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Télégrammes

Le tribunal de première instance de Rabat a reporté, ce mercredi 8 janvier, l’examen de l’action en justice déposée contre l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et son président, Aziz Ghali, au 15 janvier prochain. Cette plainte, déposée par l’avocat Faiçal Oumerzoug, membre du barreau de Rabat, demande la dissolution de l’AMDH, sur la base des déclarations précédentes de son président Aziz Ghali concernant la position de l’association sur la question du Sahara marocain. Lors de cette première audience, plus de 50 avocats se sont constitués en défense pour soutenir la plus ancienne association de défense des droits de l’homme au Maroc.

jeudi 9 janvier 2025

Maroc-Algérie : la guerre de l’eau

Les relations entre le Maroc et l’Algérie ne cessent de se détériorer comme en a témoigné la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays en 2021. Mais un nouveau front s’est ouvert ces derniers mois, celui de l’eau, avec la construction d’un barrage dans une zone frontalière et contestée.
, Orient XXI, 8/1/2025


Maroc, 2021. Barrage de Kadoussa sur l’oued Guir, à proximité de la frontière avec l’Algérie. Photo LARBI EL ALLALI 

La donne a changé avec la construction d’un barrage, en amont, en territoire marocain. L’oued Guir draine les eaux du versant sud des montagnes du Haut Atlas marocain et s’étend sur plus de 400 kilomètres. La mise en service du barrage de Kaddoussa a eu lieu en 2021 et la réduction du débit de l’oued Guir a été fatale pour le lac de barrage de Djorf Torba situé en aval en territoire algérien et inauguré dans les années 1960. Un barrage qui, jusqu’à ces dernières années, alimentait les 200 000 habitants de la ville de Béchar et ses environs ainsi que les 5 000 hectares du périmètre agricole d’Abadla. Une région qui a été longtemps revendiquée par le Maroc.

Les sécheresses de ces dernières années avaient déjà réduit le débit de l’oued Guir et l’approvisionnement en eau des habitants de Béchar, mais, avec le barrage de Kaddoussa, ses habitants se sont retrouvés privés d’eau. Les autorités algériennes ont alors ordonné la réalisation express d’un transfert des eaux du champ de captage de Guetrani, une région riche en eau.

Des travaux pharaoniques

Ce transfert se fait sur une distance de 200 kilomètres et les travaux sont pharaoniques. En janvier dernier, à Béchar, le ministre algérien de l’Hydraulique en a donné le détail :

Ce projet d’envergure d’un coût de plus de 30 milliards de dinars algériens (213 millions de d’euros) porte sur la réalisation de 26 forages, d’une canalisation de conduite vers Béchar de 213 kilomètres, d’un réseau de collecte des eaux des mêmes forages sur un linéaire de 57 kilomètres, et de trois grandes stations de pompage, permettra l’acheminement d’une quantité d’eau estimée à 80 000 m3 par jour.

La chaîne de télévision algérienne Ennahar TV s’est particulièrement illustrée dans la promotion de ce projet. En janvier 2024, lors d’une émission largement suivie en Algérie, l’animateur Cheikh Ennoui s’est employé à flatter la fibre nationaliste des téléspectateurs en présentant ces travaux comme une réponse au défi des autorités marocaines.

L’assèchement du lac de barrage de Djorf Torba s’est traduit par un désastre écologique avec la disparition de dizaines de milliers de poissons et d’une halte pour les oiseaux migrateurs. Les loutres qui avaient été introduites sur le site n’ont dû leur salut qu’à leur transfert vers les berges d’autres barrages.

S’estimant lésée, l’Algérie a porté l’affaire sur la scène internationale. D’abord le 20 mai 2024, lors du Forum mondial de l’eau à Bali, puis du 23 au 25 octobre à Ljubljana (Slovénie) à l’occasion d’une réunion relative à la Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontaliers. À Bali, Taha Derbal le ministre algérien de l’Hydraulique a dénoncé « un assèchement systématique des barrages et des sources d’eau » de l’extrême ouest du pays. Sans citer le Maroc, il a accusé « l’un des pays voisins, [qui] par ses comportements irresponsables, a perturbé l’équilibre écologique, ce qui a gravement affecté la faune et la flore le long des frontières occidentales [de l’Algérie] ». À Ljubljana, les pratiques du voisin marocain ont été dénoncées par Taha Derbal : « Les régions ouest et sud-ouest de l’Algérie subissent des effets négatifs résultant des pratiques de l’État voisin, le Maroc, obstruant et détruisant les eaux de surface transfrontalières » selon l’agence Algérie Presse Service (APS).

