Pour promouvoir l’égalité homme-femme et améliorer le droit des femmes, le Maroc a modifié en 2004 le Code de la famille ("Moudawana").
Parmi les nombreuses dispositions annoncées, l’âge minimum légal du
mariage est passé de 15 à 18 ans. Malgré cette réforme, l'union des
adolescentes est en nette augmentation.
Plus de 40 000 filles mineures ont été mariées en 2018, selon la présidente du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), Amina Bouayach.
Il faut rétablir le droit des filles (...) et abolir les exceptionsLors d'une conférence à Rabat
Une exception à la règle
Le Code de la famille promulgué par le roi prévoit des "dérogations" dans
des cas exceptionnels. Le juge de la famille peut ainsi autoriser le
mariage d’un garçon ou d’une fille de moins de 18 ans si les parents ou
le représentant légal de l’enfant le demandent. Lorsque le juge donne
son accord, sa décision est irrévocable et l’épouse mineure n’a droit à
aucun recours.
En 2018, plus de 25 000 dérogations légales ont été
accordées, augmentant le nombre de mariages précoces. Toutes ces
exceptions concernent les filles à presque 100%.
Une dérogation qui devient une norme
Les
associations féministes et de défenses des droits de l’Homme veulent en
finir avec cette dérogation. Elles demandent une révision du texte de
la Moudawana pour le mettre en phase avec les nouvelles lois, notamment
celle contre les violences faites aux femmes. Une campagne a été lancée
début mars 2019 pour demander une fois encore l’"abolition de l’exception" et "le rétablissement de la norme".
Avec l’augmentation du nombre de mariages de mineurs "de façon alarmante",
comme il le dit, le ministre de la Justice Mohamed Aujar reconnaît
l’importance de la suppression des dérogations accordées aux familles,
tout en rappelant qu’il s’agit d’un sujet compliqué.
La société politique est traversée par un courant très conservateur, c'est un fait à prendre en considérationLors d'une conférence à Rabat
Le mariage coutumier
La
dérogation concernant l’âge légal du mariage n’est pas le seul
problème. Dans les régions rurales et reculées, beaucoup de Marocains,
en situation précaire pour la plupart, ont recours au mariage coutumier.
Par choix ou par ignorance, car ils ne connaissent pas bien les règles
du Code de la famille. Le mariage qui n’a aucun cadre légal est un
contrat verbal. La simple lecture de la Fatiha (sourate d’ouverture du
coran) en présence de deux témoins suffit à unir deux personnes. Ces
coutumes perpétuent le mariage des mineurs, dont des filles à peine
pubères.
Le Code de la famille prévoit la possibilité de faire
reconnaître un mariage coutumier. Il s’agit de donner un cadre légal à
ce mariage pour préserver le droit de la femme, mais de nombreuses
associations y voient un moyen supplémentaire de cautionner un mariage
précoce. Le délai de la régularisation des mariages coutumiers par "la Fatiha" devait expirer en février 2019.