"J'ai l'esprit tranquille. Si je
ne l'avais pas fait...":
pour ce délit de solidarité, Benoît Ducos
risque
jusqu'à 5 ans de prison.
Massimo Pinca / Reuters
JUSTICE - Ce mercredi 14 mars, Benoît
Ducos, pisteur-secouriste dans le Briançonnais (Hautes-Alpes), à la
lisière de la frontière franco-italienne, est convoqué par la police aux
frontières (PAF). Il doit s'expliquer sur les circonstances qui lui ont
valu d'être interpellé dans la nuit de samedi au dimanche 11 mars. Son
délit: avoir embarqué dans son véhicule une famille de quatre personnes
sans papiers, dont deux enfants de 2 et 4 ans ainsi qu'une femme
enceinte de huit mois et demi prise de contractions, pour les emmener à
l'hôpital de Briançon.
Le fait divers n'aurait pas franchi les limites de la sous-préfecture s'il n'avait pas été dénoncé par un membre de l'association Refuges solidaires
qui vient en aide aux migrants qui tentent, souvent dans la neige et au
péril de leur vie, de franchir à pied la frontière alpine depuis
l'Italie.
"Le premier bébé des maraudes"
Le témoignage de Benoît Ducos recueilli par Joël Pruvot livre un regard glaçant sur le "délit de solidarité" qui s'est déroulé ce week-end. Samedi soir, la maraude de deux bénévoles de l'association leur fait croiser le chemin d'une famille de réfugiés au col de Montgenèvre.
"La mère est enceinte. Elle est accompagnée de son mari et de ses
deux enfants (2 et 4 ans). Ils viennent tout juste de traverser la
frontière, les valises dans une main, les enfants dans l'autre, à
travers la tempête. La mère est complètement sous le choc, épuisée, elle
ne peut plus mettre un pied devant l'autre", raconte Benoît Ducos qui
va prendre la décision d'emmener la famille à l'hôpital. Dans la
voiture, il raconte les contractions, la panique qui s'installe.
À quatre kilomètres de Briançon, aux alentours de 22h selon le
témoignage du secouriste, la voiture doit s'arrêter à un barrage
douanier. Immobilisés, les passagers vont réclamer le droit de conduire
la mère à l'hôpital, mais se heurtent au refus des agents. Joint par Le HuffPost,
Benoît Ducos se remémore "les interminables questions d'usage", les
"tergiversations des douaniers" soucieux d'appliquer la procédure tandis
que "la mère se tord de douleurs à l'arrière de son véhicule".
Toujours selon le bénévole, les pompiers n'arriveront qu'à 23h sur les lieux. La mère accouchera finalement d'un petit garçon à l'hôpital, par césarienne.
"Le premier bébé des maraudes", écrit Benoît Ducos, qui finira au poste. Quant au père et aux deux enfants, le secouriste assure que c'est à la demande de l'hôpital qu'ils ne seront pas reconduits en Italie, mais ramenés auprès de la mère.
"On a frôlé la catastrophe"
Relayée et dénoncée par l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot, cette version des faits comme sa chronologie sont contestées par la préfecture des Hautes-Alpes. "L'action de l'État a été irréprochable et ses agents ne sauraient être mis en cause alors qu'ils ont agi avec humanité, et dans le respect des Lois de la République", a-t-elle répondu via un communiqué diffusé sur Twitter.
À en croire les représentants de l'État, il se serait déroulé moins de trente minutes entre l'arrêt du véhicule par les six personnels de la brigade de surveillance intérieure et l'arrivée de la mère à l'hôpital de Briançon, bien avant 23h. "Moi, à 23h04, j'étais encore arrêté sur le parking avec la mère à l'arrière. Mon téléphone en témoigne: j'ai adressé un message à mon fils", jure Benoît Ducos.
Au-delà des divergences sur le déroulé de la soirée, le secouriste ne revient toujours pas "de ces douaniers qui restent impassibles face à la souffrance de cette femme." S'il ne les met pas en cause personnellement, Benoît Ducos accuse en revanche un système légal en décalage criant avec la gravité de la crise humanitaire qui se déroule sur le territoire français. "La migration, ce n'est pas une croisière en quête d'exotisme. Les douaniers appliquent des consignes sans réfléchir, ce qui fait qu'on aboutit à ce sommet d'absurdité".
5 ans de prison et 30.000 euros d'amende
Les exemples de ce type ne sont pas légion. Ils ne sont toutefois pas exceptionnels à la frontière franco-italienne qui court des Hautes-Alpes aux Alpes-Maritimes. Les associations qui viennent en aide aux migrants dénoncent des "poursuites de migrants en moto-neige", des "reconduites à la frontière de femmes enceintes en pleine nuit", en plus des risques parfois mortels encourus par les réfugiés qui cherchent à accéder au territoire français.
En février, Amnesty International estimait à 27.000 le nombre de réfugiés et migrants renvoyés en Italie entre janvier et juillet, "y compris des mineurs non accompagnés", sans respecter leur droit de demander l'asile en France.
