Source : LesInfos.ma
19/01/2018 15:45
Depuis quelques jours, l’histoire d’une employée domestique – Latefa - torturée pendant plus d’une année par ses patrons, défraye la chronique. Les associations, les médias et l’opinion publique sont en ébullition et ce fait-divers, loin d’être le premier du genre, met sur le devant de la scène la question de la traite humaine et la difficulté de l’application de la loi 19-12 qui était censée venir combler le vide juridique qui touchait le travail domestique.
La polémique enfle depuis l’hospitalisation de Latefa, employée de
maison torturée par ses employeurs, et les acteurs associatifs se sont
constitués partie civile afin de faire valoir les droits de cette jeune
fille, actuellement en soins intensifs, tout en appelant le gouvernement
« à prendre les mesures nécessaires pour protéger ces jeunes filles
contre l'exploitation dans le travail domestique et contre les abus dont
elles sont victimes ».
Ce fait-divers, loin d’être un cas isolé, interroge à de nombreux
égards notamment sur la loi 19-12 – annoncée comme une révolution au
moment de son adoption en 2017 – et dont les fondements restent très
compliqués à appliquer en l’absence de suivi.
Que dit la loi ?
La loi 19-12, une première d’ailleurs dans le monde arabe qui connaît
un vide juridique en la matière, a été promulguée afin de donner un
cadre légal au travail domestique.
Les principales avancées étant la signature d’un contrat de travail
(CDD ou CDI, au choix) par les deux partis, un salaire minimum de 1.542
dirhams mensuels (soit 60% du SMIG marocain), repos hebdomadaire
obligatoire ainsi que pendant les fêtes, congés payés de 18 jours
annuels et horaires de travail plafonnés à 48 heures par semaine, visite
médicale obligatoire tous les 6 mois pour les mineurs (dont l’âge a été
fixé entre 16 et 18 ans), impossibilité de travail pour ces mêmes
mineurs sans autorisation de leurs parents ou tuteurs, indemnités de
licenciement (…).
Toutefois, ce tableau – d’apparence idyllique - brossé par les
législateurs est terni par une réalité toute autre. Le ministère du
travail, en coordination avec le ministère de l’État chargé des droits
de l’Homme, celui de la justice ainsi que celui de la famille, de la
solidarité, de l’égalité et du développement social avait promis
d’œuvrer pour assurer l’application – bien que difficile – de la loi
précitée et force est de constater que la tâche s’avère beaucoup plus
compliquée qu’il n’y paraissait.
La réalité rattrape les législateurs
En effet, en l’absence d’un contrôle rigoureux et au vu de
l’impossibilité de « violer » l’intimité des foyers pour vérifier si les
lois sont respectées par les employeurs, nombre de Marocains font
l’impasse sur leurs obligations et continuent à exploiter leurs employés
domestiques. Aussi, selon un récent rapport du Haut-Commissariat au
plan (HCP), le Maroc dénombre 193.000 enfants âgés de 7 à 17 ans qui
exercent un métier dangereux et entre 60.000 et 80.000 de Marocaines de
moins de 15 ans qui sont en situation d’exploitation dans des foyers à
travers le pays. D’ailleurs, concernant la problématique du travail des
mineurs - une polémique qui a secoué le Maroc quand le gouvernement a
refusé de revoir à la hausse l’âge minimal du travail – le fléau reste
le même en l’absence entre autres de campagnes de sensibilisation auprès
du grand public et de programmes adéquats pour la réintégration de ces
enfants dans le système scolaire.
Au final, bien que le Maroc érige des lois pour encadrer tant bien que
mal le travail domestique, il est vite rattrapé par sa réalité à travers
ses faits-divers qui prouvent que sans un suivi strict, ses textes ne
peuvent protéger les victimes de l’inconscience ambiante, dont Latefa,
qui est la martyre de trop des défaillances de nos lois.
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