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jeudi 15 mai 2025

Forbes : les groupes familiaux qui dominent au Maroc

 actumaroc, 13/5/2025

Forbes : les groupes familiaux qui dominent au Maroc


Forbes Middle East a dévoilé son classement 2025 des 100 entreprises familiales les plus puissantes du monde arabe. Si le monde des affaires marocain peut se féliciter de la présence de trois fleurons dans cette liste prestigieuse, l’absence de certaines figures emblématiques de l’économie nationale soulève néanmoins des interrogations.

Trois groupes marocains figurent dans ce palmarès très attendu. En tête de file, O Capital Group, classé à la 23e place, illustre la puissance financière du Maroc à l’échelle régionale. Issue de la fusion entre FinanceCom et Holding Benjelloun Mezian en 2021, cette entité pilotée par Othman Benjelloun, homme d’affaires de 92 ans dont la fortune est estimée à 1,6 milliard de dollars, opère dans la finance, l’assurance et les investissements stratégiques. C’est sans surprise que le groupe s’impose comme un acteur régional incontournable.

En 80e position, Holmarcom, dirigé par la famille Bensalah, tire son épingle du jeu grâce à sa diversification dans les secteurs clés : finance, agro-industrie, logistique et immobilier. Fondé en 1978, ce conglomérat reste l’un des piliers de l’économie marocaine moderne.

Enfin, à la 84e place, Diana Holding, fondée en 1956 par Brahim Zniber et aujourd’hui présidée par Rita Maria Zniber, confirme sa stature dans l’agro-industrie avec plus de 30 filiales, une surface agricole de 8.300 hectares et quelque 7.200 employés. Le groupe illustre la capacité d’une entreprise familiale à maintenir sa croissance tout en conservant son ancrage territorial.

Une domination du Golfe… et un mystère marocain

Sans surprise, les pays du Golfe, notamment l’Arabie saoudite (33 groupes) et les Émirats arabes unis (32), dominent ce classement, avec en tête les géants Al Muhaidib, Abdul Latif Jameel, et Al-Futtaim. Mais au-delà de cette suprématie attendue, ce classement soulève une question de taille : où sont passés certains des groupes marocains les plus influents ?

Ni le groupe AKWA, appartenant aux familles Akhannouch et Wakrim, ni le groupe Addoha de Anas Sefrioui ne figurent dans cette édition. Une absence d’autant plus étonnante qu’Aziz Akhannouch est considéré comme la première fortune du Maroc, et qu’Addoha reste un acteur structurant du secteur immobilier.

Ces absences peuvent s’expliquer par plusieurs facteurs : critères de transparence financière, structure de gouvernance, internationalisation des activités ou simple choix éditorial du magazine. Mais elles alimentent aussi une interrogation plus profonde : comment expliquer que deux des groupes les plus visibles et puissants du pays soient absents d’un classement qui se veut le reflet des grandes dynasties économiques arabes ?

mercredi 14 mai 2025

“La religion est à Dieu et la patrie est à tous” : en Syrie, le message de Sultan al-Attrache reste valable un siècle plus tard
Entretien avec Rim al-Attrache

Alors que les feux de l’actualité sont braqués sur la Syrie et que l’écrasante majorité des  « informations » circulant dans les médias internationaux sont produites par des personnes ignorant tout ou presque tout de l’histoire syrienne, il nous a semblé utile de donner la parole à  Rim al-Attrache, une habitante de Damas, descendante d’une longue lignée de combattants, pour qu’elle nous parle de son père Mansour (1925-2006) et de son grand-père Sultan Pacha (1888-1982), dont l’histoire peut éclairer l’état actuel du pays.

Propos recueillis par  Fausto GiudiceTlaxcala



 Rim, peux-tu vous présenter, toi et ta lignée ?

Dans l’introduction de mon premier roman, en arabe, intitulé « Jusqu’à la fin des temps », j’ai écrit ce qui suit : « Je suis une personne qui essaie de combiner l’islam et le christianisme dans son cœur, et je crois que la religion appartient à Dieu et que la patrie appartient à tous ».

 Un jour, l’avocat syrien Najat Qassab-Hassan, m’a posé cette question : Rim, quelle partie de toi est druze et quelle partie est chrétienne ? Je lui ai répondu sans la moindre hésitation : Je suis divisée, verticalement, en deux, et je peux déplacer mon cœur tantôt à droite, et tantôt à gauche. 

Zoukan (assis) et Sultan, 1910

Je suis l’arrière-petite-fille du martyr Zoukan al-Attrache, l’un des chefs de résistance contre les Turcs (1910). Il a été condamné à mort et exécuté s à la place Merjé, à Damas par Jamal Pacha, dit Le Boucher meurtrier.


Youssef al-Choueiri

Je suis l’arrière-petite-fille de Youssef al-Choueiri, moudjahid avec Sultan al-Attrache durant la Révolution arabe de 1916-1918 : il a rejoint la révolution avec son ami Sultan al-Attrache, afin de libérer Damas, le 30 Septembre 1918, suite à la bataille de Tuloul al-Manea, près de Kisswa, au sud de Damas. Avec son fils Habib al-Choueiri, mon grand-père maternel, il a été prisonnier durant la première révolution de Sultan, en 1922. Tous les deux soutenaient Sultan et ses compagnons en 1925, financièrement et moralement.

Je suis la petite-fille de Sultan al-Attrache, chef de la Grande Révolution syrienne (1925) contre le Mandat français.

Enfin, je suis la fille de Mansour al-Attrache, politicien syrien, l’un des premiers Baathistes, en 1945, et membre du conseil fondateur du parti Baath en 1947. 

Que faut-il savoir sur Sultan Pacha, auquel tu as consacré une série de 5 volumes (éditée au Liban), basée sur les archives de votre famille ?

Sultan al-Attrache a explicitement rejeté les mandats français et britanniques devant la Commission King-Crane (1919), lorsque celle-ci lui a rendu visite au Djebel al-Arab  (dit Djebel Druze) pour sonder l'opinion des habitants de la région.

Il rassembla les cavaliers pour aider l’armée syrienne, dirigée par le ministre de la Guerre, Yusuf al-Azma, le 24 juillet 1920, à Mayssaloun. Les cavaliers de Djebel al-Arab , dirigés par Sultan al-Attrache, arrivèrent dans le village Sijen, et même quelques-uns atteignirent Braq (40 km au sud de Damas), où Sultan, apprenant le meurtre de Yousef Al-Azma, déclara : « Perdre une bataille ne signifie pas perdre la guerre. ».

Sultan al-Attrache voulait alors organiser la résistance au Djebel al-Arab sous la bannière de la légitimité en Syrie. C'est pour cette raison qu'il invita le roi Fayçal Ier à s'installer là-bas au lieu de partir pour l'Europe, en 1920. Mais le roi répondit au messager de Sultan, en disant :  « Il est trop tard » ! 

Sultan a également demandé à Ibrahim Hanano (chef des rebelles du Nord) de rester chez lui pour organiser la résistance contre l'occupation française, lorsqu'il est venu lui demander protection en 1922, mais Hanano a voulu se rendre en Jordanie.

La Grande Révolution syrienne éclata dans le dernier tiers de juillet 1925, mais elle attira l'attention du monde entier après la bataille de Mazraa contre l’armée du général Michaud, au début du mois d'août de la même année. Les Européens ont commencé à envoyer des journalistes d’Allemagne et d’autres pays européens en Syrie, et plus précisément au Djebel al-Arab, pour découvrir la vérité sur ce qui s’était passé. C’est seulement à ce moment-là que les nationalistes arabes ont commencé à s’intéresser à ce qui se passait !

Il est important de noter qu'après la bataille de Mazraa, les autorités françaises ont été contraintes de demander une trêve et une cessation des hostilités, avant que les dirigeants du mouvement national à Damas ne répondent à l'appel à la révolution du Djebel al-Arab , dans le but de l'étendre à toute la Syrie et au Liban.

