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samedi 31 mai 2025

Rumbo a Kenitra


John Bolton prend position pour le référendum d’autodétermination au Sahara occidental

Ci-dessous la tribune de John Bolton publiée par le Washington Times le 28 mai

OPINION

La Chine et la Russie gagnent de l’influence en Afrique alors que l’Amérique ignore la crise de souveraineté du Sahara occidental

Les États-Unis devraient soutenir un référendum permettant aux Sahraouis de déterminer leur propre avenir.

John Bolton, The Washington Times, 28/5/2025
Traduit par Solidarité Maroc

John Bolton est un ancien conseiller à la sécurité nationale du président Trump et un ancien ambassadeur aux Nations unies.


Alexander Hunter/The Washington Times

L’un des principaux dossiers internationaux inachevés est la détermination de la souveraineté du Sahara occidental. Ce vaste territoire situé sur la côte ouest de l’Afrique du Nord, au sud du Maroc, est dans les limbes depuis la fin des années 1970, au détriment de sa population et de la stabilité et de la sécurité de la région sahélienne. Alors que l’influence de la Chine et de la Russie s’accroît dans toute l’Afrique, ce n’est pas le moment de leur donner une nouvelle occasion d’accroître leur influence.

L’Espagne, ancienne puissance coloniale, n’a pas participé au « vent de changement » qui a soufflé sur l’Afrique dans les années 1950 et 1960, cherchant plutôt désespérément à conserver les quelques possessions d’outre-mer qui lui restaient. La mort de Francisco Franco en novembre 1975 a entraîné la chute de son régime et l’Espagne a effectivement abandonné le Sahara occidental, connu depuis comme « la dernière colonie d’Afrique ». Deux États limitrophes, le Maroc et la Mauritanie, ont envahi le territoire dans l’espoir de s’en emparer, mais les Sahraouis ont résisté par l’intermédiaire de ce que l’on a appelé le Front Polisario. La Mauritanie a ensuite renoncé à toute revendication territoriale, mais l’armée marocaine l’a largement emporté et contrôle aujourd’hui environ 80 % du pays. Le reste est détenu par le Polisario, basé près de Tindouf, dans le sud-ouest de l’Algérie, qui soutient les Sahraouis.

C’est là que le différend subsiste aujourd’hui. La solution évidente à la question de la souveraineté est de demander aux habitants du Sahara occidental ce qu’ils préfèrent : l’indépendance ou une « autonomie » promise par le Maroc. En 1991, après l’inversion de l’invasion du Koweït par Saddam Hussein sous l’égide des États-Unis, Washington a fait adopter la résolution 690 du Conseil de sécurité, créant une opération de maintien de la paix des Nations unies chargée de superviser un référendum sur l’avenir du Sahara occidental. Cette résolution reprenait un accord conclu en 1988 entre le Polisario et le Maroc, et les deux parties soutenaient l’approche du Conseil de sécurité.

Mais le Maroc a commencé à entraver les efforts de l’ONU pour mettre en œuvre la résolution presque dès son adoption, craignant qu’à l’occasion d’un référendum véritablement libre et équitable, les Sahraouis choisissent l’indépendance. L’ancien secrétaire d’État James Baker a réussi à ramener les parties à la table des négociations pour qu’elles acceptent d’organiser un référendum dans le cadre des accords de Houston de 1997, mais le Maroc a de nouveau renoncé, refusant même d’envisager le référendum qu’il avait pourtant accepté à plusieurs reprises. Malheureusement, l’obstruction du Maroc a prévalu depuis lors, des centaines de milliers de Sahraouis vivant toujours dans des camps de réfugiés gérés par l’ONU près de Tindouf.

L’un des éléments du problème est que le Sahara occidental est pris dans des désaccords entre le Maroc et l’Algérie qui remontent à l’époque de la décolonisation. Les aspirations territoriales du Maroc, qui englobent non seulement le Sahara occidental, mais aussi de larges portions du nord de la Mauritanie et de l’ouest de l’Algérie, constituent une source majeure de tension.

Pendant et après la guerre froide, les liens de l’Algérie avec l’Occident n’étaient pas aussi forts que ceux du Maroc, ce qui a joué en défaveur des Sahraouis. Cette situation est en train de changer. Les preuves récentes que l’Algérie cherche de nouvelles alliances stratégiques et le tout premier accord de coopération militaire entre les États-Unis et l’Algérie, signé au début de la deuxième administration Trump, signalent cette nouvelle direction.

