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mercredi 6 février 2019

La lutte des paysans pauvres pour le droit naturel à l’eau du barrage Aoulouz


Le projet G1 (réseau d'irrigation par goutte-à-goutte) est un projet de la République fédérale d'Allemagne destiné aux terres irriguées de la municipalité d’Aoulouz, soutenu par un crédit de 400 million de dirhams de la BAD à l'État marocain.
Un projet qui n'est pas adapté à la situation des terres et des cultures des petit(e)s paysan et paysan(ne)s pauvres. L'irrigation par canaux hyper-modernes est la seule façon de développer la productivité des oliveraies et cultures bio. Les grands propriétaires féodaux de terres non-irriguées (bour) sont les seuls qui vont bénéficier de ce projet, contre les intérêts des petit(e)s et paysan(ne)s pauvres qui ne peuvent pas payer l'eau d'irrigation.
L'objectif des féodaux est d’exploiter l'eau dans un premier temps et d'arriver dans l'avenir à chasser les paysan(ne)s de leurs terres pour les transformer en ouvriers agricoles exploités dans les domaines des grands propriétaires. Il faut préciser que 60% des terres irriguées par les sources Tafarzazat, Timilte et Targa Ljdid sont des terres domaniales et habous (biens de main-morte inaliénables et administrés par l'État), ce qui  permet aux paysan(ne)s sans terre de les affermer.
Les paysan(ne)s pauvres d’Aoulouz souffrent des survivances du féodalisme qui continue d’exploiter les terres, l'eau et les hommes en l'absence quasi-totale de réaction des autorités, depuis la construction du barrage Aoulouz à la fin des années 80. De nombreuses sources au pied du barrage sont taries, seules subsistent les trois mentionnées plus haut, qui bénéficient de fuites du barrage.
La souffrance des petits paysans et paysan(ne)s pauvres a commencé après la construction du barrage, qui a provoqué l’assèchement de la Saguia (canal d'irrigation) de Taboumahaout, la plus proche de la Saguia de Tafarzazat.
Afin de sortir de ce pétrin, le Bureau régional du développement agricole a créé en 2001 une association d’usagers d'eau exclusivement destinée aux agriculteurs du secteur d’Aoulouz pour gérer la crise, dans un climat de terreur à l’encontre des paysans pauvres de la Saguia de Tafarzazat, qui ont refusé d'adhérer à cette association.
À ce moment-là, les Forces auxiliaires ont encerclé la mairie pour interdire toute expression de refus, réprimer toute dissidence et prévenir un soulèvement.