Sultan al-Attrache a déclaré aux deux journalistes allemands du journal Vössische Zeitung, venus photographier le site de la bataille de Mazraa, ce qui suit : « Les Français ne cherchent pas sérieusement la paix dans leurs négociations. Même les conditions modérées présentées par notre délégation n'obtiendront rien d'essentiel du général Sarrail. Ils veulent nous distraire jusqu'à l'arrivée de leurs nouvelles forces militaires, qu'ils ont fait venir de France ou de leurs colonies voisines. Quant à nous, nous ne restituerons pas les armes capturées sur le champ de bataille tant que nous serons en vie. Nous ne nous satisferons de rien de moins que de l'indépendance et de l'unité complète de la Syrie et de l'établissement d'un gouvernement national constitutionnel. La mission de l'État mandataire doit se limiter à fournir une assistance et des conseils techniques et administratifs, par l'intermédiaire de conseillers et d'experts qualifiés, en application de ce qui a été stipulé dans le Pacte de la Société des Nations en 1919 concernant le mandat. ». La condition posée par Sultan al-Attrache pour les négociations avec les Français était qu'elles ne devaient pas dépasser trois jours.

Ainsi, l’intérêt, sérieux, arabe et européen pour la Grande Révolution syrienne a commencé après la bataille de Mazraa (2-3 août 1925). L’armée du général Henry Michaud comptait 13 000 soldats et officiers français, et ils furent sévèrement défaits par environ 400 combattants rebelles de Djebel al-Arab . C'est ce qu'a déclaré l'un des soldats d'origine marocaine, qui a participé à la campagne de Michaud et a été capturé : il l'a confirmé au commandant en chef de la révolution syrienne, Sultan al-Attrache. Il rejoint plus tard les rangs des révolutionnaires pour combattre les Français. Les forces nationales ont décidé de choisir Sultan al-Attrache comme commandant général de cette révolution. C'est ici que fut publiée la célèbre déclaration du commandant en chef, « Aux armes », le 23 août 1925, dans laquelle il était souligné que le premier objectif de la révolution était d'unifier la Syrie, à la fois sur la côte et à l'intérieur, ce qui signifiait rejeter la division de la Syrie sur une base confessionnelle, religieuse et ethnique, et que le deuxième objectif était l'indépendance complète. Le slogan de la révolution c’est : « La religion est à Dieu et la patrie est à tous. »

Tout au long de sa vie, Sultan n’a jamais abandonné ce slogan qu’il avait lancé ; pour lui, il est resté inébranlable, en paroles et en actes. Ce slogan était une gifle aux colonialistes français, prétendant faussement la croyance en la laïcité. Ce slogan était une réponse claire au rejet de la division du pays, planifiée par l'accord Sykes-Picot, qui a également abouti à la déclaration Balfour, que Sultan al-Attrache a complètement rejetée.


« La religion est à Dieu et la patrie est à tous » : c’est un slogan qui peut soulever des questions problématiques aujourd’hui, mais pendant la Grande Révolution syrienne de 1925-1927, c’était incontestable, et représentait les concepts : « laïcité » et « résistance ».

Lors des préparatifs des batailles, Sultan al-Attrache élaborait des plans militaires en consultation avec les commandants de terrain, en fonction de la zone où se déroulaient les batailles, et en fonction du positionnement des forces ennemies, de leur nombre et du volume de leurs munitions. Il était également toujours en coordination avec les commandants qu'il envoyait en campagne à l'extérieur du Djebel, et sa responsabilité était de leur assurer des munitions et de l'équipement.

Il est important de souligner que les négociations des hommes politiques syriens avec les autorités du mandat français dépendaient de la fermeté des révolutionnaires sur le terrain. La politique est, sans doute, d’une grande importance, mais la Grande Révolution syrienne, qui a surpris tout le monde, des politiciens nationalistes syriens et libanais aux politiciens français et européens, a commencé à imposer sa présence, surtout après la bataille de Mazraa. Tous les nationalistes se référaient toujours, dans leurs négociations, à l'avis de Sultan al-Attrache, qui consultait les révolutionnaires pour élaborer une opinion représentant tout le monde.

Tout au long de sa vie, Sultan al-Attrache n’a jamais employé « je », mais plutôt « nous ». Cela indique l’effacement de soi et l’incapacité à nier le rôle des autres !

Le 25 octobre 1929, pendant la période d'exil, se tint à Haditha, dans le Wadi al-Sirhan, la     « Conférence du désert », convoquée par Sultan al-Attrache. Des personnalités nationales de partis et d'organisations y ont participé. La conférence a pris des décisions très importantes qui ont eu un impact significatif sur le développement de la vie politique en Syrie, et sur le cours que les événements et les négociations ont pris par la suite, conduisant à l'évacuation.

Sultan al-Attrache et les révolutionnaires en exil ont insisté pour que cette conférence soit libre de toute influence étrangère et adhère aux principes des droits de l'homme, et que la Syrie reste attachée à ses droits légitimes et à son unité nationale globale dans la quête de libération du colonialisme. A l’issue de cette conférence, une résolution en six points a été annoncée, dans laquelle les révolutionnaires stationnés dans le désert ont condamné la suspension des travaux de l'Assemblée constituante en Syrie et les déclarations d’Henry Ponsot [Haut-commissaire de France au Levant, 1926-1933], ignorant la question nationale syrienne. La conférence a également dénoncé les décisions invalides du Congrès sioniste de Zurich [1929] et les attaques des Juifs contre les Arabes, appelant le gouvernement travailliste britannique à révoquer la célèbre Déclaration Balfour et à reconnaître les droits nationaux des Arabes et leur souveraineté dans leur propre pays afin d'assurer la paix mondiale et d'encourager des relations modernes entre les peuples, comme l'a fait la Grande-Bretagne en Égypte et en Irak. La conférence a également remercié les Arabes de la diaspora soutenant financièrement la patrie et les révolutionnaires et leurs familles, en exil.

Sultan al-Attrache croyait que la Grande Révolution syrienne avait duré douze ans, de 1925 à 1937, car son refus de rendre les armes, avec ses camarades révolutionnaires, signifiait que la résistance continuerait et qu'ils ne se rendraient pas au colonialisme. Les hommes politiques lui écrivirent également fréquemment pour lui demander son avis durant son exil de dix ans, de 1927 à 1937, durant lequel il a appelé à l'unification du monde arabe, afin de         « parvenir au succès de la cause syrienne, qui est le noyau de l'unité arabe ». Cela est considéré comme une prise de conscience claire de l’importance de parvenir à l’unité entre les Arabes. Durant cette période, il a résisté à d’énormes tentations, malgré toutes les difficultés qu’il a subies, avec sa famille, ses camarades et leurs familles !

Je mentionne ici que le responsable britannique, agissant en tant que représentant du roi George V, a rencontré Sultan al-Attrache à Azraq en 1927 pour discuter de la question de la déportation des révolutionnaires qui refusaient de rendre leurs armes. Ce représentant tenta de convaincre Sultan de la nécessité de mettre fin à la révolution sans condition et lui fit une offre royale, dont l'essentiel était qu’il vivrait dans un palais privé à Jérusalem, en plus d'un salaire mensuel lucratif à vie qui lui garantirait une vie confortable aux frais de l'Empire britannique. Mais Sultan a répondu : « Notre bonheur réside dans l’indépendance et l’unité de notre pays, la liberté de notre peuple et le retrait des forces étrangères du pays ». Lors de cette rencontre, le représentant du roi George V n'a pas oublié d'apporter avec lui de la nourriture et des boissons délicieuses et de les mettre devant les rebelles assoiffés et affamés. Cependant, les rebelles, sur ordre de Sultan, ne les ont pas touchés du tout. Sultan a refusé l’offre généreuse royale, ainsi que la nourriture !

Dans l’un des documents du ministère britannique des Affaires étrangères, pendant le mandat, se trouvant aux archives de la Bibliothèque nationale, le consul britannique au Levant a admis à son ministère des Affaires étrangères que Sultan al-Attrache avait obstinément refusé de coopérer avec la Grande-Bretagne malgré les tentatives répétées et persistantes des autorités. Il a écrit : « Sultan al-Attrache ne s’achète pas. »

Sa position sur l’enseignement était ferme ; en exil, il s'efforçait de faire en sorte que les fils et les filles des révolutionnaires soient éduqués et qu'une école soit construite pour eux dans le désert. Il a également fait don d’un terrain pour construire une école dans son village natal (Quraya) après son retour d’exil.

La Palestine et le plateau du Golan étaient son obsession jusqu’à la fin de sa vie.

