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dimanche 7 mars 2021

Femme marocaine : qui est-elle vraiment ?

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Histoire, nom féminin. L'histoire s'est longtemps écrite au masculin chez nous. Nous vivons dans une société patriarcale qui a toujours fait en sorte de confiner les femmes. Ces dernières ont lutté sans relâche pour leur émancipation. À la veille du 8 mars, journée internationale des femmes, nous retraçons l'évolution de la gent féminine au Maroc avec un arrêt sur les principaux acquis des Marocaines au fil du temps.

Depuis la fondation de l’État marocain en 789, la femme a occupé une place prépondérante dans les coulisses du pouvoir, à commencer par Kenza Al Awrabiya, épouse de Moulay Idriss 1er et mère de Moulay Idriss II. C’est elle qui sera le trait d’union entre les Arabes et Berbères.
Trois siècles plus tard, l’épouse d’un autre Souverain obtint le titre de Reine. Il s’agit de Zaynab Nefzaouia, connue pour ses précieux conseils au sultan Youssef Ben Tachfine et pour ses redoutables stratégies. Quand Nouamane Lahlou a sorti sa célèbre chanson sur la ville de Chefchaouen, tout le monde s’est interrogé sur cette dame qui bénit la petite ville du nord jusqu’à la fin des temps.
Sayyida Al Hurra (la dame libre) est la fille de Moulay Ali Ben Rached, cité également dans la chanson "Ya Chefchaouen". Née en 1485 à Grenade, elle est issue d’une noble famille musulmane dont le père (Moulay Ali Ben Rached) fut un prince du sultanat des Wattassides régnant sur Chefchaouen. Sayyida Al Hurra régnera sur une autre ville du nord du Maroc pendant 30 ans après la mort de son mari. Gouverneure de Tétouan, elle organisera des expéditions punitives contre les Espagnols et les Portugais après la chute du Royaume de Grenade.
Autre figure féminine avec un fabuleux destin : Khnata Bent Bekkar. Épouse préférée du sultan Moulay Ismaïl (XVIIe siècle), sa forte personnalité lui permit de jouer le rôle de ministre du Souverain alaouite. Après l’intronisation de Moulay Abdellah, elle continua à gouverner pendant 25 ans en dénouant toutes les crises politiques...


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Feu Mohammed V en compagnie de jeunes volontairesFeu Mohammed V en compagnie de jeunes volontaires © DR

Femmes travailleuses

Ce témoignage d’Ibn Ardoun est éloquent : «[à] la campagne […] l’insolence est inouïe, car les femmes sortent sans voile et vont travailler à la forêt, aux pâturages, dans les champs, à côté des bergers et des khemmas (métayers recevant le cinquième des revenus des domaines qu’ils cultivent, NDLR)»Le grand savant Ibn Ardoun a été témoin de la place occupée par les Marocains au XVIe siècle, estimant que cela dépassait les limites du tolérable à cette époque.

 

Premières femmes pilotes

 

Et pourtant, que ce soit dans l'agriculture, l'artisanat ou le commerce, les femmes ont pu au fil des siècles subvenir aux besoins de leurs familles et préparer les futures générations de citoyens marocains. Au fil des décennies, la femme marocaine a investi de nouveaux métiers : pilote de ligne sur les traces de Touria Chaoui (première femme aviatrice du Maroc et du monde arabe, NDLR), conductrice de train, officier de police, chauffeur de taxi ou plus récemment adoul… On remarque une féminisation des professions précédemment occupées uniquement par des hommes.

Du ltame à la mini-jupe

À l'aube de l'indépendance du Maroc, la condition féminine reste marquée par de profondes inégalités, comparée à celle des hommes. Aussi bizarre que cela puisse paraître, la colonisation a exacerbé la masculinité. À partir de là, on observera une lente évolution grâce à l'accélération de l'urbanisation, à la structuration du monde du travail et à la maîtrise de la maternité. Une lente évolution, mais une rupture rapide avec certaines traditions. Les Marocaines indépendantes s'affranchiront tout d'abord du code vestimentaire de leurs mères, imitant ainsi la princesse Lalla Aïcha qui ôta le voile en 1947 déjà.

 



Des fonctionnaires portant le ltame à la fin des années 1950 devant une administration à RabatDes fonctionnaires portant le ltame à la fin des années 1950 devant une administration à Rabat © DR
 Vidéo Youtube

Dans les années 1960, à bas le ltame (voile facial) et la djellaba pour s'afficher dans l'espace public. Jupe, robe, pantalon, puis mini-jupe, font fureur parmi les filles scolarisées et les travailleuses au grand dam des parents conservateurs. Mais jusqu'aux années 1980, la magie de la cohabitation entre conservateurs et modernistes opérait. L'organisation de "Miss Plage" à Casablanca est toujours dans les mémoires de ceux et celles qui ont vécu ces années-là.


