Reportage
L’éclatement
d’un mouvement de contestation dans cette ville minière de l’est
illustre la montée en puissance des revendications sociales dans le
royaume.
Ils sont là presque chaque jour depuis un mois. Des femmes, des enfants, des jeunes et des pères de famille. Organisés par quartier, ils brandissent en tête de cortège le portrait du roi Mohammed VI, puis très vite, les pancartes de leurs revendications : du pain, du travail, de l’eau et de l’électricité. « Je participe chaque fois que je peux, les gens souffrent ici », explique une jeune femme, voile noir et yeux rehaussés de khôl, tandis que les slogans retentissent devant les portes de la municipalité. Houcine et Yahyia, deux quadragénaires, en jean et baskets, sont aussi venus : « Les habitants n’ont plus confiance, ils ne s’arrêteront pas tant qu’ils n’auront pas vu de solutions concrètes. »
Jerada, localité de 43 000 habitants située à l’est du Maroc, est en ébullition. Le 21 décembre, des manifestations contre la cherté des factures d’eau et d’électricité y avaient éclaté avant d’être rattrapées par un drame : deux frères, âgés de 23 et 30 ans, sont morts noyés dans une mine clandestine de charbon. Dans cette région de « gueules noires », frontalière de l’Algérie, ce n’est pas la première fois qu’une telle tragédie se produit mais elle a été celle de trop. « 20 ans de souffrance, de chômage et de promesses non tenues », résume un syndicaliste de la ville.
Bataillons de jeunes sans emploi Jerada a pourtant connu son heure de gloire. A la fin des années 1920, la découverte de charbon dans son sous-sol, l’un des meilleurs anthracites du monde dit-on ici, en avait fait un pôle attractif. Des tribus de toute la région, mais aussi d’autres parties du Maroc, y ont afflué, attirées par les milliers d’emplois créés. Mohammed El Arjouni, fils d’un mineur mort de la silicose à l’âge de 54 ans, connaît bien cette histoire. Sur la place centrale où quelques enfants jouent au ballon, il revoit l’alignement des corons, et cette pièce unique avec une petite cuisine qu’occupait sa famille.
« Mais...
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