Sultan al-Attrache a soutenu l'unité entre la Syrie et l'Égypte et la lutte du parti Baath.

De 1918 à 1946, il refusa à la fois le poste et l’argent. Il recommanda au défunt président Chukri al-Quwatli de préserver l’indépendance du pays pour la libération duquel les révolutionnaires avaient tant sacrifié ! Il réitéra cette recommandation plus tard, en 1960, devant le président Gamal Abdel Nasser. En 1981, devant le président Hafez al-Assad. Il a écrit cette recommandation dans son testament politique, diffusé par son fils Mansour devant le cortège funèbre d'un million et demie de personnes, au stade municipal de Sweida, le 28 mars 1982.

Sultan al-Attrache a signé la célèbre Charte nationale, qui a été signée par des personnalités nationales bien connues de toute la Syrie, notamment feu Hachim al-Atassi, dont le petit-fils, Radwan al-Atassi l'a publiée dans la biographie de son grand-père. Cette charte nationale comprenait les principes suivants :

1- Condamner le pouvoir individuel autoritaire et ne pas se conformer à ce qu’il édicte.

2- Exiger des élections justes qui établissent un régime constitutionnel et démocratique.

3- Respecter les libertés publiques et l’État de droit pour tous.

4- Protéger l’indépendance et la souveraineté.

5- Renforcer l’armée et limiter sa mission à la défense de la patrie et de sa sécurité.

Suite à cela, le colonel Adib Chichakli a lancé une campagne militaire injuste contre la population du gouvernorat de Soueïda, croyant qu'en agissant ainsi, il consoliderait les piliers de son pouvoir, contre lesquels tous les citoyens libres de la plupart des partis (y compris le parti Baath et le parti communiste) avaient lutté. 

Une centaine de martyrs non armés ont été tués au Djebel al-Arab pendant la campagne militaire (1954). Sultan al-Attrache a quitté son village et s'est dirigé vers la Jordanie pour éviter de nouvelles effusions de sang. Il a alors prononcé sa célèbre phrase : « Je refuse d'affronter les militaires de l'armée syrienne, car ce sont mes fils ! ». Sultan et ses compagnons ont marché, sous des chutes de neige, jusqu'en Jordanie. Il avait 66 ans à l’époque. À son arrivée à la frontière jordanienne, le gouvernement lui a envoyé une voiture sur laquelle flottait le drapeau britannique, mais il a refusé d'y monter, même s'il était poursuivi et que sa vie était en danger. Mais non, même dans les circonstances les plus difficiles, Sultan al-Attrache ne faisait pas appel aux étrangers ! Le gouvernement jordanien a été contraint d’envoyer une autre voiture avec le drapeau jordanien flottant dessus. Il accepta de la prendre avec ses compagnons, et ils entrèrent en Jordanie. Sultan et ses compagnons y sont restés jusqu'à ce que Chichakli quitte le pays ! Il revint victorieux au village.

Lorsque les gens sont venus le féliciter pour le meurtre de Chichakli, il leur a dit : « Je n'ai plus aucun lien avec lui depuis qu'il a quitté le pouvoir. Son assassinat était un acte individuel, et nous ne cherchons pas à nous venger ni à nous réjouir de sa mort ! »

Ce sont trois leçons exemplaires que Sultan al-Attrache a laissées aux Syriens d’aujourd’hui !

Dans un document des archives de ma famille, que j'ai éditées et publiées à la maison d’édition Abaad à Beyrouth, en cinq volumes, Sultan a écrit, en 1961 : « Ils ont dit que nous avons récolté le fruit de notre lutte, le fruit de cet arbre dont nous avons arrosé le sol avec notre sang. Non, ce fruit n’est pas encore mûr. Notre lutte est à l’état de fleur et n’a pas encore porté ses fruits, parce que nous ne nous sommes pas tous unis en tant qu’Arabes pour les récolter ensemble. Fils de la révolution et enfants du désert, c'est ainsi que nous nous sommes voués à être des sacrifiés sur l'autel du nationalisme arabe. Cet arbre ne portera pas de fruits tant que ses branches seront couvertes d’insectes… Il ne portera pas de fruits tant que la voix de la liberté de la Palestine ne s’élèvera pas pour éloigner le spectre des ambitions coloniales, concernant l’Irak, l’Égypte et la Jordanie. Après cela, quel fruit délicieux et mûr, symbole des générations qui ont porté le flambeau de la civilisation, dont la lumière ne s'éteindra jamais ».

Sultan al-Attrache s’est toujours méfié des ambitions coloniales qui prenaient mille formes. Il a laissé, alors, un testament politique à cet effet. 

Venons-en à ton père Mansour, fils de Sultan. Résume-nous son parcours

Il a étudié les sciences politiques et l'histoire à l'Université américaine de Beyrouth ; il a étudié le droit à l'Université de la Sorbonne à Paris. Il a été emprisonné pour des raisons politiques à trois reprises : en 1952 et 1954 à l'époque d'Adib Chichakli, et en 1966 après le Mouvement du 23 février. Il a vécu, ensuite, en exil à Beyrouth entre juillet 1967 et avril 1969, date à laquelle il est retourné à Damas.

Sultan et Mansour, 1971

Il est nommé ministre du Travail et des Affaires Sociales en 1963. Il était membre du Conseil présidentiel en 1964. Il a refusé d'accepter le poste de ministre à plusieurs reprises, notamment pendant la période de 1961 à 1963. Membre des directions régionales et nationales du parti. Il était président du Conseil National de la Révolution 1965-1966. Il a pris sa retraite et a travaillé dans l'agriculture.

 Il était Président du Comité arabe syrien pour la levée du siège et le soutien à l'Irak de 200 à 2006 et membre fondateur du Comité de soutien à l'Intifada de 2000 à 2006. 

Il était marié à l'enseignante, à l’École Normale Supérieure, Hind al-Choueiri, chrétienne orthodoxe de Damas, et il a eu deux enfants : Thaer (ingénieur civil) et moi, Rim (traductrice et écrivaine).


Mansour en 2005

Dans une interview publiée au quotidien Al Khalij, le 23 mai 1993, Mansour al-Attrache a déclaré ce qui suit :

« Nous sommes responsables et notre génération est condamnée. Si, un jour, j’écris mes mémoires, je les intitulerai “La génération condamnée” .

« Condamnée pourquoi ? Parce que nous, en tant que génération, n’avons pas été fidèles aux objectifs que nous avions fixés pour le parti Baath, et nous n'avons pas été fidèles à la voie honnête vers ces objectifs. Nous nous sommes noyés dans des excuses pour nous protéger de la chute du pouvoir, et nous sommes donc tombés moralement et éthiquement. Nous ne ressentons plus aucun lien entre nous et la première image du parti Baath...

« Sur le plan personnel, je peux dire que je suis tombé avec la génération, mais je me suis sauvé en tant qu’individu. Je n’ai violé les droits de personne, je n’ai pas changé et je ne me suis pas noyé dans les tentations du pouvoir. De ce point de vue, j’ai la conscience tranquille et je me considère libéré des maux de cette expérience, ce qui a renouvelé ma détermination à entreprendre une œuvre nationale, d’ambition modeste, qui répond aux nécessités de la phase actuelle que traverse la Nation arabe.

« Mais je crois franchement que le salut d’un individu face à toute lacune dans le travail national ou à toute accusation morale dans le cadre de son travail politique, n’a pas beaucoup de valeur, car l'individu, malgré son rôle parfois important dans le travail politique, ne peut pas sauver la génération de sa responsabilité dans l'échec ».

À ton avis, qu’auraient fait Sultan et Mansour dans la Syrie de 2025 ?

Mon grand-père Sultan et mon père, Mansor, croyaient en l’unité de la Syrie et du Levant, ainsi qu’en la nécessité d’une intégration entre les pays du monde arabe, pour former une force politique et économique significative. Ils ne peuvent donc pas être convaincus par la division et la fragmentation du pays, sur une base confessionnelle et ethnique. Je crois plutôt que s’ils étaient présents en Syrie aujourd’hui, ils auraient œuvré pour soutenir le dialogue national entre les Syriens afin de parvenir à une constitution qui protège la citoyenneté, et de préserver la liberté, l’indépendance et le pluralisme, dans le but de consolider la démocratie participative et la séparation entre les trois pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Ils auraient œuvré aussi pour réaliser la confédération du Levant, basée sur un programme national clair. Ils auraient également souligné la nécessité de libérer la Palestine du fleuve à la mer, et d’expulser toutes les armées étrangères se trouvant maintenant en Syrie et dans tout le Levant.



