En activité depuis le début des années 1930, la mine de
charbon de Jerada a fait très tôt de cette ville une cité ouvrière. Celle-ci
s’est construite autour de l’extraction de charbon, faisant engager rapidement
ses premiers travailleurs dans l’activité syndicale. Retour sur une action dont
les fers de lance ont propulsé la création de l’Union marocaine du travail
(UMT).
Ouvriers dans la mine de Jerada / Ph. DR.
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Mais
depuis la fin des années 1990 et dans un contexte où les cours mondiaux du
minerai ont considérablement chuté, la prospérité économique de la mine s'est
érodée. Le seul site industriel de la ville a été officiellement fermé, dans le
cadre d’un plan social. Ce dernier est demeuré contesté jusqu’à nos jours ; les
acteurs l’ayant fustigé rappellent comment il a plongé des milliers de familles
dans la précarité.
En
d’autres termes, l’activité minière a officiellement été mise à l’arrêt il y a
une vingtaine d’années. Cependant, les ouvriers sont restés prisonniers
d’un travail informel, car la mine a continué à fonctionner clandestinement,
n’obéissant à aucune norme et ne laissant aucun choix à ceux qui ont résisté à
l’exode.
Lire la suite : https://www.yabiladi.com/articles/details/60520/mine-charbon-quand-ouvriers-jerada.html
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Histoire
Publié
Mine de charbon : Quand les ouvriers de Jerada créaient la première plate-forme syndicale au Maroc
En
activité depuis le début des années 1930, la mine de charbon de Jerada a
fait très tôt de cette ville une cité ouvrière. Celle-ci s’est
construite autour de l’extraction de charbon, faisant engager rapidement
ses premiers travailleurs dans l’activité syndicale. Retour sur une
action dont les fers de lance ont propulsé la création de l’Union
marocaine du travail (UMT).
Temps de lecture: 5'
Ouvriers dans la mine de Jerada / Ph. DR.
Située
dans le nord-est du Maroc, la cité minière de Jerada est historiquement
connue par son activité économique depuis au moins 1929. Autour de la
mine de charbon, elle a créé un tissu social qui s’est densifié pendant
plus d’un demi-siècle, et dont la vie est directement tributaire du site
minier. Le charbon est extrait à volonté, fortement exploité et exporté
partout ailleurs.
Mais
depuis la fin des années 1990 et dans un contexte où les cours mondiaux
du minerai ont considérablement chuté, la prospérité économique de la
mine s'est érodée. Le seul site industriel de la ville a été
officiellement fermé, dans le cadre d’un plan social. Ce dernier est
demeuré contesté jusqu’à nos jours ; les acteurs l’ayant fustigé
rappellent comment il a plongé des milliers de familles dans la
précarité.
En d’autres termes, l’activité minière a officiellement été mise à l’arrêt il y a une vingtaine d’années. Cependant,
les ouvriers sont restés prisonniers d’un travail informel, car la mine
a continué à fonctionner clandestinement, n’obéissant à aucune norme et
ne laissant aucun choix à ceux qui ont résisté à l’exode.
A une soixantaine de kilomètres au sud d'Oujda, la ville de Jerada s'est construite autour de la mine de charbon. / Ph. DR.
C’est
ainsi que la ville de Jerada a enterré lundi deux jeunes frères parmi
ces travailleurs-là, morts au fond de la mine trois jours avant. La
tension sociale était pesante depuis une dizaine d’années et cet
accident l’a ravivée, donnant lieu à une série de manifestations.
Depuis
vendredi dernier, les habitants de Jerada ont donc investi la rue, pour
protester contre la situation à laquelle ils sont abandonnés, dans une
ville rongée par le chômage et le travail informel mal payé. Alors que
la fronde sociale ne faiblit pas, ce mouvement contestataire rappelle le
passé résolument militant de cette cité minière, au cœur de laquelle
l’un des tous premiers syndicats marocains est né.
Le bassin de Jerada
Plus exactement, l’extraction minière a commencé à Jerada en 1927. Le livre Coal Geology de
Larry D. Thomas (2002) situe les régions où le minerai est présent dans
les strates : «Le charbon noir de la période Carbonifère se situe dans
le nord-est du Maroc, à Jerada. Il a été identifié en profondeur sous
des sédiments plus récents à Ezzhiliga (province de Khémisset) ainsi
qu’à Tindouf-Daraa»
C’est
ainsi que le charbon a été découvert à Jerada après une série de
recherches, menées par les géologues d’une société belge appelée
Ougrée-Marihaye. Selon le site local Oujda city,
ces recherches ont abouti en janvier 1927: «J. Horry a été le premier
géologue à signaler la présence du charbon dans le bassin de Jerada».
Officiellement,
les mines de la ville ont été exploitées à partir de 1934, comme nous
l’explique Houssine Bernat, secrétaire général du bureau régional de
l’Union marocaine des travailleurs (UMT) à Jerada. Dans un entretien
donné à Yabiladi, le syndicaliste a expliqué qu’à partir de la
découverte du charbon dans la région, les ouvriers ont afflué en grand
nombre pour être employés dans les mines. Les conditions rudimentaires
ont amené les travailleurs à s’organiser au sein d’un syndicat.
Des mineurs de Jerada rejoignant leur chantier / Ph. DR.
