de schizophrénie d’un État à deux têtes”. “Une
cérémonie de ce genre reste, pour nous, une simple formalité sans réel
impact sur la vie et le quotidien des associations”, pense-t-il.
L’AMDH déplore notamment les violations dont sont victimes plusieurs
organisations dont elle fait partie. Dans sa lettre ouverte à El Khalfi
datant d’hier soir, elle dénonce “les pressions et interdictions
qu’exercent à son encontre les autorités”. Et de préciser que depuis le
discours de l’ancien ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad, au
Parlement en 2014, l’étau n’a cessé de se resserrer autour des ONG
militant pour les droits humains. “Dans son discours, le ministre avait
accusé ces associations de faire obstruction au travail des appareils de
la sécurité dans la lutte contre le terrorisme”, indique l’AMDH dans
cette lettre visant à “informer” le ministre de l’état réel des choses.
“Nous ne voulons pas contribuer à redorer l’image des autorités qui continuent d’exercer des abus”
Accusées, ces associations ont aussi été suspectées, ajoute la même
source, de “servir des agendas étrangers dans le but de bénéficier de
dons”. Une “image” qui a valu à l’AMDH de poursuivre son combat dans un
contexte des plus défavorables. Elle rappelle ainsi que 54 de ses
sections se sont vu refuser le récépissé de renouvellement de leurs
bureaux, et que 10 autres n’ont pas pu disposer du même papier
administratif pour leur création en violation de l’article 5 de la loi
portant sur la constitution des associations.
L’AMDH indique avoir réagi en saisissant la justice qui a rendu 24
verdicts en sa faveur en condamnant le refus d’octroi du récépissé.
“Mais cela n’a pas mis fin à l’abus des autorités”, fustige-t-elle,
précisant que l’impact de la non régularisation de la situation
juridique coûte cher aux sections concernées en les privant, par
exemple, de solliciter une aide financière.
A cela s’ajoute des interdictions d’accès à des salles, des hôtels ou
autres espaces publics pour y organiser des activités, fait remarquer
l’AMDH dans sa lettre, estimant avoir eu droit à “au mois 140 refus”.
L’AMDH cite aussi son interdiction d’organiser des colonies des
droits de l’homme après avoir mené “une expérience réussie pendant 10
ans” dans ce domaine. Elle cite également sa privation d’encadrer des
clubs de droits de l’homme au sein des établissements scolaires et
d’organiser la cérémonie d’ouverture de son dernier congrès (le 11e) au
théâtre Mohammed VI “où devrait se dérouler la remise des prix de la
société civile”.
L’AMDH souligne, par ailleurs, que 30 de ses militants ont été
interpellés et poursuivis ou sont en cours de l’être pour avoir soutenu
des citoyens dans différentes villes, dont Casablanca, El Jadida, Kasbat
Tadla, Khénifra et Outat El Haj. “Nous ne voulons pas contribuer à
redorer l’image des autorités qui continuent d’exercer des abus”,
déclare l’association.
Pour défendre la liberté des associations et leur droit de mener
leurs activités dans de meilleures conditions, le Réseau des
associations victimes d’interdiction (RAVI) dont l’AMDH est membre
compte observer “un sit-in de colère” devant le Parlement, demain à
partir de 17h. “Nous porterons des habits noirs et des drapeaux de la
même couleur et nous mettrons du scotch noir sur nos bouches pour
dénoncer les interdictions que subissent les associations”, déclare au
HuffPost Maroc Abdel-ilah Benabdesselam, coordinateur de la Coalition
marocaine des instances des droits de l’homme (CMIDH), membre du RAVI.
Ce réseau a lancé un appel aux militants des droits de l’homme pour
une campagne baptisée “L’interdiction et la pression, ça suffit!” du 15
au 21 novembre.
“Pour nous, les droits et les libertés au Maroc traversent un virage
des plus dangereux. Et cela s’illustre à travers plusieurs événements et
actualités dont le récent verdict inique à l’encontre du journaliste
Taoufik Bouachrine ou encore Hamid El Mahdaoui”, souligne le
coordinateur de la CMIDH. Et de préciser que “la violation des droits et
libertés au Maroc ne concerne plus des cas isolés mais devient
systématique”.
Il n’y a pas que les ONG qui en subissent les conséquences, d’après
notre interlocuteur pour qui syndicats et partis politiques sont
victimes du même sort. “Même les citoyens en paient le prix fort à
travers la cherté de la vie et des services qui commence à affaiblir
surtout la classe moyenne”, soutient-il.
“Pour nous, les droits et les libertés au Maroc traversent un virage
des plus dangereux. Et cela s’illustre à travers plusieurs événements et
actualités dont le récent verdict inique
à l’encontre du journaliste Taoufik Bouachrine ou encore Hamid El
Mahdaoui”, souligne le coordinateur de la CMIDH. Et de préciser que “la
violation des droits et libertés au Maroc ne concerne plus des cas
isolés mais devient systématique”.
Il n’y a pas que les ONG qui en subissent les conséquences, d’après
notre interlocuteur pour qui syndicats et partis politiques sont
victimes du même sort. “Même les citoyens en paient le prix fort à
travers la cherté de la vie et des services qui commence à affaiblir
surtout la classe moyenne”, soutient-il.
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