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Tribune. Viol collectif dans un bus: le "J'accuse" de Mohammed Ennaji
Tribune. Révolté, l'écrivain et philosophe Mohammed
Ennaji* "accuse" tous ceux qui, de près ou de loin, sont derrière le
viol collectif abject dont a été victime une jeune fille dans un bus à
Casablanca.
«J’accuse
Oui, ce mot porte la signature d’un grand, oui ce mot ne m’appartient
pas, mais il est le seul qui convient ici, il est le seul qui exprime
ma révolte devant les images horribles d’un viol collectif, social
oserai-je dire, et l’adjectif n’est pas à la mesure du crime en
question. Voilà qu’à présent on viole nos filles en public, devant la
caméra, sans crainte de personne, sans crainte de jugement, je ne parle
pas de pudeur parce qu’elle n’appartient pas au dictionnaire de ces
assassins.
Violer dans le bus une fille. Fêter ce viol comme une action héroïque,
voilà où nous en sommes. Nous fabriquons aujourd’hui des assassins et
des criminels en série. Nous ne formons plus des jeunes pour défier
l’avenir, non nous fabriquons des assassins, des terroristes, des
criminels.
J’accuse tous ceux qui sont derrière ces faits, directement ou
indirectement. J’accuse le pouvoir qui a quasiment fermé l’école pour
ouvrir des commissariats et des prisons, des bordels et des aires en
plein air pour drogués. J’accuse les islamistes qui doivent aujourd’hui
prendre leurs responsabilités devant l’image qu’ils donnent de la femme,
devant la caricature qu'ils en colportent, j’accuse tous ces portails
qui louent les houris, tous ces portails qui dénoncent les bikinis, tous
ces portails qui fêtent la polygamie. Ils sont directement responsables
et doivent être autoritairement fermés. Le démon c’est vous qui
incriminez les femmes, le diable ce n’est pas la femme c’est vous qui
invectivez et distribuez la haine à grande échelle.
Que chacun prenne ses responsabilités, que la police fasse son travail
au lieu de réprimer des manifestants pacifiques. Demain si nous nous
taisons, nos filles seront violées devant nous parce que nous nous
serons tus. Demain est un horizon noir pour ce pays qui devient une
fabrique de la haine à grande échelle. Le pouvoir porte la part la plus
grande de responsabilité lui qui se réfugie dans le silence et la
compromission, lui qui n’écoute pas la douleur d’une société qui va à la
dérive.
Je l’accuse à voix haute, je l’accuse au nom de mon pays!»
Mohammed Ennaji* est sociologue, historien et écrivain.
Professeur à l'université Mohammed V de Rabat, il est notamment l'auteur
du "Fils du prophète" et du "Le sujet et le mamelouk".
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