Promise depuis deux ans, une proposition de loi LREM prétend « encadrer strictement »
la rétention des mineurs étrangers. Dans les faits, les États
européens, France en tête, enferment des enfants des jours durant pour
mieux expulser des familles. Et l’examen du texte a encore été repoussé.
Il est 17 heures devant la préfecture, à Marseille. Le soleil se
couche doucement sur les pavés de la vieille place respectable. Mehdi et
Ahmad, 16 et 17 ans, bonnets enfoncés sur les oreilles, s’assoient côte
à côte. Les deux Marocains qui se sont rencontrés il y a un an sont
devenus inséparables. À l’époque, les orphelins s’étaient rapprochés sur
le port de Melilla, l’enclave espagnole sur la côte africaine, car ils
partageaient le même rêve : « la belle vie, en Europe ou en France ».
Après plusieurs tentatives infructueuses – dont une à la nage avec des bouteilles vides attachées à leur torse –, à la fin du mois d’octobre 2019, les deux comparses parviennent à se glisser dans un bateau de marchandises dont ils ignorent la destination. Ils se cachent au fond d’une cale, collés l’un à l’autre pour se tenir chaud entre une grosse corde et une plaque métallique. Mais au bout de trois jours, affamés, ils sortent de leur planque et se font attraper par l’équipage.
Mehdi et Ahmad sont conduits en « zone d’attente », un mot trop tendre pour désigner les centres où sont enfermées les personnes interpellées aux frontières et interdites de territoire. Installés à l’intérieur des aéroports (ou à proximité), des ports et des gares ouvertes au trafic international, ces 95 lieux de privation de liberté sont les seuls endroits en France où il est possible d’enfermer un enfant seul et de l’expulser.
Lire l'enquête https://www.mediapart.fr/journal/international/180620/enfants-migrants-enfermes-la-grande-hypocrisie
Les mineurs de 0 à 18 ans peuvent être bloqués là entre 1 et 20 jours sans voir un éducateur1. Ils sont livrés à eux-mêmes avec pour seule compagnie les agents de la PAF et leur « administrateur ad hoc », un représentant légal nommé par l’État, autorisé à leur rendre visite.
Mais la solitude n’est parfois que le cadet de leurs soucis. D’une zone à l’autre, les conditions de vie des mineurs sont très variables. À Montgenèvre (Hautes-Alpes), c’est un préfabriqué avec une cour grillagée « où les conditions sont inhumaines », estime Laure Palun, la présidente de l’Anafé, l’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers. En tout cas, « il n’y a pas de lits, peu de nourriture, une madeleine ou une salade de thon à manger, des toilettes chimiques peu nettoyées ». Plus loin des regards, le sort des personnes enfermées dans les zones d’attente des DOM-TOM semble moins enviable encore : « À Mayotte, on a eu des situations avec des personnes (mineures et majeures) enfermées dans des cages, poursuit la responsable. En Guadeloupe, ils étaient abandonnés sur des lits de camps dans des halls, sans douche et sans téléphone. »
Interrogé sur la présence d’enfants dans ces lieux fermés inadaptés, le cabinet du ministre de l’intérieur semble gêné aux entournures : « Il s’agit d’une question délicate, nous écrit-il, recouvrant des situations diverses et qui fait l’objet d’une vigilance particulière des services de l’État. » Vigilance ? Beauvau répond en effet qu’en zone d’attente, « les mineurs non accompagnés disposent d’espaces dédiés et équipés ». Et de citer l’espace « mineurs isolés » de l’aéroport de Roissy où « des médiateurs de la Croix-Rouge française spécifiquement formés sont présents en permanence et veillent sur eux en leur offrant des activités ».
Mehdi et Ahmad ne connaissent pas le nom administratif de l’endroit où les policiers les ont conduits. Ils ne racontent pas la « zone d’attente du Canet » mais « la prison ». Comment pourraient-ils l’appeler autrement ? Ils sont enfermés dans un bâtiment encerclé « par des murs blancs et des caméras », poussés derrière « une porte rouge » que des policiers ouvrent et ferment avec une carte magnétique, autorisés à jouer au football sur une terrasse avec « un grillage au-dessus de leur tête, vers le ciel ». Les agents en uniforme leurs servent des repas trois fois par jour. Aucun éducateur ne leur rend visite, seulement leur administrateur ad hoc, « deux fois ».