Les mineurs intègrent le travail syndical
«Sous
le Protectorat français, les conditions de travail dans la mine étaient
difficiles et l’extraction se faisait à l’aide d’outils traditionnels»,
nous explique Bernat, qui insiste sur le fait qu’ «en 1946, la ville a
accueilli le premier congrès syndical organisé sous l’égide de la
Confédération générale du travail (CGT), un syndicat français
historique». Le congrès a constitué un tournant dans l’histoire de l’action syndicale au Maroc, rappelle Houssine Bernat.
«Les ouvriers de Jerada ont inspiré tout le pays et pour la première
fois, des Marocains ont créé un syndicat. A partir du congrès de 1946,
une vague de dirigeants a émergé dans la ville comme Taïeb Ben Bouazza
(1925 – 2015), originaire de Berkane et qui a cofondé l’Union des
travailleurs marocains le 20 mars 1955.»
Le
même récit a été confirmé par l’historien Maâti Mounjib, qui a témoigné
auprès de Yabiladi du rôle efficace que l’activité syndicale de la cité
minière a joué dans le pays :
«Jerada est connue pour être l’un des premiers fiefs syndicaux du
Maroc et Taïeb Ben Bouazza est un véritable père fondateur de l’UMT.
C’est l’un des syndicalistes les plus connus, qui a très tôt mobilisé
les ouvriers de Jerada».
Plus
que cela, le militant décédé à Stockholm en 2015 a été élu premier
secrétaire général de l’UMT. Mais le scrutin a été entaché de fraudes et
Mahjoub Ben Seddik, arrivé deuxième au classement, s’est accaparé le
poste par la force.
Taïeb Ben Bouazza / Ph. DR.
Un déclin dramatique
Mais
à l'aube des années 2000, la ville qui a donné naissance au plus ancien
syndicat et qui a offert des opportunités d’emploi à des milliers de
travailleurs connaîtra un déclin sans précédent. «En
1998, le gouvernement a décidé d’arrêter l’extraction du charbon à
Jerada», nous rappelle Houssine Bernat. Selon le syndicaliste, cette
décision a été un choc pour la population qui ne vivait que de
l’extraction du minerai.
«A
l’époque, les raisons officielles derrière la fermeture des mines et
leur liquidation ont été que l’extraction devenait plus coûteuse que
l’importation», a déclaré Bernat, qui considère cette justification
non-convaincante.
En
2001, les habitants de Jerada ont été officiellement interdits
d’effectuer toute activité minière. La ville, qui s’est fait connaître
pour avoir «relancé l’économie nationale», est désormais oubliée. Une
situation que Bernat conteste fermement. «Aujourd’hui, les jeunes de
Jerada sont obligés de travailler dans les mines clandestines pour
gagner leur vie», dénonce-t-il auprès de Yabiladi.
«En moyenne, deux à trois personnes meurent chaque année dans ces
mines. Les ouvriers travaillent dans des conditions rudimentaires, voire
inhumaines, et cela dure depuis plus de quinze ans.»
Non loin des mines de charbon de Jerada, une usine électrique de charbon est désaffectée depuis plus de quinze ans / Ph. DR.
Ils creusent pour vivre
En
effet, les jeunes chômeurs de la ville vivent beaucoup de difficultés.
Yabiladi a pu s’entretenir avec Mehdy Mariouch, un photo-reporter qui a
récemment rencontré les mineurs de Jerada dans le cadre de son travail. «J’ai
visité Jerada en 2014, pour les besoins d’un reportage sur lequel je
travaillais, nous confie-t-il. Pour moi, c’était une ville lointaine
dont je ne savais encore rien». Mehdy a été amené à prendre en photo des
mineurs, ce qui a été une rude épreuve et une leçon de vie qu’il
partage aujourd’hui.
«C’était choquant pour moi, au premier coup. Je suis allé avec mon
appareil photo et j’ai visité les mines. J’ai rencontré les mineurs, qui
m’ont dit qu’ils étaient désespérés. Ils me disaient que des
journalistes et des reporters internationaux de grands médias s’étaient
rendus sur les lieux avant moi, mais que rien de cela n’avait contribué à
faire changer positivement leur situation.»
Mehdy
explique à Yabiladi que les jeunes de Jerada «creusent pour vivre» :
«Ils se rendent tous les jours aux mines, creusent parfois jusqu’à 70
mètres à la recherche des plaques contenant de l’anthracite». Rencontrer
ces ouvriers a marqué à jamais le jeune photographe. En plus d’avoir
été frappé par les conditions de travail sur place, il a été choqué de
connaître les modiques sommes que rapporte ce dur labeur.
«Ils peuvent gagner de 70 à 100 dirhams par jour, ce qui n’est pas
beaucoup. J’ai pris la photo d’un mineur qui récitait le Coran après
avoir émergé des profondeurs de la mine. Lorsque je lui ai demandé
pourquoi il faisait cela, il m’a dit que survivre à une extraction de
charbon était semblable à un résurrection.»
Selon
Mehdy Mariouch, il existe des jeunes à Jerada qui travaillent dans les
mines et d’autres qui se rendent à l’ancienne usine de charbon
désaffectée, où ils cherchent de la ferraille à couper et à vendre. Pour
s’être longuement entretenu avec la population locale, Mehdy est
convaincu que ces mineurs ne sont pas près de quitter leur ville, fief
de l’action syndicale et d'une prospérité économique qui se conjugue
désormais au passé.
...Suite : https://www.yabiladi.com/articles/details/60520/mine-charbon-quand-ouvriers-jerada.html
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