Sultan en 1950

Comment définir l’être Druze dans le monde d’aujourd’hui, où les Druzes, comme tous les Syriens, les Palestiniens et autres, sont devenus un « peuple-monde », présent du Venezuela (où on les appelle les Bani Zuela) à la Scandinavie et à l'Australie, en passant par la Syrie, le Liban, la Jordanie et la Palestine, dite « Israël » ?

Le nombre d’expatriés du Levant est très important, notamment depuis la guerre civile libanaise, ainsi que depuis 2011 en provenance de Syrie, depuis 1948 en provenance de Palestine et depuis 1967 en provenance du plateau du Golan, en raison de l’occupation sioniste. Les Druzes de la diaspora sont, pour la plupart, des Syriens, des Libanais, des Palestiniens, des Jordaniens et, finalement, des Arabes. Quant aux nouvelles générations, elles appartiennent au pays d’expatriation dans lequel elles se trouvent et se sont largement intégrées. Il existe cependant un fil très fin qui relie encore la plupart d’entre eux au patrimoine de leur pays et à leur communauté religieuse. Cela s’est clairement manifesté, par exemple, par leur soutien matériel et moral des druzes en Syrie pendant l’épreuve syrienne qui dure depuis 2011 et qui continue encore aujourd’hui, d’autant plus que le peuple syrien est aujourd’hui à 90 % en dessous du seuil de pauvreté !

Quels sont les rapports entre les Druzes du Djebel Druze, du Golan, de Damas, du Liban et de la Palestine de 1948, dite « l’Israël » d’aujourd’hui ?

Les monothéistes ou les Druzes ne s'abandonnent jamais. Il s’agit des mêmes familles, réparties en Syrie, sur le plateau du Golan syrien occupé, au Liban, en Jordanie et en Palestine occupée. À l’origine, il s’agissait de tribus arabes venues du Yémen, et elles constituent une confession islamique du chiisme des sept Imams. Les monothéistes n’abandonnent pas leurs terres ni leurs armes, car les armes protègent la terre et l'honneur, et ils ne s'abandonnent pas, en raison de leur parenté et de leur nombre restreint. On constate donc que, dans le cas d’une menace existentielle pour certains d’entre eux, ils se rangent tous du côté de celui qui se trouve sous cette menace. C’est ce qui s’est passé, par exemple, en 1982 au Mont Liban.

Peut-on rêver à une confédération transnationale druze ?

Je ne crois pas que ce soit un rêve politique druze. Car tout au long de leur histoire, les Druzes ont adopté des positions patriotiques pour construire un État national et se libérer du colonialisme occidental et turc.

As-tu autre chose à ajouter ?

J’aimerais ajouter ici une partie du testament politique de Sultan al-Attrache, seul révolutionnaire syrien à avoir laissé un tel testament :

« Je vous dis, chers Syriens et Arabes, que vous avez devant vous un long et difficile chemin, exigeant deux types de djihad : le djihad contre votre instinct confessionnel et le djihad contre l’ennemi. Soyez donc patients, comme les hommes libres, et que votre unité nationale, et la force de votre foi soient votre chemin pour repousser les complots de l’ennemi, expulser les usurpateurs et libérer le pays. Sachez que préserver l’indépendance est votre responsabilité, après que de nombreux martyrs sont morts pour elle et que beaucoup de sang a été versé pour l’obtenir. Sachez que l’unité arabe est force et puissance, qu’elle est le rêve de générations et la voie du salut. Sachez que ce qui a été usurpé par la force sera rendu par l’épée, que la foi est plus forte que toute arme, que l’amertume dans la gloire est plus douce que la vie dans l’humiliation, que la foi est chargée de patience, préservée par la justice, renforcée par la certitude et fortifiée par le djihad.

Sachez que la piété est pour Dieu, que l’amour est pour la terre, que la vérité victorieuse, que l’honneur est dans la préservation des mœurs, que la fierté est dans la liberté et la dignité, que le progrès est par la connaissance et le travail, que la sécurité est par la justice, et que la coopération fait la force ».

Sultan avec Rim, Falougha, Liban, 1971

lundi 12 mai 2025

L'Agence française de développement va investir 150 millions d'€ au Sahara occidental occupé

Dans le jargon macrono-makhzénien, cela s'appelle “ l’opérationnalisation rapide  du Partenariat d’Exception Renforcé”...
Voir les détails ici : Une nouvelle vision de la coopération déployée dans le Sahara

dimanche 11 mai 2025

ORLY NOY
Ce qu’un « sommet de la paix » révèle sur l’état de la gauche israélienne

Des ateliers de dialogue bien intentionnés, des panels sur des solutions politiques lointaines, mais aucune mention du génocide : ce sont des distractions privilégiées que nous ne pouvons plus nous permettre.
Orly Noy, Local Call/+972 Magazine 7/5 /2025
Traduit par Fausto GiudiceTlaxcala
Orly Noy est née à Téhéran en 1979. Elle s’appelait alors Mozghan Abginehsaz. Arrivée en Palestine avec ses parents en janvier 1979, elle a dû changer de prénom puis a adopté le nom de famille de son mari Chaim par commodité. Elle s’est engagée à l’adolescence dans la défense des droits des Mizrahim (les Juifs orientaux) et dans les efforts pour établir des alliances entre Palestiniens et Mizrahim. Traductrice, elle a notamment traduit en 2012 le roman Mon oncle Napoléon, d’Iraj Pezeshkzad en hébreu. Présidente du CA de l’ONG B’Tselem, elle est rédactrice en chef du site ouèbe Local Call et milite au parti Balad-Tajamu, créé et animé par des Palestiniens de 1948 et comptant dans ses rangs des militants juifs. 
Ce week-end, une coalition de 50 organisations israéliennes de paix et de partage social s’est réunie à Jérusalem pour le « Sommet du peuple pour la paix » - un rassemblement de deux jours qui vise, selon son site Internet, à « [travailler] ensemble avec détermination et courage pour mettre fin au conflit israélo-palestinien par le biais d’un accord politique qui garantira le droit des deux peuples à l’autodétermination et à des vies sûres ». 


Ici, en Israël-Palestine, nous vivons une période sombre et amère, comme nous n’en avons jamais connue auparavant. Dans ces circonstances, une démonstration de force aussi impressionnante de la part de la gauche réveillée est sans aucun doute importante et significative, et je tire mon chapeau à tous ceux qui travaillent à créer un changement vers un avenir meilleur.

Pourtant, il faut reconnaître que la conférence se déroulera au milieu d’un génocide en cours, qui a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de Palestiniens à Gaza, et qui est susceptible de s’intensifier encore dans un avenir proche. Après avoir examiné attentivement le programme très dense des activités et des panels de la conférence, le mot « Gaza » n’apparaît que dans un seul événement, intitulé : « La paix après le 7 octobre - Voix de l’enveloppe de Gaza et de Gaza », qui présente « [des] résidents [israéliens] de la zone frontalière de Gaza et des survivants du massacre, ainsi que des messages vidéo d’activistes pacifistes à Gaza ».

Plus d’un an et demi après l’anéantissement systématique de la bande de Gaza par Israël, les seules victimes que les organisateurs de l’événement semblent vouloir reconnaître sont les victimes israéliennes du massacre du 7 octobre. Les habitants de Gaza - ceux qui font face à un génocide - doivent être désignés comme des « militants de la paix » afin d’obtenir la légitimité d’exprimer leur point de vue devant les participants.

Cela soulève des questions troublantes : Comment le « camp de la paix » conçoit-il son rôle en ces temps sans précédent ? Et, plus fondamentalement encore, comprend-il l’ampleur du génocide dans lequel nous nous trouvons ?

