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jeudi 3 juillet 2025

Été au goût amer : quand les vacances riment avec galères au Maroc

 , hespress, 1/7/2025

Locations hors de prix, services défaillants, arnaques à répétition, occupation de services publics et la liste de dérapage n’est pas exhaustive… Les familles marocaines dénoncent des vacances devenues un parcours du combattant. 

C’est parti ! Les valises sont bouclées, les enfants trépignent d’impatience, et la route vers la côte s’ouvre enfin. Comme chaque année, des milliers de familles marocaines prennent d’assaut les villes balnéaires, rêvant de quelques jours de bonheur au bord de l’eau. Mais très vite, le rêve tourne au cauchemar. Entre prix prohibitifs et services au rabais, l’été marocain a perdu de sa magie.

Amine ne décolère pas. Ce père de famille de Meknès pensait offrir une semaine de détente à sa femme et ses deux enfants à Martil. « 850 dirhams la nuit pour un appartement miteux sans climatisation ! Le propriétaire m’avait montré des photos magnifiques sur WhatsApp. Sur place, c’était la douche froide. Littéralement ».

Son histoire fait écho à celle de centaines d’autres vacanciers. Sur les réseaux sociaux, les témoignages se multiplient : appartements inexistants, photos trompeuses, arrhes empochées par des escrocs. Salma, mère de deux petits, fait ses comptes avec amertume : « En cinq jours à Agadir, j’ai claqué l’équivalent de mon salaire mensuel. Et mes enfants n’ont même pas pu profiter correctement de la piscine, elle était verte ».

Les plateformes de location regorgent d’annonces alléchantes qui cachent souvent une réalité bien différente. Entre les propriétaires peu scrupuleux et l’absence de contrôles, les familles partent à l’aventure, portefeuille en bandoulière. Une fois installés tant bien que mal, les vacanciers découvrent un autre visage de leurs destinations de rêve. Khalid s’en souvient encore : « On était en famille dans un resto de Fnideq, très connu d’ailleurs. Pas de prix sur la carte, on s’en doutait, mais bon… À l’addition, ils nous ont réclamé le double de ce qu’on attendait. Quand j’ai protesté, le serveur m’a répondu : « C’est de la haute saison, on n’y peut rien ».

Les plages, censées être le refuge ultime, deviennent parfois un nouveau champ de bataille. Rachida, venue de Rabat avec ses trois enfants, raconte sa mésaventure à Tanger : “Un jeune est venu nous dire de dégager parce que cette partie de plage était ‘réservée aux clients du snack’. Mes enfants ne comprenaient pas pourquoi on devait partir. Moi non plus d’ailleurs”.

Derrière ces scènes du quotidien se cache un phénomène plus large : l’occupation sauvage de l’espace public. Parasols plantés à la va-vite, snacks improvisés, matelas loués à prix d’or… L’été transforme certaines plages en véritables commerces à ciel ouvert. Un agent municipal de Tétouan, qui préfère taire son nom, lève les bras au ciel : “Chaque matin, c’est la même comédie. On dégage les vendeurs illégaux, et le soir, ils sont de retour. On n’a ni les moyens ni les effectifs pour surveiller 24 h/24”.

Cette anarchie désespère aussi les commerçants en règle. Abderrahim tient un petit hôtel familial à M’diq depuis quinze ans. “Je paie mes impôts, mes licences, mes employés au SMIG. Et je vois des marchands ambulants faire fortune sans rien déclarer. Mes clients finissent par croire que tous les professionnels sont des voleurs”.

Face à cette situation, désormais familière chaque été, certaines familles changent leurs habitudes. “L’an dernier, on est restés à Casablanca, avoue Youssef, informaticien et père de famille. Avec ce qu’on dépense en une semaine à la côte, on peut s’offrir des sorties toute l’année ici”. Ikram, elle, garde un goût amer de ses dernières “vacances” : “J’ai versé 2000 dirhams d’arrhes pour un appartement à Tanger. Arrivée sur place, plus personne au bout du fil. L’appartement n’existait même pas ! À la police, on m’a dit de porter plainte et d’attendre… J’attends toujours”.

Paradoxalement, les vrais professionnels du tourisme tirent aussi la sonnette d’alarme. “On forme nos serveurs, on investit dans nos équipements, on respecte les normes d’hygiène, explique Fatima, qui gère un restaurant familial à Asilah. Mais les clients arrivent méfiants, échaudés par les mauvaises expériences ailleurs. Il faut se battre pour prouver qu’on n’est pas des escrocs”.

Derrière ces témoignages se cache un avant-goût amer : le tourisme intérieur marocain, pourtant vital pour l’économie de nombreuses régions, souffre d’un manque de régulation. Entre l’absence de contrôles préventifs et la prolifération de l’informel, les familles se retrouvent prises en otage.

L’été marocain peut-il retrouver ses couleurs ? Entre professionnels honnêtes qui peinent à se faire entendre et autorités dépassées par l’ampleur du phénomène, l’équation reste complexe. Une chose est sûre : tant que les vacances rimeront avec “système D” et que l’espace public restera livré à l’anarchie, les familles marocaines continueront de payer le prix fort pour leurs moments d’évasion.

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