Une situation dénoncée par les associations Tous Migrants (qui a lancé une pétition de soutien) et La Cimade qui ont interpellé Emmanuel Macron et le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb sur "la mise en danger de la vie d'un nouveau né et de sa mère par l'acharnement des contrôles de police". Dans un communiqué le parti Europe-Écologie Les Verts voit dans cette affaire "l'insupportable grand écart devenu la marque de fabrique du président de la République, entre beaux discours humanistes et répression inhumaine".
Une proposition de loi communiste et écologiste propose par ailleurs de supprimer le "délit de solidarité" en modifiant la législation pour ne réprimer que l'aide au passage à but lucratif. Le texte devrait être examiné en mai.
En attendant, Benoît Ducos s'expose théoriquement à la peine dévolue aux passeurs, à savoir un maximum de 30.000 euros d'amende et de 5 ans d'emprisonnement. "Moi, j'ai l'esprit tranquille. Si je ne l'avais pas fait...", confie-t-il. Un rassemblement de soutien est prévu ce mercredi à 9h devant les locaux de la police aux frontières de Montgenèvre.
https://www.huffingtonpost.fr/.../migrants-un-secouriste-poursuivi-pour-avoir-secouru...
Le témoignage de Benoît Ducos recueilli par Joël Pruvot livre un regard glaçant sur le "délit de solidarité" qui s'est déroulé ce week-end. Samedi soir, la maraude de deux bénévoles de l'association leur fait croiser le chemin d'une famille de réfugiés au col de Montgenèvre.
Toujours selon le bénévole, les pompiers n'arriveront qu'à 23h sur les lieux. La mère accouchera finalement d'un petit garçon à l'hôpital, par césarienne.
"Le premier bébé des maraudes", écrit Benoît Ducos, qui finira au poste. Quant au père et aux deux enfants, le secouriste assure que c'est à la demande de l'hôpital qu'ils ne seront pas reconduits en Italie, mais ramenés auprès de la mère.
"On a frôlé la catastrophe"
Relayée et dénoncée par l'ancienne ministre écologiste Cécile Duflot, cette version des faits comme sa chronologie sont contestées par la préfecture des Hautes-Alpes. "L'action de l'État a été irréprochable et ses agents ne sauraient être mis en cause alors qu'ils ont agi avec humanité, et dans le respect des Lois de la République", a-t-elle répondu via un communiqué diffusé sur Twitter.
À en croire les représentants de l'État, il se serait déroulé moins de trente minutes entre l'arrêt du véhicule par les six personnels de la brigade de surveillance intérieure et l'arrivée de la mère à l'hôpital de Briançon, bien avant 23h. "Moi, à 23h04, j'étais encore arrêté sur le parking avec la mère à l'arrière. Mon téléphone en témoigne: j'ai adressé un message à mon fils", jure Benoît Ducos.
Au-delà des divergences sur le déroulé de la soirée, le secouriste ne revient toujours pas "de ces douaniers qui restent impassibles face à la souffrance de cette femme." S'il ne les met pas en cause personnellement, Benoît Ducos accuse en revanche un système légal en décalage criant avec la gravité de la crise humanitaire qui se déroule sur le territoire français. "La migration, ce n'est pas une croisière en quête d'exotisme. Les douaniers appliquent des consignes sans réfléchir, ce qui fait qu'on aboutit à ce sommet d'absurdité".
5 ans de prison et 30.000 euros d'amende
Les exemples de ce type ne sont pas légion. Ils ne sont toutefois pas exceptionnels à la frontière franco-italienne qui court des Hautes-Alpes aux Alpes-Maritimes. Les associations qui viennent en aide aux migrants dénoncent des "poursuites de migrants en moto-neige", des "reconduites à la frontière de femmes enceintes en pleine nuit", en plus des risques parfois mortels encourus par les réfugiés qui cherchent à accéder au territoire français.
En février, Amnesty International estimait à 27.000 le nombre de réfugiés et migrants renvoyés en Italie entre janvier et juillet, "y compris des mineurs non accompagnés", sans respecter leur droit de demander l'asile en France.
Une situation dénoncée par les associations Tous Migrants (qui a lancé une pétition de soutien) et La Cimade qui ont interpellé Emmanuel Macron et le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb sur "la mise en danger de la vie d'un nouveau né et de sa mère par l'acharnement des contrôles de police". Dans un communiqué le parti Europe-Écologie Les Verts voit dans cette affaire "l'insupportable grand écart devenu la marque de fabrique du président de la République, entre beaux discours humanistes et répression inhumaine".
Une proposition de loi communiste et écologiste propose par ailleurs de supprimer le "délit de solidarité" en modifiant la législation pour ne réprimer que l'aide au passage à but lucratif. Le texte devrait être examiné en mai.
En attendant, Benoît Ducos s'expose théoriquement à la peine dévolue aux passeurs, à savoir un maximum de 30.000 euros d'amende et de 5 ans d'emprisonnement. "Moi, j'ai l'esprit tranquille. Si je ne l'avais pas fait...", confie-t-il. Un rassemblement de soutien est prévu ce mercredi à 9h devant les locaux de la police aux frontières de Montgenèvre.
https://www.huffingtonpost.fr/.../migrants-un-secouriste-poursuivi-pour-avoir-secouru...
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