samedi 11 mai 2019

Maroc. Français contre arabe, la guerre des langues



Après des décennies d’une arabisation hasardeuse de l’enseignement public amorcée dans le milieu des années 1970 pour des raisons politiques, le Maroc est sur le point de retourner à la case départ en refrancisant l’essentiel de son système éducatif. Bien que porté par le roi Mohamed VI et les partis qui lui sont proches, ce rétropédalage qui réhabilite la langue du colonisateur suscite une opposition farouche du Parti de la justice et du développement (PJD) et de l’Istiqlal. Quarante ans d’un formidable gâchis.

  
Il devait passer comme une lettre à la poste. Le 2 avril 2019, dans les couloirs feutrés du Parlement marocain, le projet de loi-cadre consacrant le retour du français pour l’enseignement des matières scientifiques au collège et au lycée devait être validé dans une ambiance d’unanimité joyeuse à la commission parlementaire de l’éducation. Mais contre toute attente, une poignée de députés, des islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD, au gouvernement) demandent poliment que la séance soit reportée de quelques jours « pour permettre une bonne analyse du projet ». C’est le début d’un blocage qui ne dit pas son nom, et qui dure encore.
Ce projet avancé par le roi et son entourage a pourtant été élaboré au cœur du Palais par le très officiel Conseil supérieur de l’enseignement. Que s’est-il passé pour que les députés islamistes opèrent une telle volte-face et décident de reporter sine die l’adoption d’un projet royal porté par un gouvernement dont ils font partie ?

Crise linguistique, crise politique

Pour répondre à cette question, il faut revenir au 1er avril 2019, la veille de la réunion de la commission parlementaire. Vêtu d’une djellaba grise, un bonnet noir sur la tête, l’ancien chef du gouvernement Abdelilah Benkirane écarté de manière humiliante par le roi en avril 2017 a la voix chevrotante, la mine défaite. Dans une vidéo publiée sur sa page Facebook, il fustige le projet-cadre, appelle les députés de son parti à ne pas l’adopter et invite « son frère » Saad Eddine Al-Othmani, l’actuel chef islamiste du gouvernement, à « assumer sa responsabilité devant Dieu et devant l’histoire » en rejetant ce texte.

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