Conscients du risque de voir leur obstruction faiblir, les opposants au Polisario tentent une nouvelle ligne de propagande, alléguant sans preuve que le Polisario est tombé sous l’influence de l’Iran. Cette désinformation pourrait bien avoir pour but de détourner l’attention des États-Unis de l’obstruction du Maroc, qui s’oppose depuis des décennies à la tenue d’un référendum. Les opposants sahraouis sont allés jusqu’à affirmer que les combattants du Polisario faisaient partie des milices étrangères formées par l’Iran en Syrie sous le régime d’Assad, aujourd’hui déchu.

Le Washington Post et d’autres publications rapportent que le nouveau gouvernement syrien et le Polisario ont catégoriquement démenti ces allégations, mais les amis du Maroc en Occident continuent de les diffuser. Peut-être influencée par cette propagande anti-sahraouie, une loi a été introduite à la Chambre des représentants US pour désigner le Polisario comme un groupe terroriste. Il s’agit là d’une affirmation aussi inexacte que possible au sujet des Sahraouis, qui comptent parmi les personnes les plus modérées dans leurs opinions religieuses.

Ils n’ont jamais succombé au radicalisme qui a balayé le Moyen-Orient après la révolution islamique iranienne de 1979. Les affirmations selon lesquelles les Sahraouis sont sensibles à la propagande chiite de Téhéran sont démenties par la présence de longue date dans les camps d’organisations religieuses et non gouvernementales américaines fournissant des services éducatifs et médicaux. L’une des raisons pour lesquelles James Inhofe, ancien président de la commission des forces armées du Sénat, aujourd’hui décédé, était un fervent partisan du Polisario était précisément l’ouverture religieuse que lui et d’autres avaient trouvée dans les camps. Au fil des ans, les rapports du département d’État ont constamment soutenu cette évaluation, et le Royaume-Uni a déjà officiellement rejeté les récentes allégations de collusion avec l’Iran.

La politique américaine sur le Sahara occidental devrait revenir à ses origines de 1991, en soutenant un référendum pour que les Sahraouis déterminent leur propre avenir. De nombreux membres du Congrès ont visité les camps de Tindouf au fil des ans et ont rencontré des dirigeants du Polisario et des Américains travaillant dans les camps. Ils devraient être plus nombreux à le faire pour connaître les faits concernant le peuple sahraoui.

 

vendredi 30 mai 2025

Zéro corruption : un rêve écrasé par les faits

 Salma Semmar, actumaroc, 28/5/2025


Malgré des décennies de discours officiels, des lois renforcées et des campagnes de sensibilisation récurrentes, la corruption reste solidement enracinée dans le paysage institutionnel et économique marocain. Pis encore, selon plusieurs indicateurs nationaux et internationaux, elle tend à se développer sous des formes toujours plus sophistiquées et nuisibles. La promesse d’un Maroc sans corruption, souvent évoquée, semble encore lointaine.

Des lois… mais peu de résultats

Le Royaume s’est doté, depuis les années 2000, d’un arsenal juridique important pour lutter contre ce fléau : peines alourdies, amendes sévères, création de l’Instance nationale de la probité (INPPLC), mécanismes de contrôle administratif renforcés. Pourtant, les résultats ne suivent pas. La législation actuelle souffre de deux failles majeures : le refus d’instituer un véritable cadre légal contre l’enrichissement illicite, et l’impossibilité pour les associations et ONG d’ester en justice dans les affaires de corruption. Un verrou judiciaire dénoncé par de nombreux acteurs de la société civile.

Procès à rallonge, jugements biaisés et impunité perçue

Les affaires judiciaires se multiplient, parfois avec des noms retentissants : ministres, présidents de communes, responsables d’entreprises publiques. Les scandales éclaboussent tant le secteur public que le privé, mais les verdicts mettent des années à tomber, nourrissant un sentiment d’impunité.

Pire encore, la corruption infiltre parfois les tribunaux eux-mêmes, pervertissant le sens même de la justice. Des témoignages crédibles rapportent des décisions rendues sous influence, des classements injustifiés ou des peines minimisées en échange de pots-de-vin. Lorsque l’arbitre devient corrompu, c’est tout l’édifice institutionnel qui vacille. Cette forme de corruption, plus sournoise et plus destructrice encore, mine la confiance des citoyens dans l’État de droit.

