La militante Geneviève Legay a été
gravement blessée lors des manifestations du samedi 23 mars à Nice. Le
président de la République et le procureur ont depuis affirmé que les
forces de l’ordre ne l’avaient pas touchée. Or, le jour même de la
manifestation, un rapport policier, consulté par Mediapart, attestait du
contraire. Nous avons également recueilli d’autres témoignages qui
renforcent l’idée d’un mensonge orchestré.
Le mensonge des autorités est grossier. Depuis le samedi 23 mars, des
vidéos et des versions contradictoires circulent avec une question
centrale : Geneviève Legay, porte-parole d’Attac, gravement blessée lors
d'un rassemblement à Nice, a-t-elle été heurtée par les forces de
l'ordre ? Le président de la République et le procureur de la République
n'ont eu de cesse de répondre par la négative à cette question. Mais
selon les informations obtenues par Mediapart, un policier expliquait le
jour même du rassemblement sur procès-verbal qu’au vu des premiers
éléments de l'enquête, la victime, âgée de 73 ans, avait été heurtée par
« un homme portant un bouclier ».
Les images diffusées depuis le 23 mars, qui ont provoqué une forte émotion dans le pays, montrent cette militante historique en train de manifester pacifiquement avec un drapeau arc-en-ciel à la main, et quelques secondes après, soudainement allongée au sol avec du sang autour du visage.
Geneviève Legay a été hospitalisée pour « hémorragie méningée frontale gauche, hématome occipital droit, hématome cérébelleux droit, fracture de l’os rocher droit, fracture de l’os pariétal droit, fracture médico-sphénoïdale ».
Le jour même, Jean-Michel Prêtre, le procureur de la République de Nice, ouvre une enquête « en recherche des causes des blessures » et affirme qu’elle a chuté « et s’est cognée contre un pylône fixe ». Le lundi 25 mars, avec autant d’assurance, il indique, lors d’une conférence de presse, que Geneviève Legay « n’a pas été touchée par des policiers. Il n’y a aucun contact direct entre un policier et cette dame ».
Pourtant, les premiers éléments de l’enquête contredisent ces affirmations. Dans un procès-verbal que Mediapart a pu consulter, daté du 23 mars à 19 h 05, un officier de police judiciaire (OPJ) écrit : « Selon les premiers éléments recueillis, la septuagénaire aurait été bousculée par un homme qui portait un bouclier, sans plus de précisions [sic] ».
Au cours de son audition, un autre policier, ayant participé à la charge, précise : « Nous avons chargé, donc effectivement nous avons poussé les personnes devant nous. (…) C’est après la charge en me retournant que j’ai constaté qu’une femme était à terre. »
Dans un entretien avec Nice Matin, publié le lundi 25 mars, le président de la République déclare que « pour avoir la quiétude, il faut avoir un comportement responsable. (…) Quand on est fragile, qu’on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci ». Là encore, les premiers constats de l’enquête sont enterrés : Emmanuel Macron assure que « cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre ».
Arié Alimi, avocat de la famille, a déposé plainte contre « X » pour « violence volontaire en réunion avec arme par personnes dépositaires de l'autorité publique et sur personne vulnérable ». « Notre plainte vise aussi Georges-François Leclerc, préfet des Alpes-Maritimes, pour complicité de violences volontaires aggravées », et « nous déposons également plainte pour subornation de témoin ».
En effet, selon l'avocat, « lorsque Madame Legay s’est réveillée à l’hôpital, le samedi 23 mars 2019, elle a indiqué que des policiers sont venus à deux reprises dans sa chambre et qu’une policière a essayé avec insistance de lui faire dire que c’était un caméraman qui l’avait bousculée, et non les forces de l’ordre ».
Mediapart a également pu consulter ce procès-verbal : lors de l’audition de Geneviève Legay, la policière l’interroge effectivement sur la présence d’un journaliste et lui demande si elle se rappelle de lui et de ses agissements. En revanche, lorsque la victime affirme avoir été poussée par les forces de l’ordre, elle ne lui demande pas de détailler son récit.