Les deux amis s’ennuient à mourir. Comme « il n’y a même pas un stylo pour dessiner », pour passer le temps, Mehdi et Ahmad ainsi que les six autres enfants-migrants interpellés dans le conteneur tunisien observent la vie des adultes enfermés de l’autre côté du grillage.
Au Canet, les heures passent lentement. Le discret Ahmad tient le coup, mais le moral du volubile Mehdi décline rapidement. « Il ne dormait plus, il a commencé à arrêter de manger, raconte son comparse, il avalait seulement les yaourts et le pain. » Mehdi se rappelle l’angoisse qui monte dans la gorge à mesure que les jours passent, l’inquiétude qu’il ressent à l’approche des policiers qui ferment et ouvrent les portes, « le prennent en photo sans lui parler » et refusent de lui dire s’il va être renvoyé au Maroc.
L’orphelin l’ignore, mais à peu près au même moment, à l’autre bout du pays, dans la zone d’attente de Roissy, une petite fille de 4 ans a comme lui arrêté de se nourrir et de dormir. Aïcha, Ivoirienne, séparée brutalement de l’adulte qui l’accompagnait et enfermée seule dans la zone vitrée de l’aéroport, était plus fragile que lui. Trois jours de ce régime d’angoisse ont eu raison de sa santé : à la fin du mois d’octobre 2019, elle a dû être transportée d’urgence à l’hôpital car elle avait développé une otite avec de la fièvre.
Insomnies et anorexie, les pathologies développées par Aïcha et Mehdi sont parmi les plus observées par les médecins qui se sont penchés sur la situation des mineurs migrants, les plus vulnérables en détention. « Des symptômes de dépression et d’anxiété, des problèmes de sommeil et de cauchemars, des troubles alimentaires ainsi que des problèmes émotionnels et comportementaux apparaissent chez eux », note ainsi une étude de mars 2019 réalisée par Initiative for children in migration, un regroupement d’ONG européennes spécialistes des migrations. Plus inquiétant encore, d’après les scientifiques, la détention « peut avoir des impacts négatifs à long terme sur le développement et l’avenir des enfants, même s’il s’agit de périodes courtes et d’infrastructures adaptées ».
À sa sortie de l’hôpital, le juge des enfants finit par « libérer » Aïcha et par la confier à l’Aide sociale à l’enfance de Seine-Saint-Denis. Ahmad et Mehdi ont moins de chance : ils passent 15 jours derrière les grillages du Canet. Une durée si longue qu’elle viole la Convention européenne des droits de l’homme dont la France est signataire. « Au-delà d’une semaine, la Cour considère que le seuil de gravité est passé, nous explique la juriste belge chargée du suivi de la France auprès de la juridiction internationale, Chantal Gallant. L’État se rend coupable de traitements dégradants envers les enfants. » Les deux orphelins ont écopé du double.
Mais dans leur malheur, Ahmad et Mehdi ont eu la chance de croiser la route d’un collectif d’avocates marseillaises spécialistes qui ont pu empêcher leur expulsion. D’autres mineurs n’ont pas eu cette opportunité. D’après l’Anafé, 77 enfants ont été renvoyés « seuls » en 2018 et 15 au premier trimestre 2019. Au total, 225 mineurs « avérés » (reconnus comme tels par les autorités) ont été enfermés en zone d’attente en 2018 et 152 au premier trimestre 2019.
D’après un rapport publié en novembre 2019 par les Nations unies sur les enfants privés de liberté, comme Mehdi et Ahmad, 330 000 enfants sont détenus (c’est le mot employé par l’ONU) à travers le monde, en raison de leur statut de migrant. Sans surprise, les États-Unis arrivent largement en tête du classement avec plus de 100 000 mineurs derrière les barreaux. On se souvient sans peine des images montrant la séparation des familles à la frontière États-Unis/Mexique au printemps 2018, des clichés qui avaient provoqué un véritable choc dans l’opinion publique internationale.
Le porte-parole du gouvernement français d’alors, Benjamin Griveaux, clame au nom de la France et de l’Europe, que « nous n’avons pas le même modèle de civilisation ». « À l'évidence, claironne-t-il, nous, nous sommes là pour défendre un idéal européen qui est un idéal de paix et de liberté. » Un idéal qui se traduit peu dans les faits.