Une corruption du quotidien, banalisée

Au-delà des grands scandales, la corruption ordinaire est devenue un réflexe routinier dans plusieurs administrations : un billet glissé pour une autorisation de construire, une attestation de résidence, une licence d’exploitation, un procès verbal, … Les délits les plus fréquents sont aussi les plus invisibles, échappant à la traçabilité. Et malgré des campagnes de sensibilisation fréquentes, les comportements ne changent pas.

Un impact économique paralysant

Selon les estimations de plusieurs rapports, la corruption coûte au Maroc entre 2 et 3 points de croissance par an, freine les investissements étrangers, alourdit les charges des PME, et creuse les inégalités sociales. Elle est un obstacle direct à la modernisation de l’État et à l’émergence d’un modèle de développement réellement équitable.

Et maintenant ? Une année « zéro corruption » ?

La question mérite d’être posée : à quand une année sans corruption ? Cette formule, à la fois utopique et provocante, pourrait être le point de départ symbolique d’un véritable changement, si elle s’accompagne d’une volonté politique ferme, de réformes structurelles et d’une implication réelle de la société civile et des citoyens.

jeudi 29 mai 2025

Maghreb : certains retraités français ont du souci à se faire

Gildas Amoussou, La Nouvelle Tribune, 27/05/2025

La Cité de la Culture, avenue Mohamed V à Tunis

Le Maghreb a longtemps été une destination privilégiée pour les retraités français en quête d’un cadre de vie plus clément. Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie offrent des conditions attrayantes : climat agréable, coût de la vie modéré, proximité géographique et culturelle. Chaque année, des milliers de pensionnés s’y installent pour profiter d’une retraite plus confortable que celle qu’ils pourraient espérer en métropole. Cependant, une attention croissante portée par les autorités françaises sur les pensions versées hors du territoire rebat les cartes pour ces résidents.

Une surveillance renforcée qui change la donne

Ce qui semblait être une paisible fin de parcours pourrait bientôt impliquer des démarches administratives plus exigeantes. Selon Le Figaro, la Cour des comptes française souligne la nécessité de mieux contrôler les pensions de retraite versées à l’étranger afin de prévenir les fraudes. Ce renforcement des dispositifs de vérification s’appuie sur un constat précis : certaines pratiques frauduleuses affectent la régularité des versements. Pour les retraités établis au Maghreb, cela pourrait impliquer des contrôles plus fréquents et une obligation de fournir des justificatifs plus rigoureux.

Parmi les pratiques signalées, la plus fréquente reste la non-déclaration du décès d’un retraité. Ce silence prolongé permet à certains proches de continuer à percevoir la pension du défunt. Le Maroc est concerné, avec une estimation de fraude avoisinant les 12 millions d’euros. L’Algérie, quant à elle, présente également des montants significatifs : les évaluations varient entre 40 et 80 millions d’euros selon les données relayées. La Tunisie, bien que moins documentée dans les rapports, fait aussi partie des pays surveillés par les autorités françaises. Ces chiffres traduisent une problématique étendue sur plusieurs pays de la région.

L’intensification des contrôles ne concerne pas uniquement les situations frauduleuses. Elle aura aussi un impact sur les retraités en règle. Ces derniers devront s’adapter à des exigences administratives accrues : certificats de vie à fournir plus souvent, éventuelles vérifications numériques, risques de suspension en cas d’irrégularité. Pour des personnes parfois peu familiarisées avec les démarches administratives ou les outils en ligne, ces évolutions peuvent représenter une contrainte importante.

Le Maghreb, perçu jusqu’ici comme un prolongement naturel de la retraite pour une partie des Français, devient donc une zone de vigilance renforcée. Cette tendance reflète une volonté claire des autorités de sécuriser les dépenses de la Sécurité sociale en limitant les risques d’abus, sans pour autant pénaliser les retraités respectueux des règles.