La piste d’une chute provoquée par un journaliste sera cependant vite écartée. « Nous étions à deux mètres d’elle comme je l'ai expliqué aux policiers lors de mon audition, relate à Mediapart le garde du corps d'une journaliste et d'un caméraman, tous trois présents lors de la charge policière. Geneviève Legay était comme nous en première ligne, personne ne l’a séparée des policiers qui ont chargé brutalement. Je n’ai pas vu lorsqu’elle est tombée. Je suis moi-même tombé et j’ai entraîné avec moi le caméraman pour le protéger. Quand je me suis relevé, j’ai vu qu’elle était à terre avec du sang qui coulait de sa bouche. »
D’autres témoignages que nous avons recueillis confirment que Geneviève Legay a été touchée par « un homme qui portait un bouclier ». Thibault Huart, street medic, secouriste auprès des personnes blessées lors des manifestations, précise : « Geneviève Legay a reçu un coup de bouclier au visage et s’est effondrée à ce moment-là. J’étais à un ou deux mètres d’elle avant et pendant la charge des policiers. Elle a bien reçu un coup des forces de police au visage, ce qui l’a fait tomber. Ensuite j’ai dû m’occuper d’un journaliste et je ne l’ai retrouvée que lorsqu’elle était à terre. J’ai voulu l’aider mais des policiers m’ont empêché de le faire. »
Un autre street medic, René Paysant, a publié une vidéo dans laquelle il dénonce les interdictions faites par les policiers aux street medics de venir en aide à la victime. Thibault Huart et d'autres secouristes s'apprêtent à engager des poursuites pour non-assistance à personne en danger.
Joint par Mediapart, Bernard M. affirme lui aussi avoir vu Geneviève Legay « poussée par un policier et son bouclier pendant la charge. Une fois à terre, un policier l’a traînée. Elle a reçu des coups de pied. Et elle a été déplacée à deux mètres de sa chute, près d'un plot, d'un pylône ». Ce chef d’entreprise à la retraite a alerté les policiers sur les agissements de leurs collègues. « On m’a demandé de me taire. C’était effrayant. Je ne peux pas passer sous silence ce dont j’ai été témoin. » Le récit de Bernard soulève de grandes interrogations quant à la version du procureur selon laquelle Geneviève Legay aurait heurté un pylône. Ces coups pourraient-ils être à l'origine des côtes fêlées ?
Une chose est sûre, qui ressort de toutes les auditions : le commissaire Rabah Souchi a donné l'ordre de charger. Comme le signale l’un des policiers auditionnés, « à un moment, je me retourne et j’entends Monsieur Souchi dire “Chargez, chargez !” Suite à ces ordres, nous avons chargé les trois sections en même temps. »
Certains policiers ont enjambé Geneviève Legay alors qu’elle était déjà gravement blessée, allongée et presque inconsciente. Un major de police précise : « Je peux vous confirmer que mes hommes ont enjambé ceux qui étaient tombés à terre. » Un autre explique avoir « constaté la présence d’une personne au sol que j’ai dû enjamber pour ne pas trébucher. (…) J’ai continué mon mouvement en compagnie de mes deux collègues et c’est une fois la progression terminée que nous avons constaté que c’était une femme qui était au sol ».
Pour le commissaire Souchi, joint par Mediapart, « suite à ces sommations, il y a eu des avancées adaptées qui font qu’une dame est tombée [sic]. Elle est tombée comment ? C’est un accident. Et il y a une enquête qui est faite sous l’autorité du procureur de la République (…) ». Ces faits sont là encore contredits par des policiers qui ont affirmé lors de l'audition avoir poussé des manifestants lors de la charge.
Le procureur de la République n’a pas donné suite à nos multiples demandes.
Les images diffusées depuis le 23 mars, qui ont provoqué une forte émotion dans le pays, montrent cette militante historique en train de manifester pacifiquement avec un drapeau arc-en-ciel à la main, et quelques secondes après, soudainement allongée au sol avec du sang autour du visage.
Geneviève Legay a été hospitalisée pour « hémorragie méningée frontale gauche, hématome occipital droit, hématome cérébelleux droit, fracture de l’os rocher droit, fracture de l’os pariétal droit, fracture médico-sphénoïdale ».
Le jour même, Jean-Michel Prêtre, le procureur de la République de Nice, ouvre une enquête « en recherche des causes des blessures » et affirme qu’elle a chuté « et s’est cognée contre un pylône fixe ». Le lundi 25 mars, avec autant d’assurance, il indique, lors d’une conférence de presse, que Geneviève Legay « n’a pas été touchée par des policiers. Il n’y a aucun contact direct entre un policier et cette dame ».
Pourtant, les premiers éléments de l’enquête contredisent ces affirmations. Dans un procès-verbal que Mediapart a pu consulter, daté du 23 mars à 19 h 05, un officier de police judiciaire (OPJ) écrit : « Selon les premiers éléments recueillis, la septuagénaire aurait été bousculée par un homme qui portait un bouclier, sans plus de précisions [sic] ».
Au cours de son audition, un autre policier, ayant participé à la charge, précise : « Nous avons chargé, donc effectivement nous avons poussé les personnes devant nous. (…) C’est après la charge en me retournant que j’ai constaté qu’une femme était à terre. »
Dans un entretien avec Nice Matin, publié le lundi 25 mars, le président de la République déclare que « pour avoir la quiétude, il faut avoir un comportement responsable. (…) Quand on est fragile, qu’on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci ». Là encore, les premiers constats de l’enquête sont enterrés : Emmanuel Macron assure que « cette dame n’a pas été en contact avec les forces de l’ordre ».
