Lundi 9 avril 2018 à 20h11
Face à ses juges, l'accusé a multiplié les citations, jonglant entre
Freud, le prophète Mohammed, Spinoza ou encore les discours royaux, dont
il a tiré arguments pour sa défense.
"Huit délits et deux crimes. Si le parquet avait résumé les accusations,
j'aurais pu résumer mon propos." Ce lundi 9 avril, Nasser Zefzafi,
était de passage devant Ali Torchi, président de la Chambre criminelle
près la Cour d'appel de Casablanca. Et dans ce qui était censé être un
interrogatoire - questions-réponses s'entend, l'accusé a monopolisé la
parole et fixé son tempo.
Des 54 accusés du Hirak, Zefzafi est le 53ème à se livrer à l'exercice. A
l'occasion, la salle 7 s'est rappelée à notre bon souvenir. Celui où
police, journalistes, observateurs et proches des détenus garnissaient
les bancs de l'assistance.
Zefzafi est celui qu'on présente comme le leader du mouvement
contestataire. Il en est surtout le porte-parole et visiblement le plus
habile à l'oral. Dans l'assistance, on opine de la tête à l'écoute d'une
phrase bien faite, et on s'extasie devant une telle "maîtrise de la
langue arabe".
Face à ses juges, l'accusé multiplie les citations, jonglant entre
Freud, le prophète Mohammed ou Spinoza. Et tire des discours royaux
arguments pour sa défense: "Le Roi s'est demandé où est la richesse.
Nous sommes sortis pour lui dire que la richesse est dans les ventres des lobbies de la corruption. Résultat, nous avons été arrêtés."
Ce procès "politique", dit-il, est celui de " l'opinion", de "la mémoire
du Rif", des "symboles de la résistance, Mohamed Ben Abdelkrimi Al
Khattabi qu'Allah l'agrée à leur tête" et celui "des discours du Roi".
De la révolte du Rif (1957-1958) au plan d'ajustement structurel
(1983), en passant par "les émeutes du pain" (1981) et plus récemment
le séisme d'Al Hoceima, Zefzafi est revenu sur ce qu'il présente comme
la genèse du mouvement du Rif. "Le Hirak n'est pas né du vent. Le Hirak
est un cumul", lance-t-il au juge, celui-ci lui reprochant de faire dans
les "généralités".
"Ce dont vous êtes accusés a eu lieu dans le troisième millénaire, pas
en 1958", lui rappelle Ali Torchi, histoire de recadrer l'accusé, qui
s'érodait en voyant en "le plan Marshal" un moyen "de se débarrasser des Rifains, trop rebelles" au goût du pouvoir.
Zefzafi est accusé d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat, entre
autres. L'enquête de la BNPJ lui prête des connivences avec des
Marocains résidents à l'étranger parmi les défenseurs de la thèse
séparatiste. La première question du président, posée au bout de deux
heures ou presque, ira en ce sens.
Ce à quoi l'accusé répond par des contre-questions: "Les personnes que
vous accusez de séparatisme, y a-t-il des jugements les ayant condamnées
pour ce motif? Avez-vous des preuves établissant qu'elles sont des
séparatistes?" Et d'ajouter que "ces personnes sont des citoyens
marocains d'origine marocaine".
Ali Torchi: "Dans vos déclarations à la police judiciaire, vous dites
que vous coordonniez avec des individus résidents à l'étranger et connus
pour leurs tendances séparatistes".
Nasser Zefzafi: "Je n'ai rien dit de tout cela. Si vous revenez aux
procès verbaux, vous n'y trouverez que les constatations de la BNPJ. Ce
qui prouve que les réponses étaient cuisinées. 95% du contenu des PV est
falsifié."
L'interrogatoire se poursuivait au moment où nous rédigions ces lignes; ce lundi 9 avril vers 20H00.
à suivre
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