Faire face à une nouvelle réalité

C’est peut-être la volonté d’être « du peuple » qui a conduit les organisateurs à choisir des titres aussi stériles et rassurants pour un grand nombre d’événements de la conférence : « Woodstock pour la paix« , avec une “journée entière de connexion à la terre, à la nature, à la paix et à l’espoir” ; “Des jeunes Israéliens et Palestiniens présentent leur point de vue sur le mot ”paix’ » ; « Il y a un chemin » ; « L’espoir de Jérusalem » ; etc.

Le désir d’offrir de l’espoir, à une époque où il est si profondément absent, est compréhensible. Mais lorsque pas un seul événement du programme de la conférence n’est consacré au génocide en cours à Gaza, cet espoir devient, au mieux, détaché de la réalité et, au pire, une échappatoire dépolitisée cherchant à abrutir et à engourdir.

Parallèlement, la conférence comprend plusieurs tables rondes traitant des solutions politiques potentielles futures et des cadres pour « mettre fin au conflit ». Cela suggère que, malgré ce qui se déroule sous notre nez, les organisateurs pensent que le rôle principal de la gauche israélienne reste inchangé : insister sur le fait que le conflit israélo-palestinien n’est pas inévitable et que des solutions existent pour bénéficier à toutes les personnes vivant entre le fleuve et la mer. À mon avis, nous sommes aujourd’hui dans l’obligation de réexaminer non seulement la réalité, mais aussi notre rôle au sein de celle-ci.

L’accent mis sur les « solutions politiques » implique que ce qui nous fait le plus défaut aujourd’hui, c’est « l’imagination politique », un concept fréquemment invoqué lors de la conférence. Cette hypothèse mérite d’être remise en question. Ce qui se passe à Gaza n’est pas le résultat d’un manque d’imagination de la part des Israéliens et des Palestiniens, ou parce qu’on ne leur a pas présenté de plans de paix suffisamment clairs au cours des dernières décennies. Le fascisme meurtrier n’a pas pris le contrôle du gouvernement israélien parce que le public ne s’est pas vu proposer suffisamment d’alternatives.

En effet, nous ne pouvons pas considérer comme acquis que la rupture profonde et sanglante que nous vivons conduira naturellement le public israélien à réaliser qu’une voie différente doit être trouvée. Bien qu’une partie des Israéliens ait peut-être appris cette leçon depuis le 7 octobre, le sentiment le plus répandu est qu’Israël peut et doit « mettre fin à la question palestinienne » par la force et, si nécessaire, par l’anéantissement, l’épuration ethnique et l’expulsion.

Si les sondages n’indiquent pas de montée en puissance spectaculaire des partis de gauche, ce n’est pas parce que l’opinion publique ne connaît pas leur offre politique, mais parce qu’elle n’en veut pas. Telle est la réalité à laquelle la gauche doit faire face.

En ce sens, la conférence de paix se replie sur la zone de confort de la gauche israélienne, évitant les questions existentielles auxquelles ce moment historique nous oblige à nous confronter. Et cela avant même de considérer les obstacles pratiques des solutions proposées, comme le démantèlement délibéré par Israël du leadership palestinien et l’évidement de l’Autorité palestinienne.

Dures vérités

Je pense que cette conférence est une réponse au profond et écrasant sentiment d’impuissance que nous ressentons tous, alors que les rivières de sang continuent de couler sous nos yeux. Bien qu’il soit tentant d’offrir de l’optimisme, de la paix et des solutions - après tout, ce sont des choses dont nous avons tous désespérément besoin - l’espoir n’est jamais un luxe ; c’est un moteur nécessaire pour le changement.

Mais pour que l’espoir se transforme d’un vœu creux en un plan réalisable, il doit être ancré dans la réalité, et non en être détaché. Je suggère à la gauche de s’attarder un moment dans ce lieu de rupture totale et d’impuissance, de reconnaître nos limites dans cette réalité génocidaire et, à partir de là, de réexaminer notre rôle.

La répression institutionnalisée qui vise désormais ouvertement toutes les organisations de gauche en Israël fait également partie de la réalité à laquelle nous devons faire face, et elle exige des choix tactiques et stratégiques radicalement différents de ceux sur lesquels nous nous sommes appuyés jusqu’à présent. Nous devons affronter la dure vérité : aucune des solutions politiques actuellement proposées n’est réalisable sous ce régime d’apartheid. Le temps des illusions est révolu. 

Notre tâche consiste maintenant à repenser l’organisation d’un camp d’opposition qui se consacre au démantèlement de ce système. Cela nécessitera une bonne dose d’humilité et la reconnaissance sobre du fait qu’avant que des solutions puissent émerger, nous devons d’abord endurer une période douloureuse de lutte prolongée. C’est là que notre énergie doit être dirigée.

Pour être clair, ces mots ne sont pas écrits par cynisme ; j’apprécie vraiment les organisateurs de la conférence et ses nombreux participants. Je ne doute pas de leurs bonnes intentions et de leur engagement sincère à changer notre horrible réalité. Pourtant, alors qu’Israël affame systématiquement les habitants du camp d’extermination de Gaza, la gauche israélienne ne peut plus rester dans sa zone de confort.

Le message de Macron au « Sommet de la paix »

samedi 10 mai 2025

Nasser Zefzafi autorisé à rendre visite à son père malade à Al Hoceima

 actumaroc, 10/5/2025

Les autorités pénitentiaires marocaines ont approuvé la demande formulée par Nasser Zefzafi, figure du mouvement contestataire du Rif, pour être transféré temporairement de la prison de Tanger 2 vers Al Hoceima, afin de rendre visite à son père, Ahmed Zefzafi, actuellement hospitalisé dans un établissement privé de la ville.

L’information a été rendue publique par Tarek Zefzafi, frère du détenu, dans une publication sur Facebook. Il y précise que la demande avait été officiellement déposée par Nasser Zefzafi vendredi dernier, et que le feu vert des autorités est intervenu rapidement, permettant une visite que la famille décrit comme « profondément émotive et moralement précieuse ».

« Ces moments apportent un soutien moral inestimable au pere malade et à ses proches », a souligné Tarek Zefzafi.

La famille Zefzafi a salué ce geste, qu’elle qualifie de « hautement humanitaire », dans un contexte marqué par de nombreuses attentes autour du traitement réservé aux détenus issus du mouvement de protestation du Rif.

Pour rappel, Nasser Zefzafi avait été condamné en 2018 à 20 ans de prison ferme par la Cour d’appel de Casablanca pour atteinte à la sécurité intérieure de l’État. Il était l’un des principaux visages du Hirak du Rif, un mouvement de contestation sociale né en 2016 à Al Hoceima, réclamant de meilleures conditions de vie, des infrastructures décentes et une justice sociale pour la région.

Bien que plusieurs militants aient vu leurs peines réduites ou aient bénéficié de grâces royales au fil des années, Zefzafi reste l’un des derniers grands leaders du Hirak toujours incarcérés.

Ce déplacement exceptionnel, approuvé par la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR), est perçu par plusieurs observateurs comme un signe d’apaisement, même ponctuel, dans une affaire toujours suivie de près par les défenseurs des droits humains et les acteurs politiques.

vendredi 9 mai 2025

Manifiesto en defensa de los derechos del pueblo saharaui/Manifeste pour la défense des droits du peuple sahraoui

El pueblo saharaui lleva casi medio siglo esperando justicia. Únete al manifiesto para exigir un cambio inmediato en la posición del Estado español y defiende el derecho irrenunciable del pueblo saharaui a decidir libremente su futuro.

Frente al silencio diplomático, la ambigüedad institucional y las decisiones tomadas de espaldas a la legalidad internacional, quienes firmamos este manifiesto alzamos la voz en defensa del derecho irrenunciable del pueblo saharaui a decidir libremente su futuro.

La reciente reafirmación del Gobierno del Estado español en su respaldo a la propuesta de autonomía del Reino de Marruecos sobre el Sáhara Occidental no solo supone una grave contradicción con el derecho internacional, sino también una ofensa directa a la memoria histórica, a los principios democráticos y a la dignidad de un pueblo que medio siglo resistiendo en el exilio y bajo ocupación.