Un système à réorganiser, une vigilance accrue

Certains retraités français vivant au Maghreb devront faire preuve de prudence et de réactivité. Les évolutions attendues dans les procédures risquent de complexifier le quotidien administratif, même pour les dossiers en règle. La France s’oriente vers un contrôle plus strict des pensions versées à l’étranger, et les pays du Maghreb figurent parmi les zones où cette vigilance sera particulièrement marquée.

mercredi 28 mai 2025

Les sociétés civiles de Tunisie, Jordanie et Maroc s'inquiètent des violences faites aux femmes

 

Lilia Blaise, RFI, 27/5/2025

En mai dernier, un colloque sur les féminicides a réuni les sociétés civiles tunisienne, jordanienne et marocaine, à Tunis, pour dresser le bilan de la lutte contre les violences faites aux femmes. Le constat reste accablant malgré les changements législatifs dans ces pays ces dernières années.

Lors d'une conférence régionale sur les crimes de féminicide en Tunisie, au Maroc et en Jordanie, le 14 mai 2025 à l'hôtel Mechtel de Tunis.
Lors d'une conférence régionale sur les crimes de féminicide en Tunisie, au Maroc et en Jordanie, le 14 mai 2025 à l'hôtel Mechtel de Tunis. © Avec l'aimable autorisation d'Aswat Nissa

« Une vision sociétale dans laquelle la femme est la cause de la violence »

Une vision aussi partagée par la Jordanienne Banan Abouzaineddin de l'association Takatoat : « Dans notre pays, la femme est toujours comprise dans le cadre de la famille et protégée par celle-ci. Cette idée ancre la vision sociétale que la femme est la cause de la violence et non pas qu'elle peut la subir, à cause de son genre. »

Côté marocain, la journaliste indépendante Camélia Echchihab, créatrice de la page Stop Féminicides Maroc, s'occupe elle-même de recenser les féminicides en compilant des données dans les médias, via la section fait-divers : « J'en suis arrivée à 50 féminicides en 2023, une trentaine en 2024, et là, actuellement, j'en suis à sept pour 2025. Mais tous ces chiffres ne sont pas du tout exhaustifs, ils ne représentent que la partie émergée de l'iceberg et ils sont très en deçà de la réalité. »

Une réalité qui peine à mobiliser une prise de conscience des politiques, en réaction au phénomène, dans les trois pays.

Selon moi, aujourd'hui, la priorité n'est pas donnée à la violence à l'égard des femmes, parce que, aujourd'hui, la priorité, c'est la famille. On a remarqué que le nom même du ministère a changé et, en même temps, on trouve la famille qui devance la femme et cela veut dire pour moi que, la famille, c'est la priorité. Les violences viennent en second lieu. Eh bien sûr, il y a la lourdeur de l'administration. Normalement, par exemple, l'observatoire, lorsqu'il élabore un rapport et fournit ses rapports au ministère de tutelle qui est le ministère de la famille, c'est pour aider les décideurs pour mettre des programmes, des stratégies, pour formuler des politiques publiques. Mais étant donné que la priorité, ce n'est plus la femme, ce ne sont plus les violences, alors tout ça tarde un peu.

lundi 26 mai 2025

HAYTHAM MANNA
Manifeste contre le fascisme djihadiste

« L’histoire humaine et la réalité contemporaine témoignent du fait que les êtres humains doivent se battre les uns contre les autres, quels que soient les raisons et les motifs de ce combat » : cette phrase résume la philosophie des djihadistes qui ont pris le pouvoir le 8 décembre 2024 à Damas. Il a suffi que leur chef mette un costume cravate pour recevoir la bénédiction de toutes les puissances impliquées dans la guerre de Syrie. Haytham Manna analyse dans ce livre la nature du nouveau régime syrien, qu’il qualifie tout simplement de fasciste.

Haytham Manna

Manifeste contre le fascisme djihadiste
Traduit de l’arabe par Tlaxcala
Collection erga omnes n° 12
Mai 2025
90 pages

Éditions The Glocal Workshop/L’Atelier Glocal

Classification Dewey: 915.69 - 956.9 – 321.9 - 327.16

 


Tout soutien bienvenu

 

 

dimanche 25 mai 2025

Le Maroc est la deuxième plus grande source de migrants irréguliers vers l'Espagne en 2024

 

samedi 24 mai 2025

Centres d’appel au Maroc : vers une crise annoncée entre interdiction française et vague technologique

actumaroc, 23/5/2025

Le 21 mai 2025 marque un tournant potentiellement déstabilisant pour l’industrie marocaine de l’offshoring. Par un ultime vote du Sénat, le Parlement français a adopté une loi interdisant le démarchage téléphonique non sollicité à partir d’août 2026. Une décision lourde de conséquences pour le secteur marocain des centres d’appel, dont plus de 90 000 emplois dépendent encore en grande partie du marché français.