Arié Alimi, avocat de la famille, a déposé plainte contre « X » pour « violence volontaire en réunion avec arme par personnes dépositaires de l'autorité publique et sur personne vulnérable ». « Notre plainte vise aussi Georges-François Leclerc, préfet des Alpes-Maritimes, pour complicité de violences volontaires aggravées », et « nous déposons également plainte pour subornation de témoin ».
En effet, selon l'avocat, « lorsque Madame Legay s’est réveillée à l’hôpital, le samedi 23 mars 2019, elle a indiqué que des policiers sont venus à deux reprises dans sa chambre et qu’une policière a essayé avec insistance de lui faire dire que c’était un caméraman qui l’avait bousculée, et non les forces de l’ordre ».
Mediapart a également pu consulter ce procès-verbal : lors de l’audition de Geneviève Legay, la policière l’interroge effectivement sur la présence d’un journaliste et lui demande si elle se rappelle de lui et de ses agissements. En revanche, lorsque la victime affirme avoir été poussée par les forces de l’ordre, elle ne lui demande pas de détailler son récit.
La piste d’une chute provoquée par un journaliste sera cependant vite écartée. « Nous étions à deux mètres d’elle comme je l'ai expliqué aux policiers lors de mon audition, relate à Mediapart le garde du corps d'une journaliste et d'un caméraman, tous trois présents lors de la charge policière. Geneviève Legay était comme nous en première ligne, personne ne l’a séparée des policiers qui ont chargé brutalement. Je n’ai pas vu lorsqu’elle est tombée. Je suis moi-même tombé et j’ai entraîné avec moi le caméraman pour le protéger. Quand je me suis relevé, j’ai vu qu’elle était à terre avec du sang qui coulait de sa bouche. »
D’autres témoignages que nous avons recueillis confirment que Geneviève Legay a été touchée par « un homme qui portait un bouclier ». Thibault Huart, street medic, secouriste auprès des personnes blessées lors des manifestations, précise : « Geneviève Legay a reçu un coup de bouclier au visage et s’est effondrée à ce moment-là. J’étais à un ou deux mètres d’elle avant et pendant la charge des policiers. Elle a bien reçu un coup des forces de police au visage, ce qui l’a fait tomber. Ensuite j’ai dû m’occuper d’un journaliste et je ne l’ai retrouvée que lorsqu’elle était à terre. J’ai voulu l’aider mais des policiers m’ont empêché de le faire. »
Un autre street medic, René Paysant, a publié une vidéo dans laquelle il dénonce les interdictions faites par les policiers aux street medics de venir en aide à la victime. Thibault Huart et d'autres secouristes s'apprêtent à engager des poursuites pour non-assistance à personne en danger.
Joint par Mediapart, Bernard M. affirme lui aussi avoir vu Geneviève Legay « poussée par un policier et son bouclier pendant la charge. Une fois à terre, un policier l’a traînée. Elle a reçu des coups de pied. Et elle a été déplacée à deux mètres de sa chute, près d'un plot, d'un pylône ». Ce chef d’entreprise à la retraite a alerté les policiers sur les agissements de leurs collègues. « On m’a demandé de me taire. C’était effrayant. Je ne peux pas passer sous silence ce dont j’ai été témoin. » Le récit de Bernard soulève de grandes interrogations quant à la version du procureur selon laquelle Geneviève Legay aurait heurté un pylône. Ces coups pourraient-ils être à l'origine des côtes fêlées ?
Une chose est sûre, qui ressort de toutes les auditions : le commissaire Rabah Souchi a donné l'ordre de charger. Comme le signale l’un des policiers auditionnés, « à un moment, je me retourne et j’entends Monsieur Souchi dire “Chargez, chargez !” Suite à ces ordres, nous avons chargé les trois sections en même temps. »
Certains policiers ont enjambé Geneviève Legay alors qu’elle était déjà gravement blessée, allongée et presque inconsciente. Un major de police précise : « Je peux vous confirmer que mes hommes ont enjambé ceux qui étaient tombés à terre. » Un autre explique avoir « constaté la présence d’une personne au sol que j’ai dû enjamber pour ne pas trébucher. (…) J’ai continué mon mouvement en compagnie de mes deux collègues et c’est une fois la progression terminée que nous avons constaté que c’était une femme qui était au sol ».
Pour le commissaire Souchi, joint par Mediapart, « suite à ces sommations, il y a eu des avancées adaptées qui font qu’une dame est tombée [sic]. Elle est tombée comment ? C’est un accident. Et il y a une enquête qui est faite sous l’autorité du procureur de la République (…) ». Ces faits sont là encore contredits par des policiers qui ont affirmé lors de l'audition avoir poussé des manifestants lors de la charge.
Le procureur de la République n’a pas donné suite à nos multiples demandes.
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