Les finalistes du concours Miss Plage organisé dans les années 1980 à CasablancaLes finalistes du concours "Miss Plage" organisé dans les années 1980 à Casablanca © DR

«La belle époque», comme se plaît à le dire un ancien animateur de la Chaîne Inter. Une sorte de parenthèse enchantée.

 Cependant, les "eighties" seront marquées par l'adoption du hijab (nouveau voile) et du niqab (voile intégral), rien à voir avec le ltame qui cachait le nez et la bouche, les cheveux étant cachés par le capuchon de la djellaba. La burqa d'origine afghane fera son apparition dans les années 1990. Aujourd'hui encore, entre habits traditionnels (beldi) et occidentaux (roumi), la rue marocaine offre un spectacle diversifié.

Le mouvement féministe

L'émancipation de la femme marocaine n'est pas le fruit de l'évolution naturelle de la société. Elle découle d'une lutte sans relâche du mouvement des femmes marocaines post-indépendance. Si au cours de la période coloniale, la mobilisation des femmes était basée sur une approche réformiste, mais dont la philosophie était salafiste. Ceci étant, la femme continuera à être perçue comme épouse, éducatrice et mère au foyer. Le mouvement féministe défendra bec et ongles la scolarisation des filles. Après la fin du protectorat, la question des droits des femmes est considérée comme secondaire. En 1969, feu Hassan II eut l'idée de créer l'Union nationale des femmes marocaines (UNFM), et qui sera rebaptisée "Union nationale des femmes du Maroc". Lors de la création de cette union, le défunt Souverain a prononcé un discours dans lequel il a mis l'accent sur sa mission qui était d'abord d'assurer la prééminence de la protection et de l'immunisation des droits de la femme face à toute fluctuation (cf. encadré). Les années 1980 ont vu l'émergence d'autres organisations féminines comme l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) ou l'Union de l'action féministe (UAF). Le mouvement de lutte pour la promotion des droits de la femme marocaine, le mouvement "8 mars", a entrepris la même année la publication d'un mensuel qui portait le même nom. C'était là le vrai début de la revendication de l'égalité et de la démocratie en dehors des partis politiques.


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La réforme de la Moudawana

C’est en 1958 que le Maroc se dote d’un Code du statut personnel (la Moudawana) définissant les relations entre les conjoints au sein du couple. Ce code établit des principes inégalitaires entre les deux époux, de la conclusion du mariage pour lequel seule la femme est soumise à la tutelle d’un parent de sexe masculin, jusqu’à la vie de famille dans laquelle l’épouse doit obéissance au mari et chef de cette famille. Cette même loi autorise la polygamie. Quant au divorce, l’époux en a la prérogative alors que l’épouse a droit au divorce judiciaire si l’un de ces cinq préjudices est prouvé : défaut d’entretien, sévices, absence du mari, vice rédhibitoire ou abstinence du mari.

Partant de là, les revendications de réforme du droit de la famille ont vu le jour dès la publication de la Moudawana à la fin des années cinquante. À la fin des années quatre-vingt, les associations des droits des femmes et la gauche marocaine ont mené plusieurs actions pour réclamer une réforme du droit familial avec comme base le référentiel universel des droits humains suscitant des réactions virulentes de la part des conservateurs. En 1992, le Roi, en sa qualité d’Amir Al Mouminine (Commandeur des croyants) nomme une commission chargée de préparer un projet de réforme en tenant compte des revendications des associations féminines, ce qui a donné lieu à la réforme du 10 septembre 1993. Les amendements ont porté essentiellement sur la tutelle matrimoniale qui est devenue facultative pour la jeune fille majeure orpheline de père et sur la limitation de la pratique de la polygamie en la plaçant sous contrôle judiciaire.

Début 2000, un Plan d’action pour l’intégration des femmes au développement est préparé par le gouvernement d’alternance avec comme principaux points : fixations de l’âge légal du mariage à 18 ans pour les deux sexes, tutelle matrimoniale facultative pour la fille majeure, attribution de la représentation légale des enfants mineurs aux deux parents, répartition entre les deux conjoints des biens acquis durant la période de mariage au moment de la dissolution de ce dernier. L’annonce de ces dispositions a suscité une vive réaction au sein de la mouvance islamique. Le 12 mars 2000, une marche soutenant le Plan d’action gouvernemental est organisée à Rabat et une autre manifestant contre ce projet à Casablanca. Suite à ça, le roi Mohammed VI va nommer M’hamed Boucetta à la tête d’une commission chargée de préparer un nouveau Code de la famille...





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