Fadel Senna/AFP

Bien que le “cold calling” ne représente aujourd’hui que 15 à 20 % de l’activité du secteur, la décision parisienne pourrait précipiter la fermeture de centres spécialisés, souvent peu diversifiés, avec un impact social direct et un risque accru de chômage à grande échelle. S’ajoute à cela une autre pression, plus silencieuse mais tout aussi menaçante : l’irruption accélérée de l’intelligence artificielle, qui redéfinit les standards de performance dans la relation client.

« C’est une double transition, réglementaire et technologique, qui s’annonce. Et pour le Maroc, le choc pourrait se traduire par des milliers de postes supprimés si aucune anticipation n’est mise en œuvre », alerte Youssef Chraïbi, président de la FMES [Fédération Marocaine de l'Externalisation des Service].

En effet, dans un tissu composé à 94 % de petites structures peu préparées, ni l’IA ni la reconversion immédiate ne pourront compenser les pertes, faute d’investissements suffisants dans la formation et les infrastructures.

Face à cette conjoncture, les professionnels plaident pour une réponse nationale concertée : cartographie des risques, reconversion massive vers les métiers du digital, incitations fiscales à la modernisation technologique, et partenariats public-privé pour accompagner l’adaptation du secteur.

Le Maroc, longtemps leader de la relation client offshore, devra rapidement se réinventer ou subir, au risque de voir un pilier de son économie déstabilisé par deux forces puissantes : la loi et l’algorithme.

vendredi 23 mai 2025

Shmuel Zygielbojm, Polonais, socialiste, juif, martyr (Nathan Weinstock)

Le 11 mai 1943, désespéré par la passivité des Alliés face à l’extermination des Juifs en Pologne, le socialiste polonais juif Shmuel Zygielbojm, représentant du Bund au parlement polonais en exil, se donne la mort à Londres.

Nathan Weinstock, avocat et enseignant belge, traducteur de yiddish, a reconstitué l’histoire tragique de Shmuel Zygielbojm dans une série de documents publiés en 1996 et 1997, que nous avons regroupés pour les rendre accessibles aux jeunes (et moins jeunes) générations qui assistent avec effroi et colère à la réédition de l’annihilation du Ghetto de Varsovie et de l’exterminations des Juifs de Pologne qui se déroule sous les yeux du monde à Gaza et dans le reste de la Palestine occupée, commis par ceux qui se prétendent les héritiers des victimes du nazisme tout en utilisant ses méthodes, et que nous appellerons les sionihilistes.




Shmuel Zygielbojm était né dans une famille ouvrière en 1895 à Borowica, dans la voïvodie de Lublin, à 250 km au sud-est de Varsovie), en 1895. Élu en 1924 au comité central du Bund, Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie (Algemeyner Yidisher Arbeter Bund in Lite, Poyln un Rusland), un parti socialiste créé en 1897, il parvient à fuir la Pologne en traversant clandestinement l’Allemagne nazie en janvier 1940. De Belgique, il fuit en France après l’occupation puis arrive à New York. En mars 1942, il va à Londres, où il devient membre du Conseil national, le parlement polonais en exil. Comme à New York, tous ses efforts pour mobiliser les Alliés contre l’extermination en cours des Juifs en Pologne s’avèrent inutiles : le 11 mai 1943, il se donne la mort.

Dans une lettre au président et au Premier ministre polonais en exil, il écrivait :

La responsabilité du crime d’extermination totale des populations juives de Pologne incombe en premier lieu aux fauteurs du massacre, mais elle pèse indirectement sur l’humanité entière, sur les peuples et les gouvernements des nations alliées qui n’ont, jusqu’ici, entrepris aucune action concrète pour arrêter ce crime ; Je ne peux ni me taire ni vivre lorsque les derniers vestiges du peuple juif, que je représente, sont tués. Mes camarades du ghetto de Varsovie sont tombés les armes à la main, dans leur dernière lutte héroïque. Je n'ai pas eu la chance de mourir comme eux, avec eux. Mais ma place est avec eux, dans leurs fosses communes. Par ma mort, je souhaite exprimer ma plus profonde protestation contre l'inaction avec laquelle le monde observe et permet la destruction du peuple juif. Je suis conscient du peu de valeur de la vie humaine, surtout aujourd'hui. Mais puisque je n'ai pas pu y parvenir de mon vivant, peut-être que ma mort sortira de leur léthargie ceux qui peuvent et qui doivent agir maintenant, afin de sauver, au dernier moment possible, cette poignée de Juifs polonais qui sont encore en vie.