L’adduction en eau potable de la ville de Béchar et l’assèchement du secteur agricole ne constituent pas les seuls secteurs demandeurs en eau. Les besoins augmentent également du fait de projets industriels. En mai 2024, l’APS a annoncé qu’à Béchar « les travaux de réalisation de la 1re unité mixte de production de concentré de minerai de fer sont lancés ». Une exploitation minière dont les revenus devraient tenter de contrebalancer ceux en déclin qui proviennent de la vente des hydrocarbures. Il s’agit d’une unité de production de concentré de minerai de fer provenant du gisement de fer de Gara-Djebilet (Tindouf) et destiné au futur complexe sidérurgique de Toumiat (Nord de Béchar). Un minerai amené par une ligne de chemin de fer longue de 900 kilomètres qui devrait être réalisée par des entreprises chinoises pour un montant d’un milliard de dollars.

En octobre 2023, le quotidien El Moudjahid indiquait qu’un « gigantesque poste de transformation » électrique et une station d’approvisionnement en gaz naturel devraient être réalisés afin de satisfaire les besoins en énergie du futur complexe. Un complexe qui devrait consommer de grandes quantités d’eau en provenance du champ de captage de Guetrani, de la station d’épuration des eaux usées de Béchar et de celles recyclées au niveau du complexe industriel.

Un barrage pour exporter des dattes

Les déclarations de Taha Derbal ont suscité des réponses acerbes du côté marocain. Le média Le360Maroc notait le 22 mai 2024 :

 On retiendra surtout que le régime d’Alger s’échauffe pour mener une autre “guerre” au Maroc, celle voulant que le Royaume soit responsable de son impéritie, en l’occurrence dans la gestion d’un secteur aussi stratégique que l’eau.

Les autorités marocaines ne semblent pas réagir à ces déclarations et se contentent de souligner qu’avec une capacité potentielle de 220 millions de m3, le barrage de Kadoussa devrait permettre de régulariser l’approvisionnement en eau dans la vallée de Boudnib, d’irriguer une superficie supplémentaire de 5 000 à 6 000 hectares et de permettre le développement de la production de dattes. Dès 2022, l’Agence française de développement (AFD), collaboratrice du projet, a émis, des réserves1 en faisant remarquer que dans la zone que doit irriguer le barrage se trouvent à côté de petites exploitations, « des exploitations de grande taille [qui] se développent à l’extérieur des zones oasiennes, puisent l’eau dans la nappe profonde et visent à produire intensivement des dattes. » L’AFD s’inquiétait de la concurrence pour l’eau entre ces grandes exploitations et les petits agriculteurs des oasis :

Néanmoins, ces opportunités ne pourront se matérialiser durablement sans la garantie d’un équilibre territorial et la promotion d’un élan économique inclusif, en particulier pour la population oasienne et la bonne gestion de la ressource en eau pour assurer son exploitation durable.

L’objectif du ministère marocain de l’agriculture est de produire 40 000 tonnes de dattes par an pour approvisionner le marché intérieur et extérieur. « À terme, le Maroc pourrait ainsi devenir l’un des premiers producteurs mondiaux de dattes », notait encore l’AFD.

