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mardi 4 décembre 2018

L’AMDH s’explique sur son refus d’assister à la cérémonie de remise des prix de la société civile




AFP VIA GETTY IMAGES

“Une sorte de schizophrénie d’un État à deux têtes”
LIBERTÉ D’EXPRESSION – “Avant de valoriser le travail des associations, il faut d’abord leur permettre de travailler”. Ahmed El Haij, président de l’Association marocaine des droits humains (AMDH), estime légitime la décision de son ONG de décliner l’invitation d’assister à la cérémonie de remise des prix de la société civile. Programmé pour demain soir, cet événement qui devait se tenir au théâtre Mohammed VI à Rabat vient d’être reporté à une date ultérieure. Mais quelle qu’en soit la date, l’AMDH compte bien le boycotter et elle s’en explique dans une lettre ouverte adressée à Mustapha El Khalfi, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et la Société civile, département initiateur de cette récompense.
“C’est la première invitation qu’on nous adresse pour assister à cette cérémonie. Nous n’avons pas été candidat au prix de la société civile et nous sommes convaincus que la priorité, aujourd’hui, est de reconnaître le droit d’exister aux ONG”, déclare au HuffPost Maroc El Haij. Pour ce dernier, les associations souffrent du “non respect” des missions et causes pour lesquelles elles militent. “Il faut respecter l’action des ONG, leur indépendance et répondre à leurs demandes de régularisation de leur situation. Le dépôt d’un dossier de renouvellement ou de constitution d’une association devient l’une des difficultés les plus importantes pour les ONG”, regrette-t-il. Et d’assimiler l’état actuel des choses face à l’organisation de ce genre de cérémonie à “une sorte de schizophrénie d’un État à deux têtes”. “Une cérémonie de ce genre reste, pour nous, une simple formalité sans réel impact sur la vie et le quotidien des associations”, pense-t-il.
L’AMDH déplore notamment les violations dont sont victimes plusieurs organisations dont elle fait partie. Dans sa lettre ouverte à El Khalfi datant d’hier soir, elle dénonce “les pressions et interdictions qu’exercent à son encontre les autorités”. Et de préciser que depuis le discours de l’ancien ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad, au Parlement en 2014, l’étau n’a cessé de se resserrer autour des ONG militant pour les droits humains. “Dans son discours, le ministre avait accusé ces associations de faire obstruction au travail des appareils de la sécurité dans la lutte contre le terrorisme”, indique l’AMDH dans cette lettre visant à “informer” le ministre de l’état réel des choses.
“Nous ne voulons pas contribuer à redorer l’image des autorités qui continuent d’exercer des abus”
Accusées, ces associations ont aussi été suspectées, ajoute la même source, de “servir des agendas étrangers dans le but de bénéficier de dons”. Une “image” qui a valu à l’AMDH de poursuivre son combat dans un contexte des plus défavorables. Elle rappelle ainsi que 54 de ses sections se sont vu refuser le récépissé de renouvellement de leurs bureaux, et que 10 autres n’ont pas pu disposer du même papier administratif pour leur création en violation de l’article 5 de la loi portant sur la constitution des associations.
L’AMDH indique avoir réagi en saisissant la justice qui a rendu 24 verdicts en sa faveur en condamnant le refus d’octroi du récépissé. “Mais cela n’a pas mis fin à l’abus des autorités”, fustige-t-elle, précisant que l’impact de la non régularisation de la situation juridique coûte cher aux sections concernées en les privant, par exemple, de solliciter une aide financière.
A cela s’ajoute des interdictions d’accès à des salles, des hôtels ou autres espaces publics pour y organiser des activités, fait remarquer l’AMDH dans sa lettre, estimant avoir eu droit à “au mois 140 refus”.
L’AMDH cite aussi son interdiction d’organiser des colonies des droits de l’homme après avoir mené “une expérience réussie pendant 10 ans” dans ce domaine. Elle cite également sa privation d’encadrer des clubs de droits de l’homme au sein des établissements scolaires et d’organiser la cérémonie d’ouverture de son dernier congrès (le 11e) au théâtre Mohammed VI “où devrait se dérouler la remise des prix de la société civile”.
L’AMDH souligne, par ailleurs, que 30 de ses militants ont été interpellés et poursuivis ou sont en cours de l’être pour avoir soutenu des citoyens dans différentes villes, dont Casablanca, El Jadida, Kasbat Tadla, Khénifra et Outat El Haj. “Nous ne voulons pas contribuer à redorer l’image des autorités qui continuent d’exercer des abus”, déclare l’association.
Pour défendre la liberté des associations et leur droit de mener leurs activités dans de meilleures conditions, le Réseau des associations victimes d’interdiction (RAVI) dont l’AMDH est membre compte observer “un sit-in de colère” devant le Parlement, demain à partir de 17h. “Nous porterons des habits noirs et des drapeaux de la même couleur et nous mettrons du scotch noir sur nos bouches pour dénoncer les interdictions que subissent les associations”, déclare au HuffPost Maroc Abdel-ilah Benabdesselam, coordinateur de la Coalition marocaine des instances des droits de l’homme (CMIDH), membre du RAVI.
Ce réseau a lancé un appel aux militants des droits de l’homme pour une campagne baptisée “L’interdiction et la pression, ça suffit!” du 15 au 21 novembre.
“Pour nous, les droits et les libertés au Maroc traversent un virage des plus dangereux. Et cela s’illustre à travers plusieurs événements et actualités dont le récent verdict inique à l’encontre du journaliste Taoufik Bouachrine ou encore Hamid El Mahdaoui”, souligne le coordinateur de la CMIDH. Et de préciser que “la violation des droits et libertés au Maroc ne concerne plus des cas isolés mais devient systématique”.
Il n’y a pas que les ONG qui en subissent les conséquences, d’après notre interlocuteur pour qui syndicats et partis politiques sont victimes du même sort. “Même les citoyens en paient le prix fort à travers la cherté de la vie et des services qui commence à affaiblir surtout la classe moyenne”, soutient-il.
“Pour nous, les droits et les libertés au Maroc traversent un virage des plus dangereux. Et cela s’illustre à travers plusieurs événements et actualités dont le récent verdict inique à l’encontre du journaliste Taoufik Bouachrine ou encore Hamid El Mahdaoui”, souligne le coordinateur de la CMIDH. Et de préciser que “la violation des droits et libertés au Maroc ne concerne plus des cas isolés mais devient systématique”.
Il n’y a pas que les ONG qui en subissent les conséquences, d’après notre interlocuteur pour qui syndicats et partis politiques sont victimes du même sort. “Même les citoyens en paient le prix fort à travers la cherté de la vie et des services qui commence à affaiblir surtout la classe moyenne”, soutient-il.

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