*

« ... Zygielbojm était accablé par l'immense responsabilité que son organisation lui avait fait endosser et souffrait le martyr en raison de l'inaction du monde libre à une époque où une réaction immédiate était impérieuse. Il se trouvait en proie aux mêmes sentiments tragiques que ceux que nous avons éprouvés au cours de la révolte des 63 jours à Varsovie,

« Lorsque le ghetto s'est insurgé, les derniers espoirs de Zygielbojm se sont évanouis avec les flammes qui ont consumé le "quartier juif". Zygielbojm m'a dit que les leaders juifs devraient aller à Downing Street et se suicider ensemble devant la résidence du Premier ministre britannique pour attirer l'attention du monde sur la destruction des Juifs polonais. Il émettait cette idée de manière tout à fait sérieuse, mais il s'est rapidement rendu compte qu'il serait resté seul. Alors il a limité le projet à son propre suicide. Il m'en a parlé. J'ai tenté de le calmer et de le convaincre que même si les Juifs de Pologne étaient détruits par les assassins nazis, il n'en subsisterait pas moins un mouvement des travailleurs polonais (le PPS). Je lui ai dit : "Vous y aurez une place ; vous serez plus qu'un camarade, vous serez un frère !".

"Oui, je le sais.”, déclara Zygielbojm, "mais ce ne sera pas la même chose". J'ai tenté ensuite de le convaincre qu'il existait encore un mouvement ouvrier juif en Amérique qui était proche du Bund et qu'il y trouverait sa place. "Oui, je le sais”, répondit à nouveau Zygielbojm, "mais ce ne serait pas la même chose". Il pouvait uniquement imaginer sa vie en Pologne, parmi les travailleurs juifs de Pologne : c'était un Juif, mais un Juif polonais. La Pologne était sa patrie. Il ne voulait pas vivre à l'extérieur de la Pologne, en dehors de son milieu juif polonais et des luttes et des espoirs du Bund. »

Adam Ciolkosz, leader du Parti Socialiste Polonais, 1963

 

jeudi 22 mai 2025

Les Marocains toujours nombreux à solliciter un visa Schengen

Les Marocains toujours nombreux à solliciter un visa SchengenUn visa Schengen © DR

Forte augmentation des demandes de visa Schengen des Marocains en 2024, principalement pour la France. Un engouement qui persiste malgré des procédures toujours strictes. Les détails.

En 2024, les demandes de visas Schengen ont atteint un total de 11,716,723 à travers le monde, soit une hausse de 13,5% par rapport à 2023. Selon les données récentes publiées par Schengenvisainfo, cette augmentation témoigne d’un regain d’intérêt pour les déplacements en Europe, après plusieurs années marquées par la pandémie de la Covid-19. Pourtant, les chiffres restent en retrait par rapport aux niveaux atteints en 2019, où près de 17 millions de demandes avaient été enregistrées.

Le Maroc toujours parmi les premiers pays demandeurs

En 2024, le Maroc s’est classé à la quatrième place parmi les cinq premiers pays au monde en nombre de demandes de visa Schengen, derrière la Chine, l’Inde et la Turquie, et juste devant la Russie.

Avec 282.153 demandes déposées uniquement auprès des centres de visa français, le Royaume confirme une tendance durable marquée par une forte mobilité vers l’Europe, notamment pour des motifs touristiques, familiaux, professionnels ou d’études. Cette position reflète également les liens historiques, économiques et humains qui unissent le Maroc à plusieurs pays européens, en particulier la France.