Car la France n’a que peu de leçons à donner. Elle est le pays qui
enferme le plus les mineurs dans toute l’UE et, selon l’ONU, le 3e
dans le monde (après le Mexique et les États-Unis). Avec 1 661 mineurs
emprisonnés en 2018, soit 1 221 en rétention à Mayotte, 208 dans les CRA
(centres de rétention administrative) de la métropole, et 232 dans les
zones d’attente (d’après des chiffres des associations Anafé et Cimade
que le service de presse du ministère de l’intérieur n’a pas souhaité
commenter), « notre civilisation » arrive même loin devant la
Hongrie de l’anti-migrants notoire Victor Orbán. Manfred Nowak, expert
désigné par l’ONU pour diriger l’étude mondiale, insiste sur la
situation dramatique des enfants sur l’île française de Mayotte dans
l’océan Indien (1 221 mineurs en CRA en 2018). « Bien sûr que la France est responsable, nous répond-il. Quand les enfants arrivent à Mayotte, ce qu’ils veulent, c’est aller en France. »
Mais le rapporteur spécial ne pointe pas seulement le gouvernement français : pour lui, c’est dans toute l’Europe qu’il y a un « double standard »
entre les enfants européens qu’on ne peut emprisonner en dessous d’un
certain âge, et les migrants pour lesquels il n’y a pas de limite. Une
pratique qui, d’après lui, viole la Convention internationale des droits
de l’enfant (CIDE), signée il y a 30 ans par tous les États européens.
Cette dernière prévoit clairement que l’emprisonnement des enfants ne
peut-être qu’une « mesure de dernier ressort ». C’est-à-dire qu’elle doit être réservée « aux enfants très dangereux »,
dit-il, et non à ceux qui sont entrés illégalement dans un pays ou
n’ont pas de titre de séjour en règle. Par conséquent, tranche-t-il, « le seul pays de l’UE qui ne viole pas la convention en Europe, c’est l’Irlande car elle ne détient pas les enfants migrants ».
1. Concernant les mineurs, la loi française impose qu’un délai d’« un jour franc » au moins soit respecté avant l’expulsion. Une disposition qui ne s’applique plus aux frontières terrestres et à Mayotte depuis 2018.
2. Article 37 c) de la CIDE, Règles de Beijing, Point 59.1 des règles européennes pour les délinquants mineurs. Implicitement pour les mineurs en général : art. 11 et 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945, etc.
Après plusieurs tentatives infructueuses – dont une à la nage avec des bouteilles vides attachées à leur torse –, à la fin du mois d’octobre 2019, les deux comparses parviennent à se glisser dans un bateau de marchandises dont ils ignorent la destination. Ils se cachent au fond d’une cale, collés l’un à l’autre pour se tenir chaud entre une grosse corde et une plaque métallique. Mais au bout de trois jours, affamés, ils sortent de leur planque et se font attraper par l’équipage.
Mehdi et Ahmad, sur le port de Marseille. © LM
Mehdi, désespéré, lance aux marins qu’ils préfèrent « sauter à l’eau que de retourner au pays ».
Le capitaine se contente de suivre la procédure : il appelle la police
aux frontières (PAF) et débarque les jeunes passagers à sa prochaine
escale, Marseille. Un exercice de routine pour l’unité spécialisée : une
semaine plus tôt, les agents de la PAF sont venus chercher six mineurs
tunisiens et libyens âgés de 14 à 17 ans, qui avaient failli mourir
asphyxiés dans un conteneur à bord d’un cargo en provenance de Tunisie.Mehdi et Ahmad sont conduits en « zone d’attente », un mot trop tendre pour désigner les centres où sont enfermées les personnes interpellées aux frontières et interdites de territoire. Installés à l’intérieur des aéroports (ou à proximité), des ports et des gares ouvertes au trafic international, ces 95 lieux de privation de liberté sont les seuls endroits en France où il est possible d’enfermer un enfant seul et de l’expulser.