Cette association n’était pas destinée à tout le monde: les nouveaux féodaux lui ont mis le grappin dessus, empêchant les pauvres d’utiliser cette eau pour l’irrigation. Cela a poussé certains paysans à se tourner vers la justice pour obtenir réparation. La masse des paysan(ne)s pauvres a attendu les résultats de la procédure judiciaire.
Dans les premières années d’existence de l’association, on trouvait normale la gestion de l'eau malgré la somme demandée, soit 15 dirhams de l’heure, sachant qu'il y a 8 heures d'ouverture des canaux par source et par jour, et cela toute l’année. Soit 2500 dirhams (=225 €) par jour, environ 100 millions de centimes (1 million de dirhams = 90 000 €) chaque année ?
Depuis 5 ans, les paysan(ne)s de la Saguia de Tafarzazat souffrent de l’injustice à leur encontre, à cause de leurs opinions politiques. Le maire les a punis pour leurs positions lors des élections de 2003, les privant de l'eau de la Saguia, qu'il a détournée vers la Saguia de Taboumahaout, pour alimenter en eau ses affidés. Un sommet a été atteint au cours de la saison agricole 2007/2008, lorsque le maire a refusé le droit naturel à l'eau pour l'irrigation ; les récoltes ont alors séché sur pied. Ne pouvant plus récolter un seul grain de blé ni une seule olive – et leurs oliviers étant menacés de mourir – il ne restait plus aux paysan(ne)s qu’à se soulever contre le féodalisme. C’est alors, en mars 2008, qu’ils ont rejoint le syndicat agricole d’Aoulouz, après avoir épuisé les tentatives de dialogue avec le maire, les autorités se montrant incapables de trouver une solution équitable, face au poids du féodalisme.
Le syndicat paysan après avoir organisé les paysans de Tafarzazte a ouvert un dialogue avec les autorités de Taroudant en présence de représentants du Ministère de l'Agriculture et de l’Équipement et de l’Agence de l’Eau du Sous Massa-Drâa. 8 mois de discussions n’ont abouti à rien.
Entretemps un jugement avait condamné l’Association d’usagers à verser 1,17 millions de dirhams aux paysan(ne)s victimes de privation d’eau et à la saisie de ses biens, dont son compte bancaire, sur lequel se trouvaient seulement 40 000 dirhams.
Face à la faillite de l’association, son président – le maire-adjoint et frère du maire – a convoqué une assemblée générale le 22 Juin 2008 pour renouveler la direction, afin de donner une légitimité aux irrégularités de gestion de l’association.
Le syndicat des paysans d'Aoulouz a organisé plusieurs manifestations contre le maire d’Aoulouz et son frère le président de l'association, la première devant la sous-préfecture le 9 avril 2008, puis une journée de solidarité avec les paysan(ne)s de Tafarzazat le 18 Mai 2008, à laquelle ont participé plusieurs journalistes, l'Association marocaine des droits de l'homme et des partis politiques, qui ont pu voir de leurs propres yeux la souffrance des paysans de Tafarzazat. La manifestation suivante a eu lieu le 22 Juin devant la mairie, durant T convoquée par le président, où les paysan(ne)s se sont retirés de l’association.
Malgré tout cela, le président de l’association a été reconduit dans ses fonctions par les autorités.
Les paysan(ne)s pauvres de Tafarzazat ont alors créé leur propre association pour l’eau et l’irrigation en janvier 2009. Ils en ont informé les autorités, le bureau régional du développement agricole, les services de l’Équipement et l’Agence de l’eau régionale. Mais ils n’ont pas obtenu le récépissé de dépôt de leur association.
Le syndicat paysan a alors engagé des discussions avec les autorités pendant deux mois. Conclusion : la faillite de l’association d’usagers a été constatée, il fallait la dissoudre et créer trois associations, une par Saguia. On a fixé au mois de septembre 2008 la mise en œuvre cette décision.
Le syndicat a donc engagé un dialogue direct avec l'administration provinciale de Taroudant, tandis qu’à l’extérieur, 36 paysans faisaient un sit-in le 11 septembre. Leurs délégués syndicaux ont été reçus à plusieurs reprises par le chef de cabinet du gouverneur, demandant que celui-ci prenne un arrêté de dissolution de l’association fantoche.
Lors de la dernière réunion le 23 octobre 2008, la province a promis une date de rencontre pour la semaine suivante. Puis plus rien. Comme on était au début de la nouvelle année agricole, les paysan(ne)s, déjà stressés, éprouvaient une grande angoisse, entretenue par les menaces de la milice à la solde du président, qui a dressé une liste de paysan(ne)s contre lesquels engager des poursuites judiciaires. En tête de cette liste, Mohamed Zarrit, injustement accusé de voler de l'eau de la Saguia Taboumahaout. Il a été arrêté à Taroudant le 14 Juillet 2008, il a passé 10 jours en prison puis il a été relaxé, après que son innocence a été prouvée.
Cet acte répressif a semé la terreur chez les paysan(ne)s de Tafarzazat, ce qui a enflammé la situation. Il ne leur restait plus qu’à exprimer leur colère. Ils ont donc tenu un sit-in devant le bâtiment administratif de la province de Taroudant le 4 novembre 2008, 60 paysan(ne)s ont passé une nuit froide devant le bâtiment, demandant à être reçus par le gouverneur, qui les a enfin reçus le 5 novembre à 13 heures. Ils ont exposé leurs problèmes et leurs revendications. La date du 20 novembre été convenue pour régler le différend entre les paysan(ne)s de Tafarzazat et le président de l’association d’usagers de l’eau.
La seule revendication des paysan(ne)s était de pouvoir être indépendants de cette association en faillite et de pouvoir gérer leurs affaires eux-mêmes à travers leur propre associations.
- En janvier 2009 ils ont constitué leur propre association qui gère jusqu'à maintenant l'irrigation de leurs terres. Les autorités refusent jusqu'à maintenant d’accorder le récépissé de dépôt de son dossier, ce qui est illégal.
Dans ces conditions de terreur en 2008, le capital comprador soutien la construction d’un canal menant l’eau d’irrigation du barrage Aoulouz aux domaines des grands propriétaires à El Guerdan et Ouled Teima.
En avril 2010 les paysan(ne)s de Timilte ont constitué leur propre association encadrée par le syndicat, ce qui ne plait pas aux autorités qui refusent l'attribution de dépôt.
Les deux associations luttent pour le droit des paysan(ne)s à s'organiser et gère en même temps la distribution de l'eau.
Aujourd'hui les paysan(ne)s rejettent ce projet qui viole leurs droits socioـéconomiques !
En décembre 2011 les autorités provinciales de Taroudant et le bureau régional du développement agricole dissolvent l'association d'Aoulouz d'une façon illégale sans compte-rendu moral et financier ni prise  en considération de l'avis des paysan(ne)s.
En avril 2013 la chambre agricole lance un programme de constitution de quatre associations pour les quatre sources, deux, pour Targa Ljdid et Taboumhaoute, sont déjà constituées d'une façon bureaucratique. Les paysans des deux autres, Tafarzazat et Timilte, luttent contre ce programme.
Les premières assemblées de Tafarzazat et Timilte, qui ont lieu le 16 et 23 avril 2013, échouent en raison de la lutte de paysan(ne)s contre ce programme bureaucratique. Deux autres assemblées sont prévues les 2 et 9 mai 2013 malgré le boycott par les paysans de ce programme (sur 800   paysans, 60 seulement ont participé aux deux premières assemblées paysannes). Les paysan(ne)s défendent leur droit à l'organisation dans leurs propres associations contre l'offensive des féodaux d'Aoulouz soutenus par le Pacha le bureau régional du développement agricole et la chambre agricole.
La lutte des paysans a bloqué ce programme. Le syndicat paysan et les deux associations paysannes continuent la lutte pour leur droit à l'eau d'irrigation et pour que l'État remplisse ses obligations économiques et sociale (protection maternelle et infantile, enseignement, accès à l'eau potable, infrastructures, électrification, lutte contre la corruption, lutte contre le vol des biens publics…).
Les revendications des paysan(ne)s vont plus loin que le Plan Maroc Vert. Ce plan gouvernemental n'a pas pris en considération la marginalisation sociale des paysan(ne)s et ce qui doit être changé dans leur situation. Pour changer cette situation, disent les paysans, une seule solution : la lutte pour nos droit aux biens publics.

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