Mais malgré cet engouement, les taux de refus demeurent relativement élevés pour les demandeurs marocains, en particulier en France, où le taux de rejet atteint 15,8%, soit au-dessus de la moyenne de l’espace Schengen (14,8%). Cette situation, bien que légèrement améliorée par rapport à l’année précédente, continue de susciter de l’incompréhension chez de nombreux candidats. Les refus sont parfois perçus comme arbitraires, ce qui renforce un sentiment de traitement inégal, notamment dans les pays d’Afrique du Nord.

Ce volume élevé de demandes marocaines s’inscrit dans un contexte global de reprise des mobilités internationales après la pandémie. Selon Besart Bajrami, fondateur de Schengen Visa Info, le recul global du nombre de demandes par rapport à 2019, année où près de 17 millions de dossiers avaient été déposés, ne s’explique plus par la crise sanitaire. «Le coronavirus n’est plus un facteur. Les restrictions ont été levées depuis un certain temps», affirme-t-il. Pour le Maroc comme pour d’autres pays, d’autres facteurs pèsent désormais sur les décisions des voyageurs, dont les politiques migratoires européennes et les conditions d’obtention des visas.

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France, Espagne et Allemagne restent les destinations préférées

La France demeure le pays le plus sollicité par les candidats au visa Schengen, avec plus de 3 millions de demandes enregistrées en 2024. Elle devance l’Espagne, qui prend la deuxième place avec 1,6 million de demandes, reléguant l’Allemagne à la troisième position avec 1,5 million. Ce trio de tête attire à lui seul une part importante des flux mondiaux, notamment en provenance d’Afrique du Nord et d’Asie.

La France est à nouveau la destination favorite des demandeurs de visa Schengen, avec plus d’un quart des demandes déposées dans le monde entier reçues par ses centres de visa. Parmi ces demandeurs, les Marocains constituent le deuxième groupe le plus important pour l’Hexagone, avec 282.153 demandes, juste derrière les Algériens, qui en ont déposé 352.295.

Si la France reste en tête, elle affiche également le plus grand nombre de refus : 481.139 demandes rejetées, soit un taux de 15,8%, au-dessus de la moyenne européenne. L’Espagne suit avec 244.432 refus (15,7%), tandis que l’Allemagne fait légèrement mieux, avec un taux de refus de 13,7%.

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Sur l’ensemble des pays de l’espace Schengen, le taux moyen de refus s’établit en 2024 à 14,8%, en baisse par rapport à 2023 (16%) et à l’année record de 2022, où il avait atteint 17,9%. Une amélioration perçue comme un signal encourageant pour les voyageurs, mais reste à voir si cette tendance se confirmera en 2025.

Cependant, certains pays continuent de faire face à des taux de refus très élevés. En tête de liste, on retrouve le Bangladesh (54,9%), suivi du Pakistan (47,5%), de la Guinée-Bissau (47%), du Sénégal (46,8%) et d’Haïti (46,3%).

mercredi 21 mai 2025

“C’est un sujet dont on ne parle pas” : ce photographe revient d’un camp de réfugiés

Samedi 17 mai, des Sahraouis de Bressuire et des environs ont célébré le 52e anniversaire de la création du Front Polisario, qui a vu le jour le 10 mai 1973. Vincent Sarazin, photographe « nomade », a pu découvrir les camps de réfugiés de Smara et Rabouni en Algérie. Il était présent à Bressuire.
Vincent Sarazin a pu réaliser une série de photos dans l’hôpital et le dispensaire d’un camp de réfugiés sahraouis.
Vincent Sarazin a pu réaliser une série de photos dans l’hôpital et le dispensaire d’un camp de réfugiés sahraouis. | VINCENT SARAZIN

 Je suis un Sahraoui d’adoption. Je me sens extrêmement solidaire , lâche Vincent Sarazin au cours d’une conversation devant la salle du foyer Hérault de Bressuire. Samedi 17 mai, l’association Khayma – Solidarité avec les enfants du Sahara occidental organisait un événement pour célébrer le 52e anniversaire de la création du Front Polisario.

Le Sahara occidental, listé comme étant un territoire non autonome par l’Organisation des Nations Unies (ONU), est une ancienne colonie espagnole contrôlée en majeure partie par le Royaume du Maroc. Les Sahraouis du Front Polisario, un groupe politique fondé le 10 mai 1973 et soutenu par l’Algérie, se battent pour obtenir leur indépendance (lire par ailleurs).