Lire l'enquête https://www.mediapart.fr/journal/international/180620/enfants-migrants-enfermes-la-grande-hypocrisie
Les mineurs de 0 à 18 ans peuvent être bloqués là entre 1 et 20 jours sans voir un éducateur1. Ils sont livrés à eux-mêmes avec pour seule compagnie les agents de la PAF et leur « administrateur ad hoc », un représentant légal nommé par l’État, autorisé à leur rendre visite.
Mais la solitude n’est parfois que le cadet de leurs soucis. D’une zone à l’autre, les conditions de vie des mineurs sont très variables. À Montgenèvre (Hautes-Alpes), c’est un préfabriqué avec une cour grillagée « où les conditions sont inhumaines », estime Laure Palun, la présidente de l’Anafé, l’association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers. En tout cas, « il n’y a pas de lits, peu de nourriture, une madeleine ou une salade de thon à manger, des toilettes chimiques peu nettoyées ». Plus loin des regards, le sort des personnes enfermées dans les zones d’attente des DOM-TOM semble moins enviable encore : « À Mayotte, on a eu des situations avec des personnes (mineures et majeures) enfermées dans des cages, poursuit la responsable. En Guadeloupe, ils étaient abandonnés sur des lits de camps dans des halls, sans douche et sans téléphone. »
Interrogé sur la présence d’enfants dans ces lieux fermés inadaptés, le cabinet du ministre de l’intérieur semble gêné aux entournures : « Il s’agit d’une question délicate, nous écrit-il, recouvrant des situations diverses et qui fait l’objet d’une vigilance particulière des services de l’État. » Vigilance ? Beauvau répond en effet qu’en zone d’attente, « les mineurs non accompagnés disposent d’espaces dédiés et équipés ». Et de citer l’espace « mineurs isolés » de l’aéroport de Roissy où « des médiateurs de la Croix-Rouge française spécifiquement formés sont présents en permanence et veillent sur eux en leur offrant des activités ».
L'espace des mineurs en zone d'attente à Roissy, géré par la Croix-Rouge. © NB
Les communicants de Christophe Castaner oublient cependant de
préciser qu’à Roissy, ce traitement de faveur n’est réservé qu’aux six
premiers petits « maintenus » (le terme administratif pour désigner les
personnes privées de liberté en zone d’attente). Une fois le quota
passé, les suivants seraient enfermés « avec les majeurs »,
affirme Laure Palun de l’Anafé. L’accusation est sérieuse. À cause de
l’extrême vulnérabilité des enfants notamment à l’exposition aux
violences sexuelles, la loi française comme les conventions
internationales et européennes2 interdisent rigoureusement
l’enfermement des mineurs avec les adultes. À Marseille, sa collègue
Charlène Cuartero-Saez qui a suivi le dossier de Mehdi et d’Ahmad fait
pourtant le même constat : « Dans la région, nous avons eu plusieurs cas où ils n’ont pas été séparés », confie-t-elle, écœurée.Mehdi et Ahmad ne connaissent pas le nom administratif de l’endroit où les policiers les ont conduits. Ils ne racontent pas la « zone d’attente du Canet » mais « la prison ». Comment pourraient-ils l’appeler autrement ? Ils sont enfermés dans un bâtiment encerclé « par des murs blancs et des caméras », poussés derrière « une porte rouge » que des policiers ouvrent et ferment avec une carte magnétique, autorisés à jouer au football sur une terrasse avec « un grillage au-dessus de leur tête, vers le ciel ». Les agents en uniforme leurs servent des repas trois fois par jour. Aucun éducateur ne leur rend visite, seulement leur administrateur ad hoc, « deux fois ».
Les deux amis s’ennuient à mourir. Comme « il n’y a même pas un stylo pour dessiner », pour passer le temps, Mehdi et Ahmad ainsi que les six autres enfants-migrants interpellés dans le conteneur tunisien observent la vie des adultes enfermés de l’autre côté du grillage.
Au Canet, les heures passent lentement. Le discret Ahmad tient le coup, mais le moral du volubile Mehdi décline rapidement. « Il ne dormait plus, il a commencé à arrêter de manger, raconte son comparse, il avalait seulement les yaourts et le pain. » Mehdi se rappelle l’angoisse qui monte dans la gorge à mesure que les jours passent, l’inquiétude qu’il ressent à l’approche des policiers qui ferment et ouvrent les portes, « le prennent en photo sans lui parler » et refusent de lui dire s’il va être renvoyé au Maroc.