Cette stratégie des grands barrages est dénoncée par l’économiste marocain, Akesbi Nadjib, pour son caractère « hydrovore » car l’eau mobilisée sert principalement aux cultures d’exportation cultivées dans un environnement aride. Mohamed Tahar Essraïri de l’Institut agro-vétérinaire de Rabat dénonce dans la presse locale l’extension des surfaces plantées en palmiers dattiers. Celles-ci nécessitent de répondre à une demande en eau de l’ordre de 1 200 mm alors que la pluviométrie annuelle est inférieure à 200 mm, ce qui oblige de continuelles ponctions sur les rares ressources en eau locales. Une situation préoccupante pour l’AFD : « Le rythme très rapide de développement des superficies exploitées en palmiers dattiers fait craindre que le plafond de 15 000 hectares retenus dans le contrat de nappe ne soit pas respecté. » L’AFD se déclarait sceptique en décembre 2023 lors d’un bilan de mi-parcours : « Le barrage n’est rempli qu’à 10 % deux ans après la fin des travaux et les ressources en eau de surface mobilisables risquent de s’avérer inférieures aux prévisions. »

L’envasement, un ennemi commun

Les pluies exceptionnelles du mois de septembre 2024 ont permis un réapprovisionnement du lac du barrage de Djorf Torba, notamment grâce à l’apport des eaux de l’oued Zouzfana. L’Agence algérienne des barrages annonce un remplissage « record » de près de 250 millions de m3 sur une capacité de 365 millions m3. Cependant, selon l’agence, le niveau d’envasement du barrage « a incité à ouvrir plusieurs de ses vannes pour sécuriser l’infrastructure de retenue ». Selon les spécialistes, plus dense que l’eau, la boue accumulée contre le barrage exerce une pression supérieure à celle de l’eau et peut menacer la stabilité de la retenue. Côté marocain, selon des chiffres officiels, l’impact de l’envasement sur les capacités de stockage en eau de tous ses barrages atteint 75 millions de m3 par an, soit un volume total perdu de 2,7 milliards de m3. L’équivalent de trois grands barrages. En janvier 2024, Nizar Baraka a révélé que le Maroc faisait face à une évaporation journalière de plus de 1,5 million m3 d’eau.

Entre approvisionnements des populations en eau potable, projet marocain d’exportation de dattes et projet sidérurgique algérien, la demande en eau devrait augmenter dans la zone frontalière des deux pays. En attendant, le Maroc et l’Algérie doivent affronter un ennemi commun : l’envasement de leurs barrages et l’évaporation.

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 Crise hydrique : le Maroc parmi les pays les plus touchés en 2024

TelQuel, 8/1/2025
Un rapport récent de l'Observatoire mondial de l'eau (Gobal Water Monitor) place le Maroc dans une position préoccupante en matière de gestion des ressources hydriques. En 2024, le Royaume a enregistré des niveaux historiquement bas d’eau de surface, se classant parmi les 15 pays les plus touchés par cette crise.
Selon ce
rapport annuel, le Maroc a également figuré parmi les 11 pays ayant atteint des niveaux critiques dans l’indice d’équilibre des eaux souterraines, parmi les 8 pays à travers le monde ayant enregistré les plus faibles performances en matière d’indice de végétation (NDVI), et parmi les 12 pays ayant connu un nombre record de jours de gel.
Le rapport met en lumière un certain nombre de facteurs ayant contribué à cette situation : des précipitations insuffisantes, des épisodes prolongés de sécheresse, et une augmentation des températures. Les systèmes hydrologiques mondiaux, y compris ceux du Maroc, sont soumis à une pression croissante, alimentée par des phénomènes climatiques extrêmes comme des inondations intenses ou des périodes de sécheresse prolongée.
Le rapport souligne que cette situation compromet de manière significative la sécurité hydrique et alimentaire, augmentant les risques pour les infrastructures, les écosystèmes et les populations. En outre, la raréfaction des ressources en eau pourrait également exacerber les disparités sociales et économiques, en particulier dans les zones rurales déjà vulnérables.
Dans ses conclusions, l’Observatoire mondial de l’eau lance un appel urgent aux gouvernements et aux parties prenantes pour mettre en place des mesures concrètes visant à atténuer les impacts de cette crise hydrique. Le document recommande notamment une gestion plus efficiente des ressources en eau, l’investissement dans des infrastructures résilientes, ainsi que le développement de solutions innovantes pour faire face à l’avenir incertain d’un climat de plus en plus instable.





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