Quelques années après la création de ce groupe d’indépendantistes, Vincent Sarazin part en Afrique avec un club de voyageurs. C’était en 1987.  On passait par Tindouf et c’est à ce moment-là j’ai entendu parler du Sahara occidental pour la première fois , se rappelle celui qui se décrit comme un  nomade.  C’est ici, en Algérie, que se trouvent plusieurs camps de réfugiés sahraouis. Vincent Sarazin est spectateur d’une scène où militaires et structures sociales défilent dans les rues. Il s’intéresse au sujet puis n’en entend plus parler. En effet, après plusieurs années de conflit, un cessez-le-feu est acté en 1991. Les Nations Unies souhaitent alors la mise en place d’un référendum pour définir l’avenir du Sahara occidental, en vain.

 J’ai de nouveau entendu parler du Sahara occidental au détour d’une exposition. C’était il y a une quinzaine d’années, raconte le photographe. J’ai fait la rencontre de Colette Blais, une infirmière retraitée de Rezé (Loire-Atlantique) qui a mis en place des écoles d’infirmières dans les camps , poursuit-il. Cette rencontre lui parle à plus d’un titre puisqu’il connaît en partie le sujet et s’intéresse de près au domaine de la santé, secteur où il a pu exercer son métier de vidéaste dans les années 1990. À partir de ce moment-là, Vincent Sarazin rejoint l’association Enfants réfugiés du monde avec, déjà à cette époque, l’envie d’aller dans les camps de réfugiés sahraouis.

Vincent Sarazin était présent dans les camps du 15 au 30 avril. Il a assisté à plusieurs manifestations lors de son séjour. | VINCENT SARAZIN
Il devra attendre le 15 avril 2025 pour s’envoler en Algérie pour quinze jours. D’abord, il rencontre des étudiants sahraouis à Alger et décrit un accueil chaleureux.  J’étais celui qui venait faire des photos de la cause. C’est un sujet tabou dont on ne parle pas , ajoute-t-il. Ensuite, il passe du temps dans les camps de Samra et Rabouni. Épaulé par un guide qui parle français, il découvre l’hôpital puis le dispensaire, assiste à deux manifestations… Il s’imprègne de la vie des camps et fait des centaines de photographies.  Avant, je disais que j’étais un photographe militant. Maintenant, je milite en travaillant mes images , glisse-t-il.
Lors de son séjour, Vincent Sarazin a été marqué par ce qu’il a vu mais a eu  la franche impression d’être à [s] a place . Il garde en tête l’image d’une photo prise d’un point un peu haut d’un camp. Au premier plan, des jeunes Sahraouis posent pour l’objectif. Au second plan, le camp de réfugiés occupe le reste de l’espace.  Le camp s’étire à perte d’espoir , commente le photographe.

Après des années de cessez-le-feu, les combats ont repris en novembre 2020, augmentant le nombre de réfugiés dans les camps. Selon le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), la région de Tindouf accueille plus de 173 000 personnes réparties dans six camps.
Sur place, Vincent Sarazin a rencontré des réfugiés qui sont  fiers de leur appartenance  et gardent l’espoir de la mise en place d’un référendum d’autodétermination.  Au départ, les camps étaient faits avec des toiles. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de constructions pérennes, comme s’ils savaient qu’ils n’allaient pas repartir, raconte-t-il. Pourtant, j’ai été marqué par ma rencontre avec un « p’tit père » qui est dans les camps depuis de nombreuses années. Il garde l’espoir de mourir là où il est né.

La position de la France par rapport au Sahara occidental

Cela fait des décennies que le Maroc et les indépendantistes du Front Polisario s’opposent sur le devenir de l’ex-colonie espagnole. Le Royaume du Maroc contrôle 80 % du Sahara occidental et veut mettre en place un plan d’autonomie sous sa souveraineté proposé en 2007. De son côté, le Front Polisario souhaite la mise en place d’un référendum d’autodétermination.
Le 3 juillet 2024, le président Emmanuel Macron a adressé une lettre au roi du Maroc dans laquelle il estime que la proposition du Maroc pour régler ce conflit est la  seule base juste.  Le 14 avril 2025, Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, a rappelé la  position intangible  de la France par rapport à la souveraineté marocaine du Sahara occidental :  Pour la France, le présent et l’avenir du Sahara occidental s’inscrivent dans le cadre de la souveraineté marocaine.