L’orphelin l’ignore, mais à peu près au même moment, à l’autre bout du pays, dans la zone d’attente de Roissy, une petite fille de 4 ans a comme lui arrêté de se nourrir et de dormir. Aïcha, Ivoirienne, séparée brutalement de l’adulte qui l’accompagnait et enfermée seule dans la zone vitrée de l’aéroport, était plus fragile que lui. Trois jours de ce régime d’angoisse ont eu raison de sa santé : à la fin du mois d’octobre 2019, elle a dû être transportée d’urgence à l’hôpital car elle avait développé une otite avec de la fièvre.
Insomnies et anorexie, les pathologies développées par Aïcha et Mehdi sont parmi les plus observées par les médecins qui se sont penchés sur la situation des mineurs migrants, les plus vulnérables en détention. « Des symptômes de dépression et d’anxiété, des problèmes de sommeil et de cauchemars, des troubles alimentaires ainsi que des problèmes émotionnels et comportementaux apparaissent chez eux », note ainsi une étude de mars 2019 réalisée par Initiative for children in migration, un regroupement d’ONG européennes spécialistes des migrations. Plus inquiétant encore, d’après les scientifiques, la détention « peut avoir des impacts négatifs à long terme sur le développement et l’avenir des enfants, même s’il s’agit de périodes courtes et d’infrastructures adaptées ».
À sa sortie de l’hôpital, le juge des enfants finit par « libérer » Aïcha et par la confier à l’Aide sociale à l’enfance de Seine-Saint-Denis. Ahmad et Mehdi ont moins de chance : ils passent 15 jours derrière les grillages du Canet. Une durée si longue qu’elle viole la Convention européenne des droits de l’homme dont la France est signataire. « Au-delà d’une semaine, la Cour considère que le seuil de gravité est passé, nous explique la juriste belge chargée du suivi de la France auprès de la juridiction internationale, Chantal Gallant. L’État se rend coupable de traitements dégradants envers les enfants. » Les deux orphelins ont écopé du double.
Mais dans leur malheur, Ahmad et Mehdi ont eu la chance de croiser la route d’un collectif d’avocates marseillaises spécialistes qui ont pu empêcher leur expulsion. D’autres mineurs n’ont pas eu cette opportunité. D’après l’Anafé, 77 enfants ont été renvoyés « seuls » en 2018 et 15 au premier trimestre 2019. Au total, 225 mineurs « avérés » (reconnus comme tels par les autorités) ont été enfermés en zone d’attente en 2018 et 152 au premier trimestre 2019.
D’après un rapport publié en novembre 2019 par les Nations unies sur les enfants privés de liberté, comme Mehdi et Ahmad, 330 000 enfants sont détenus (c’est le mot employé par l’ONU) à travers le monde, en raison de leur statut de migrant. Sans surprise, les États-Unis arrivent largement en tête du classement avec plus de 100 000 mineurs derrière les barreaux. On se souvient sans peine des images montrant la séparation des familles à la frontière États-Unis/Mexique au printemps 2018, des clichés qui avaient provoqué un véritable choc dans l’opinion publique internationale.
Le porte-parole du gouvernement français d’alors, Benjamin Griveaux, clame au nom de la France et de l’Europe, que « nous n’avons pas le même modèle de civilisation ». « À l'évidence, claironne-t-il, nous, nous sommes là pour défendre un idéal européen qui est un idéal de paix et de liberté. » Un idéal qui se traduit peu dans les faits.
Lire aussi
1. Concernant les mineurs, la loi française impose qu’un délai d’« un jour franc » au moins soit respecté avant l’expulsion. Une disposition qui ne s’applique plus aux frontières terrestres et à Mayotte depuis 2018.
2. Article 37 c) de la CIDE, Règles de Beijing, Point 59.1 des règles européennes pour les délinquants mineurs. Implicitement pour les mineurs en général : art. 11 et 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945, etc.
Cette enquête a été réalisée au début de l’année 2020, avant la pandémie de Covid-19. Retrouvez l’ensemble de la série ici.
Investigate Europe est un collectif de journalistes basés dans plusieurs pays d’Europe, travaillant sur des enquêtes en commun. Mediapart en a déjà publié plusieurs, ici et là.
