A la veille de l'ouverture du World Economic Forum de Davos, l'ONG
internationale Oxfam publie son rapport sur les inégalités mondiales et à
l'intérieur des nations. Le rapport consacré au Maroc est parlant: les
inégalités sociales au sein du pays sont les plus marquées d'Afrique du
Nord.
Un seul graphique suffit à résumer la situation: la société marocaine
est la plus inégalitaire d'Afrique du Nord. Sur le graphique ci-dessous,
plus l'indice Gini est élevé, plus les inégalités sont élevées.
L'indice marocain est le plus élevé et il ne baisse pas, contrairement à
celui des autres pays de la région.
(Source: Oxfam)
>Les inégalités dans le monde: Des richesses
engendrées l'année dernière, 82% ont profité aux 1% les plus riches de
la population mondiale, alors que les 3,7 milliards de personnes qui
forment la moitié la plus pauvre de la planète n'en ont rien vu.
Ce rapport montre comment "le système économique mondial permet à une
minorité fortunée d'accumuler d'immenses richesses, tandis que l'immense
majorité des travailleurs ne touche pas sa juste part qui lui permet
d'accéder à un niveau de vie décent".
-Entre mars 2016 et mars 2017: le nombre de milliardaires a connu
l'année dernière sa plus forte hausse de l'histoire, avec un nouveau
milliardaire tous les deux jours. [Précisons sur ce point que la source
d'Oxfam est le classement Forbes qui comme on le sait est très
approximatif sur le Maroc et les pays similaires]
-En 12 mois, la richesse des milliardaires a augmenté de 762 milliards
de dollars, soit plus de sept fois le montant nécessaire par an, pour
sortir de l'extrême pauvreté les personnes qui y sont plongées.
-Le patrimoine des milliardaires a augmenté en moyenne de 13 % par an
depuis 2010, soit six fois plus vite que la rémunération des
travailleuses et travailleurs, qui n'a progressé que de 2% par an en
moyenne.
-Quatre jours suffisent au PDG de l'une des cinq premières marques
mondiales du secteur du textile pour gagner ce qu'une ouvrière de la
confection bangladaise gagnera au cours de sa vie.
-Porter les salaires des 2,5 millions d'ouvrières et ouvriers du textile
vietnamiens à un niveau décent coûterait 2,2 milliards de dollars par
an. Cela équivaut à un tiers des sommes versées aux actionnaires par les
cinq plus grands acteurs du secteur du textile en 2016.
-De la même manière, 10% des dividendes versés par Carrefour à ses
actionnaires en 2016 suffiraient à assurer un niveau de vie décent pour
plus de 39 000 travailleurs du secteur du textile au Bangladesh.
>Le cas du Maroc.
Le Maroc n'échappe pas à cette réalité:
-Trois milliardaires marocains les plus riches détiennent à eux seuls
4,5 milliards de dollars, soit 44 milliards de dirhams. Leur richesse
est telle que la croissance de leur fortune en une année représente
autant que la consommation de 375.000 Marocains parmi les plus pauvres,
sur la même période.
-Les 10% les plus riches ont un niveau de vie en moyenne 12 fois
supérieur à celui des 10% les plus pauvres, un écart qui n'a guère
reculé depuis les années 1990.
-Le Maroc possède le niveau d'inégalités le plus élevé d'Afrique du nord, malgré une légère baisse depuis une décennie.
Si la situation globale des Marocain-e-s s'est améliorée au cours de ces
dernières années - le taux de pauvreté ayant été divisé par trois entre
2001 et 2014 (de 15,3% à 4,8%) - plus de 1,6 million de personnes
restent pauvres et 4,2 millions de personnes restent vulnérables,
c'est-à-dire susceptibles de basculer dans la pauvreté à tout moment. La
plupart des personnes pauvres et vulnérables résident en zones rurales.
Les jeunes et les femmes sont particulièrement touché-e-s par la
précarité car la grande majorité ne parvient pas à accéder à un emploi
stable, à un salaire décent et à une couverture médico-sociale.
Seules 22% des femmes occupent un emploi, contre 65% des hommes; et près de trois-quarts des jeunes diplômés du supérieur sont au chômage.
Au-delà des difficultés économiques qu'elles rencontrent, les femmes
sont victimes de discrimination dans de nombreux autres domaines.
L'éducation joue un rôle déterminant dans la création et la reproduction
des inégalités. Malgré des améliorations indéniables, 1/3 de la
population marocaine est encore analphabète, et en milieu rural la
proportion des femmes analphabètes s'élève à 60%.
Les insuffisances des systèmes de santé et d'éducation au Maroc
expliquent son faible Indice de Développement Humain (IDH): le Maroc
occupe la 123e place sur 188 pays. Fait intéressant, la prise en compte des inégalités fait baisser l'IDH marocain de 30%.
Pour Abdeljalil Laroussi, porte-parole dOxfam au Maroc "Le constat des
inégalités au Maroc est éloquent et appelle à des mesures ambitieuses.
Il appartient désormais au gouvernement et aux différentes institutions
du pays de s'attaquer à la racine du fléau des inégalités, en instaurant
un système économique qui bénéficie à toutes et tous, et non à quelques
privilégiés".
Oxfam au Maroc considère comme prioritaire la lutte contre les
inégalités socio-économiques et de genre, comme en témoignent ses
programmes et projets, et se joint à la société civile marocaine afin
d'appeler le gouvernement et les institutions concernées à:
-Collecter régulièrement et de manière rigoureuse les données
nécessaires à la connaissance des niveaux de revenus et de richesses.
Ces données doivent être accessibles à la société civile et permettre de
fixer des objectifs de réduction des inégalités à la hauteur de
l'enjeu.
-Mettre fin à l'économie de rente, de privilèges et de clientélisme et
encourager la bonne gouvernance en matière de politique économique et
sociale au niveau local, régional et national en améliorant la
redevabilité, la transparence et la lutte contre l´impunité.
-Assurer une réelle mise en œuvre du programme gouvernemental en matière
de développement du modèle économique, de promotion de l'emploi et du
développement durable ainsi que de renforcement du développement humain.
-Renforcer la cohésion sociale et spatiale, à travers des mesures
concrètes dans les domaines de l'éducation, de la formation, de la
santé, et du travail.
-Instaurer une justice fiscale de sorte que les plus fortunés paient
leur juste part d'impôt en augmentant leur taux d'imposition, en renforçant
les mesures de lutte contre l'évasion fiscale et en accroissant les dépenses dans les services publics. Oxfam estime qu'un impôt mondial de 1,5 % sur la fortune des milliardaires pourrait permettre de scolariser tous les enfants.
les mesures de lutte contre l'évasion fiscale et en accroissant les dépenses dans les services publics. Oxfam estime qu'un impôt mondial de 1,5 % sur la fortune des milliardaires pourrait permettre de scolariser tous les enfants.
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