El Sáhara Occidental es, a día de hoy, un Territorio No Autónomo pendiente de descolonización, tal y como lo reconocen las Naciones Unidas. El derecho a la autodeterminación del pueblo saharaui ha sido establecido y refrendado por múltiples resoluciones internacionales, por la Corte Internacional de Justicia, y por los Pactos Internacionales de Derechos Humanos de 1966. No hay ambigüedad posible: ese derecho no puede ser sustituido ni suplantado por propuestas impuestas desde fuera, por poderosas que sean las alianzas que las sostienen.

Respaldar la propuesta marroquí de autonomía equivale a legitimar una ocupación que se ha sostenido durante décadas con represión, exilio forzado, saqueo de recursos naturales y violación sistemática de los derechos humanos. Equivale, además, a mirar hacia otro lado mientras se intenta borrar al pueblo saharaui del mapa diplomático internacional.

Por eso, y porque creemos que el cumplimiento del derecho internacional no es negociable, hacemos un llamamiento a la ciudadanía, a las organizaciones sociales, culturales, sindicales y políticas, a todas las personas comprometidas con la legalidad, la libertad y la solidaridad internacional, a que se sumen a este manifiesto y exijan un cambio inmediato en la posición del Estado español.

Exigimos:

1. El reconocimiento firme e inequívoco del derecho del pueblo saharaui a la autodeterminación, mediante la organización de un referéndum libre y con garantías, en el marco del mandato de las Naciones Unidas.

2. La retirada del respaldo político a la propuesta de autonomía del Reino de Marruecos, que vulnera la legalidad internacional y niega la capacidad del pueblo saharaui para decidir su propio futuro.

3. Una política exterior coherente con el derecho internacional, que no seleccione arbitrariamente a qué pueblos se les reconoce su soberanía, y que deje de subordinar principios a intereses económicos, migratorios o estratégicos.

4. La defensa activa de la renovación y el fortalecimiento del mandato de la MINURSO (Misión de Naciones Unidas para el referéndum en el Sahara Occidental), incluyendo mecanismos de protección de los derechos humanos en el territorio ocupado.

5. La aplicación estricta de las sentencias del Tribunal de Justicia de la Unión Europea, que excluyen al Sáhara Occidental de los acuerdos comerciales entre la UE y Marruecos mientras no exista consentimiento del pueblo saharaui.

6. El refuerzo de las políticas públicas de cooperación y solidaridad con la población refugiada saharaui, garantizando recursos estables y reconociendo al Frente Polisario como único representante legítimo de su pueblo.

7. La construcción de una política exterior basada en la paz, la legalidad y la solidaridad, impulsando un multilateralismo democrático que defienda relaciones justas entre los pueblos y combata la impunidad.

El pueblo saharaui lleva 50 años esperando justicia. Una solución democrática para el Sáhara Occidental será una contribución decisiva a la paz internacional. Su causa es también nuestra causa. Es la causa de quienes no renuncian a la legalidad internacional, a la soberanía de los pueblos ni a la coherencia ética. La historia nos juzgará por nuestra capacidad de actuar cuando más se necesita. No es el momento de la resignación, sino del compromiso. 

Firmen el manifiesto 

Le peuple sahraoui attend la justice depuis près d'un demi-siècle. Adhérez au manifeste pour exiger un changement immédiat de la position de l'Etat espagnol et défendre le droit inaliénable du peuple sahraoui à décider librement de son avenir.

Face au silence diplomatique, à l'ambiguïté institutionnelle et aux décisions prises au mépris du droit international, les signataires de ce manifeste élèvent la voix pour défendre le droit inaliénable du peuple sahraoui à décider librement de son avenir.

La récente réaffirmation par le gouvernement espagnol de son soutien à la proposition d'autonomie du Royaume du Maroc sur le Sahara occidental est non seulement en grave contradiction avec le droit international, mais aussi une offense directe à la mémoire historique, aux principes démocratiques et à la dignité d'un peuple qui résiste en exil et sous occupation depuis un demi-siècle.

Le Sahara occidental est aujourd'hui un territoire non autonome en attente de décolonisation, comme le reconnaissent les Nations Unies. Le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui a été établi et entériné par de multiples résolutions internationales, par la Cour internationale de justice et par le Pacte international relatif aux droits humains de 1966. Il n'y a pas de place pour l'ambiguïté : ce droit ne peut être remplacé ou supplanté par des propositions imposées de l'extérieur, quelle que soit la puissance des alliances qui les soutiennent.

Soutenir la proposition marocaine d'autonomie revient à légitimer une occupation qui se prolonge depuis des décennies par la répression, l'exil forcé, le pillage des ressources naturelles et la violation systématique des droits humains. Elle équivaut également à détourner le regard tout en essayant de rayer le peuple sahraoui de la carte diplomatique internationale.

Pour cette raison, et parce que nous croyons que le respect du droit international n'est pas négociable, nous appelons les citoyens, les organisations sociales, culturelles, syndicales et politiques, toutes les personnes attachées à la légalité, à la liberté et à la solidarité internationale, à se joindre à ce manifeste et à exiger un changement immédiat de la position de l'État espagnol.

Nous exigeons

1. La reconnaissance ferme et sans équivoque du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination, à travers l'organisation d'un référendum libre avec des garanties, dans le cadre du mandat des Nations Unies.

2. Le retrait du soutien politique à la proposition d'autonomie du Royaume du Maroc, qui viole le droit international et nie la capacité du peuple sahraoui à décider de son propre avenir.

3. Une politique étrangère espagnole conforme au droit international, qui ne sélectionne pas arbitrairement les peuples dont la souveraineté est reconnue et qui cesse de subordonner les principes à des intérêts économiques, migratoires ou stratégiques.

4. La défense active du renouvellement et du renforcement du mandat de la MINURSO (Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara Occidental), y compris les mécanismes de protection des droits humains dans le territoire occupé.

5. L'application stricte des arrêts de la Cour de Justice de l'Union Européenne, qui excluent le Sahara occidental des accords commerciaux entre l'UE et le Maroc tant qu'il n'y a pas de consentement du peuple sahraoui.

6. Le renforcement des politiques publiques de coopération et de solidarité avec la population réfugiée sahraouie, en garantissant des ressources stables et en reconnaissant le Front Polisario comme le seul représentant légitime de son peuple.

7. La construction d'une politique étrangère espanole basée sur la paix, la légalité et la solidarité, en promouvant un multilatéralisme démocratique qui défend des relations équitables entre les peuples et combat l'impunité.

Le peuple sahraoui attend la justice depuis 50 ans. Une solution démocratique pour le Sahara occidental sera une contribution décisive à la paix internationale. Leur cause est aussi la nôtre. C'est la cause de ceux qui ne renoncent pas à la légalité internationale, à la souveraineté des peuples et à la cohérence éthique. L'histoire nous jugera sur notre capacité à agir quand il le faut. L'heure n'est pas à la résignation, mais à l'engagement. 

Signez le manifeste 





jeudi 8 mai 2025

L'entreprise finlandaise Wärtsilä s'engage en politique et défend ses opérations en territoire sahraoui occupé


2/5/2025
L'entreprise finlandaise Wärtsilä qualifie le Sahara Occidental de partie du Maroc et cite les positions de « certains pays » pour justifier ses opérations dans le territoire occupé.
« Wärtsilä renouvelle son partenariat avec l'ONEE [Office National de l’Electricité et de l’Eau potable] pour la maintenance de deux centrales électriques au Maroc », a annoncé la multinationale finlandaise Wärtsilä dans un communiqué de presse de juin 2024 [ou télécharger].
Mais il y a un problème : l'une des deux centrales, celle de Dakhla, ne se trouve pas du tout au Maroc. Elle se trouve au Sahara Occidental occupé.
Western Sahara Resource Watch (WSRW) et le Comité finlandais pour la paix ont questionné Wärtsilä le 11 décembre 2024 à ce sujet. Au lieu de répondre aux questions des organisations concernant la légalité des opérations en territoire occupé, l'entreprise a répondu par des arguments hautement politiques – et inhabituels.
Plutôt que de répondre aux questions fondées sur les décisions de la plus haute juridiction de l'UE, l'entreprise répond que son équipe « a examiné les récentes déclarations de certains pays et conclu que des progrès sont réalisés concernant la situation géopolitique ». Elle affirme également, curieusement, que « Dakhla se trouve sur un territoire entièrement contrôlé et administré par les autorités marocaines, loin de toute zone de conflit potentiel ». L'entreprise ne précise pas ce qu'elle entend par « contrôlé et administré », ni n'explique la pertinence des développements géopolitiques, d'autant plus que le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination reste inchangé.
La centrale thermique de Dakhla