Pour ce projet intitulé « Mineurs migrants en détention », ont collaboré : Ingeborg Eliassen (Norvège), Stavros Malichudis (Grèce), Maria Maggiore (Italie), Nico Schmidt (Allemagne), Vojciech Ciesla (Pologne), Paulo Pena (Portugal) et Juliet Ferguson (Royaume-Uni). Leurs articles ont été notamment publiés dans le Tagesspiegel, Diário de Noticias, Il Fatto Quotidiano, Der Falter, Klassekampen, Aftenposten, Newsweek Polska, Huffington Post (UK).
Ce rapport recense tous les noms administratifs donnés à ces lieux de privation de liberté à travers le monde. En la matière, les États font preuve de la plus grande créativité pour éviter d’assumer « littéralement » qu’ils enferment des enfants qui n’ont pourtant commis aucun crime. Aux États-Unis par exemple, ces lieux ont été baptisés « les refuges de l’âge tendre », en Turquie « les maisons d’hôtes pour étrangers », en Espagne « les centres pour le séjour contrôlé des étrangers » (voir la liste page 437). Les « zones d’attente » et « centres de rétention administrative » français font partie de la liste.
S’agissant de la France, Mediapart a toutefois choisi d’éviter le terme « détention », qui renvoie, en droit, à une réalité précise, distincte de la « rétention » par exemple, afin d’éviter toute confusion dans l’esprit du lecteur. Nous avons privilégié les termes « enfermement » ou « privation de liberté », qui permettent d’englober des situations diverses entraînant des droits variables pour les enfants concernés (des centres de rétention aux « zones d’attente » de Roissy, en passant par les zones de « mise à l’abri » de la frontière franco-italienne).
Investigate Europe est un collectif de journalistes basés dans plusieurs pays d’Europe, travaillant sur des enquêtes en commun. Mediapart en a déjà publié plusieurs, ici et là.
Pour ce projet intitulé « Mineurs migrants en détention », ont collaboré : Ingeborg Eliassen (Norvège), Stavros Malichudis (Grèce), Maria Maggiore (Italie), Nico Schmidt (Allemagne), Vojciech Ciesla (Pologne), Paulo Pena (Portugal) et Juliet Ferguson (Royaume-Uni). Leurs articles ont été notamment publiés dans le Tagesspiegel, Diário de Noticias, Il Fatto Quotidiano, Der Falter, Klassekampen, Aftenposten, Newsweek Polska, Huffington Post (UK).
© Investigative Europe
Pour baptiser son projet, Investigate Europe a choisi à dessein le mot « détention » – bien qu’il recouvre des réalités juridiques diverses. Le collectif a en effet retenu la même terminologie que l’Étude mondiale sur les enfants privés de liberté, publiée par l’ONU en novembre 2019 et réalisée par l’expert indépendant Manfred Novak, selon laquelle la « détention », s’agissant des enfants migrants, désigne « tout
lieu au sein duquel des enfants sont privés de liberté pour des raisons
liées à leur statut migratoire ou à celui de leurs parents, quel que
soit le nom donné à ce lieu ou la raison fournie par l’État afin de
justifier la privation de liberté de ces enfants ».Ce rapport recense tous les noms administratifs donnés à ces lieux de privation de liberté à travers le monde. En la matière, les États font preuve de la plus grande créativité pour éviter d’assumer « littéralement » qu’ils enferment des enfants qui n’ont pourtant commis aucun crime. Aux États-Unis par exemple, ces lieux ont été baptisés « les refuges de l’âge tendre », en Turquie « les maisons d’hôtes pour étrangers », en Espagne « les centres pour le séjour contrôlé des étrangers » (voir la liste page 437). Les « zones d’attente » et « centres de rétention administrative » français font partie de la liste.
S’agissant de la France, Mediapart a toutefois choisi d’éviter le terme « détention », qui renvoie, en droit, à une réalité précise, distincte de la « rétention » par exemple, afin d’éviter toute confusion dans l’esprit du lecteur. Nous avons privilégié les termes « enfermement » ou « privation de liberté », qui permettent d’englober des situations diverses entraînant des droits variables pour les enfants concernés (des centres de rétention aux « zones d’attente » de Roissy, en passant par les zones de « mise à l’abri » de la frontière franco-italienne).
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