La Cour internationale de justice et la Cour européenne de justice ont toutes deux conclu que le Maroc n'a aucune souveraineté ni aucun mandat administratif sur le territoire. Le Sahara Occidental est le seul territoire non autonome à ne pas avoir de puissance administrante désignée. Le cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario, représentant du peuple du Sahara Occidental à l'ONU, a été rompu par les manœuvres du Maroc fin 2020. Le Sahara Occidental est considéré comme l'un des territoires/pays les plus privés de liberté au monde, en termes de libertés civiles et de droits politiques.
« Nous sommes stupéfaits par la réponse de Wärtsilä », ont écrit les deux associations à Wärtsilä le 22 avril 2025.
« Il semble que votre entreprise ignore l'existence du droit international, l'existence du peuple du Sahara Occidental et les décisions des tribunaux internationaux en la matière. Votre réponse semble reposer uniquement sur les opinions politiques de votre entreprise, selon lesquelles l'agresseur au Sahara Occidental exerce désormais une certaine légitimité pour y opérer, et qu'il est donc sûr ou sans problème d'y exercer des activités », peut-on lire dans la lettre.
Ce n'est pas la première fois que Wärtsilä opère dans ce territoire illégalement occupé. L'entreprise a déjà réalisé des missions pour le gouvernement marocain. En 2010 et 2017, Wärtsilä a signé des accords avec les autorités marocaines pour l'implantation de centrales diesel au Sahara Occidental. En 2010, WSRW et le Comité finlandais pour la paix ont contacté l'entreprise, qui a répondu qu'elle ne voyait aucun inconvénient à son implication.

NDLR SOLIDMAR
Wärtsilä est une entreprise multinationale finlandaise qui se dit “leader mondial dans le domaine des technologies innovantes et des solutions de cycle de vie pour les marchés de la marine et de l'énergie”. Elle compte environ 18 000 employés et a réalisé en 2024 un chiffre d'affaires de 6,5 milliards d'euros

mercredi 7 mai 2025

HAYTHAM MANNA
Manifeste contre le fascisme djihadiste

Haytham Manna, 3/4/2025
Original : بيان ضد الفاشية الجهادية

Traduit par Tlaxcala

Voici le premier chapitre d’un livre à paraître prochainement
Le « Commandement des opérations militaires » dirigé par Hayat Tahrir al-Cham est entré à Damas le 8 décembre 2024 à l’issue de la bataille militaire la moins importante de son histoire en termes de pertes matérielles et humaines. Il était clair que la perte par le Hamas et le Hezbollah de leur bataille à Gaza et au Liban et le succès de Trump à l’élection présidentielle aux USA avaient créé une nouvelle situation régionale et internationale dans laquelle Assad fils n'avait plus sa place. Erdogan et Fidan ont décidé de mettre fin à l'idée d'un État syrien souverain en installant la faction la plus extrémiste, la plus fanatique et la plus étrangère de la société syrienne au pouvoir sur tous les Syriens. Les hommes masqués sont entrés dans la capitale syrienne pour “libérer” le pays de la tyrannie et de la corruption d'une famille qui avait transformé la Syrie en une ferme d'esclaves. Le jour de la “célébration” du mariage de la victoire, la plupart des Syriens ne se sont pas arrêtés à la vue de la mariée, la Syrie, en train d'être violée en plein jour.

Hassan Bleibel

- Le 8 décembre 2024, des forces d'élite composées principalement de Hayat Tahrir al-Cham ont pris le contrôle de points clés à Damas : la Maison de la radio et de la télévision, la Banque centrale, les principaux ronds-points de la ville, le palais présidentiel et les principaux postes de police. Ils ont mis en place des points de contrôle. La majorité de ces hommes étaient masqués et portaient des tenues avec le logo de Hay'at Tahrir al-Cham.
- Une campagne de liquidation et de saignée des institutions étatiques non sunnites a rapidement commencé, et le terme « al-Fouloul » (résidus, vestiges de l'ancien régime) est devenu le mot clé pour désigner les ennemis de la nouvelle autorité dans le cadre de la conception du conflit en Syrie de ce groupe, à savoir une lutte contre “un régime alaouite que les juristes ont unanimement qualifié d’apostat”. La première décision a été d'appliquer à la lettre la fatwa d'Ibn Taymiyyah : « Il n'est permis à personne de les aider à rester dans les rangs des soldats et des serviteurs, et il n'est permis à personne de se taire sur l'accomplissement de ce que Dieu et Son messager ont ordonné. »
- Le transfert du pouvoir s'est fait très rapidement : le gouvernement du HTC à Idlib a été transféré dans son intégralité à Damas afin de restructurer les institutions de l'État dans tout le pays selon le “modèle réussi d'Idlib” (Hakan Fidan). Dans la plus petite province de Syrie, 11 prisons avaient été construites pour contrôler la sécurité ! Avec l'organisation et l'installation d’ “immigrés djihadistes” dans les maisons de la moitié des habitants de la province, qui sont devenus des réfugiés et des personnes déplacées, Hay'at Tahrir al-Cham a réussi à contrôler la situation sécuritaire.
- Le Commandement des opérations militaires a sécurisé les conditions de vie de ses miliciens dans les maisons confisquées des officiers et sous-officiers, et le commandement a publié une décision selon laquelle les membres de l'armée et de la police du régime déchu devraient rester dans leurs maisons et être ensuite convoqués individuellement pour décider de leur sort. Nous avons reçu une liste non exhaustive des noms de 13 000 soldats et officiers détenus dans des conditions inhumaines dans huit prisons* .
- Dès les premiers jours, les attaques contre les Alaouites en tant que tels ont commencé de manière aléatoire et irrégulière, mais de manière systématique en raison de la nécessité d'exclure toute personne appartenant à cette secte des institutions publiques d'éducation, de santé, de subsistance, militaires et de sécurité, conformément à la fatwa d'Ibn Taymiyyah. Les nouvelles forces de sécurité ont encouragé ce qu'elles appellent le “droit privé”, ce qui signifie qu'un citoyen sunnite qui a été lésé ou qui a perdu un martyr dans sa famille peut faire valoir ses droits auprès du voisin alaouite le plus proche de son domicile ou de son quartier. Aux points de contrôle des nouvelles autorités, il n’est pas devenu rare de s’entendre demander : « Tu es alaouite ou sunnite ? » Il y a eu des provocations à l'encontre des chrétiens dans leurs quartiers, qui ont été limitées après les réactions européennes.
- Les dossiers des travailleurs du secteur public ont été collectés. La décision de licencier plus de 28 % des fonctionnaires a été prise, chiffre confirmé par les ministères concernés.
- Les employés des services de sécurité, de la police et de l'armée syrienne ont été convoqués, arrêtés et poursuivis, avec ou sans arrangement. Au cours du premier mois, les salaires des employés du secteur public dans divers secteurs n'ont pas été versés.
- Al-Charaa a publié un décret accordant les grades les plus élevés de la «Nouvelle armée» (composée en partie de djihadistes étrangers, principalement originaires d'Asie centrale : Ouïghours, Ouzbeks, Turkestans et autres) à 49 Syriens et non-Syriens, qui sont devenus généraux, brigadiers et colonels avec une note et un papier signés par lui. Une semaine plus tard, la construction des nouvelles unités de l'armée, dirigée par des djihadistes jordano-turco-égyptiens, était achevée. Des milliers d'officiers dissidents, malgré leur appartenance à la secte sunnite, n'ont pas été rappelés, et l'opinion à ce sujet avait été clairement exprimée il y a longtemps par Anas Khattab, qui a été nommé directeur des renseignements généraux, puis ministre de l'intérieur : « Il n'est pas permis de rejoindre les groupes et les armées qui appartiennent à la doctrine du patriotisme, car il s'agit de groupes hérétiques, et leur combat n'est pas mené pour Dieu, mais pour la patrie, et quiconque est tué pour la patrie ne peut être appelé martyr, car le martyre est un statut purement religieux, et non une médaille d'honneur humaine que les gens soumettent à leurs philosophies et idées erronées» (Anas Khattab, Décision sur l'affiliation à des groupes et armées patriotiques).
- Il est apparu clairement que la nouvelle équipe voulait monopoliser le contrôle des services de renseignement, de sécurité intérieure et de l'armée avant d'aborder toute autre question. Par conséquent, l'affiliation sunnite, l'éducation religieuse et la volonté de défendre le “véritable islam” sont devenues des conditions d'emploi dans les services de police et de sécurité.
- Depuis la mise en place du premier gouvernement de facto à Idlib, l'objectif du HTC a été de contrôler totalement les syndicats, les actions collectives et les différentes formes de la société civile. Les sept gouvernements d'Idlib ont confisqué les projets les plus importants nés d'initiatives civiles et populaires et les ont placés sous leur contrôle. Jusqu'à présent, il semble clair que le processus de transfert de ce modèle dystopique à Damas est en bonne voie.
- Le 29 janvier 2025 est organisée la “Conférence de la Victoire” qui, partant du principe que ceux qui “libèrent” décident, dissout l'armée, les institutions de sécurité et de police, ainsi que les organes de négociation, les partis et les groupements syndicaux... Dans sa première et dernière session, la Conférence militaire de la Victoire se voit attribuer les pouvoirs de  ahl al hal wa al aqed أهل الحل والعقد , “les gens de la solution et du contrat” et désigne Ahmad al-Charaa comme président de la République, avec le pouvoir de former un conseil constitutionnel, d'approuver les principes constitutionnels et de former un gouvernement de transition.
- Le 6 mars, un petit groupe d'anciens militaires prend en otage le personnel de sécurité. Ahmed al-Charaa déclare la mobilisation générale contre les rebelles, des appels au djihad sont lancés dans de nombreuses mosquées et tous les instincts sectaires latents sont mobilisés. Une quinzaine de factions armées, essentiellement composées de djihadistes étrangers, prennent d'assaut la zone côtière syrienne (Sahel) en scandant le slogan “Mort aux Alaouites”.
- Au cours des quatre jours suivants, 25 massacres ont été documentés, 811 vidéos ont été vérifiées et 2 246 victimes ont été identifiées. Nous disposons également d'une liste de 2 100 civils alaouites disparus. 42 victimes d'autres appartenances religieuses ont également été recensées, tuées pour leur solidarité avec les civils ou pour avoir tenté de les cacher. Par ailleurs, près de 30 000 personnes sont toujours déplacées ou réfugiées dans le nord du Liban.
- Le Sahel est au bord d'une catastrophe humanitaire sans précédent, avec 97 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté, plus de 10 000 cas documentés d'arrestations illégales et de disparitions forcées, et une vague de licenciements massifs d'environ 2 000 fonctionnaires dans les secteurs de la santé et de l'éducation.
- Le 12 mars 2025, la présidence syrienne a annoncé, par un décret présidentiel émis par Ahmad al-Charaa* , la formation d'un Conseil de sécurité nationale composé exclusivement de responsables de Hay'at Tahrir al-Cham. Ce conseil, composé d'un groupe de personnes dont les mains sont tachées de sang syrien, a pour mission de coordonner et de gérer la politique du pays 
- Nous approchons de la fin du quatrième mois depuis l'entrée de HTC à Damas, et aucune décision politique n'a été prise concernant la situation économique catastrophique dans laquelle vivent tous les habitants des zones contrôlées par HTC.
- Un gouvernement de transition fantoche a été nommé par le président le 30 mars 2025, pour une durée indéterminée. Dans ce gouvernement, en guise de remerciement, al-Joulani envisage de confier à un collaborateur d'Al Jazeera le poste de ministre de la Culture et à un stagiaire de l’ Institut de Doha dirigé par Azmi Bishara celui de ministre de l'Information.
- Le Grand Mufti de la République et le Conseil de la Fatwa ont été nommés par une majorité connue pour sa “pureté” idéologique djihadiste et pour considérer comme un devoir religieux de nettoyer le pays des sectes égarées, des laïques, des démocrates et des patriotes. Selon le cheikh Nabulsi, l'une de ses tâches consiste à contrôler les lois et la législation et leur compatibilité avec la charia.
Une bonne partie de la classe politique usée et fatiguée parle encore des nouveaux habits du nouveau prince, de la découverte de son potentiel génial qui était resté enfoui pendant 14 ans, et de sa jeune équipe qui restaurera le Levant à sa gloire omeyyade, alors que la nouvelle autorité érige tous les piliers de la construction d'une autorité totalitaire sectaire qui vit en alimentant les discours de haine entre les différents segments de la société et en faisant preuve de racisme et de discrimination religieuse dans toutes ses nouvelles structures.
Pour la vérité et l'histoire, les nouveaux décideurs n'ont pas voilé leurs opinions et leurs positions, mais se sont montrés plus ouverts et plus clairs dans leur vision de la construction de l'État. Lorsque nous avons évoqué la nécessité de créer une nouvelle armée nationale syrienne il y a quelques années, la première personne à nous répondre a été le “général” Anas Khattab, commandant des renseignements généraux et actuel ministre de l'intérieur, qui a répondu de manière effrontée dans sa dissertation intitulée « Décision sur l'affiliation à des groupes et armées patriotiques » :
« L'islam fonde la loyauté et la déloyauté sur la religion, le combat au nom de la religion et la promotion de sa parole.
Les fils d'une même patrie sont loyaux les uns envers les autres, quelle que soit leur religion, car le musulman est le frère du chrétien, le frère du juif, le frère de l'athée, le frère de l'apostat, il n'y a pas de différence entre eux, et aucun n'est favorisé par rapport à l'autre, car ils sont tous les fils d'une même patrie.
L'Islam dit clairement et explicitement que {les croyants sont frères}, {les croyants et les croyantes sont frères les uns des autres}, et {le musulman est le frère du musulman}.
Le patriotisme rend les membres d'une même nation égaux en droits et en devoirs - indépendamment de leurs différentes religions, de sorte qu'un chrétien, un juif, un athée et un apostat ont les mêmes droits qu'un musulman !
Par exemple, dans le patriotisme, c'est un droit général pour tous les citoyens - quelle que soit leur religion - même s'ils sont athées ou apostats, alors que dans l'islam, ce n'est permis qu'aux musulmans, et ce n'est permis qu'à ceux qui ne sont que musulmans ».
Et d'ajouter : « Le patriotisme est une doctrine philosophique qui contredit la religion de l'islam, il n'est donc pas permis d'y croire et de s'y affilier, que ce soit en vérité ou pour tromper l'ennemi, bien que le jugement ne soit pas le même dans les deux cas, car le premier est régi par la mécréance, et le second par l'interdiction. »
Khattab déclare clairement qu'il ne construira pas d'institution militaire nationale syrienne, car cela signifierait l'égalité entre musulmans et non-musulmans, prédéterminant ainsi la couleur, la secte et la croyance de la nouvelle armée.
Hier, les habitants de la ville frontalière de Nawa ont fait face, torse nu, à l'agression israélienne, qui n'a pas cessé depuis le 8 décembre 2024. 9 martyrs sont tombés dans cette confrontation avec l'ennemi israélien...
Nous ne savons pas si Abou Qasra, Khattab, Al-Charaa et Atoun feront l'éloge des martyrs du Hauran en les désignant comme tels, ne sont-ils pas ceux qui ont dit et répété pendant 14 ans : « Quiconque est tué pour la patrie ne peut être appelé martyr, car le martyre est un statut purement religieux, et non une médaille d'honneur humaine que les gens soumettent à leurs philosophies et idées erronées »...
Jour après jour, il devient clair pour les Syriens et les Syriennes que le modèle HTC qui prévaut aujourd'hui ne fonctionne pas, et que l'idée infernale avec laquelle les Syriens sont intimidés et attirés : “Nous ou le déluge” se transformera en malédiction pour ses propriétaires...
Les sociétés humaines connaissent le phénomène du suicide individuel, mais elles n'ont jamais accepté, même sous la domination des pires formes de tyrannie, de se suicider collectivement au profit de leurs oppresseurs.
Notes
*Le nettoyage sectaire comme politique de gouvernance, rapport de la Commission de suivi des droits humains et de la situation humanitaire (Syrie), 22.04.2025