Chaque jour qui passe voit la répression des libertés entreprise par le Makhzen gagner en intensité et le délit d’opinion  se généraliser jusqu’à  rapprocher dangereusement  le pays des années de plomb, de sinistre mémoire. Plus personne ne semble à l’abri de cette déferlante de procès orchestrés par le régime en vue de semer la terreur.

Les « Focos du Net »
Dans son pamphlet contre Hassan II, « Notre ami le roi », Gilles Perrault décrivait les actions subversives initiées par Mohamed Basri de « Focos du Fqih ». Une allusion claire aux  célèbres « Focos du Che » qui pensait que la lutte armée, menée par un petit groupe d’activistes, avait toutes les chances de rallier à la cause le plus grand nombre et mettre en place les conditions d’un changement de régime. Le guérilléro échoua à mener à bien son entreprise. Il le paya de sa vie, le 9 octobre 1967, dans la jungle bolivienne alors qu’il tentait d’allumer un de ses fameux feux,  dans le pays.
Fqih Basri, ancien résistant et  co-fondateur de l’Union nationale des forces populaires (UNFP) avait, en effet, décidé d’en découdre avec le régime marocain en s’inspirant des feux préconisés par Ernesto Guevara. Il n’eut guère plus de succès que son modèle argentin mais conserva toutefois la vie.
Les temps ont bien changé. Le « Foquisme »  a échoué et la lutte pacifique a été si bien théorisée et expérimentée, sous ses formes les plus diverses qu’elle  a remisé aux oubliettes,  sinon ringardisé  la lutte armée et les soulèvements meurtriers.
Qu’ils se soient appelés « Mouvement des Indignés »,  « Occupy Wall Street », « Nuit Debout » ou « Mouvement du 20 Février », les pacifistes sont les héritiers du combat initié par Henry David Thoreau, le transcendantaliste américain, en lutte contre l’esclavage et la guerre américano-Mexicaine ou encore  Mohandas Karamchand Gandhi confronté au colonialisme britannique  ou Martin Luther King, le défenseur des droits civiques des noirs américains.

Les « Pyromanes de la Liberté »
Mais si la  violence et les armes ont désormais cédé le pas au pacifisme, il n’en demeure pas moins que subsiste toujours  le principe du groupuscule  ralliant à ses idées les masses. Le régime marocain avait pris le pli de faire son marketing à travers les associations des Marocains Résident à l’Etranger, (RME) dont il tirait les ficelles en sous-main. Il actionnait également les Imams qu’il envoyait prêcher aux quatre coins de l’Europe. Il comptait également sur ses légions de lobbyistes-voyageurs. Une manipulation des masses qui lui coûte chaque année des centaines de millions de Dollars.    Les amis de la liberté,   qui ont abandonné kalachnikovs et bombes, n’ont plus pour seule arme et pour toute fortune qu’un simple téléphone portable. Les messagers de jadis,  sillonnant la campagne afin de battre le rappel des troupes ou distribuant des tracts,  ont été remplacés par de simples Tweets ou Posts. N’importe quel patriote peut désormais  allumer ses propres « Focos du Net » et les entretenir à sa convenance. Ces incendies sont si dévastateurs pour l’image des despotes qu’ils les terrorisent. Et ils les terrorisent tant et si bien que ces derniers croient avoir trouvé la parade en investissant massivement dans une contre-subversion par le Net. Mais le vieil adage prétend que « c’est s’avouer vaincu que de copier les armes de son adversaire. Le temps de les reproduire, ce dernier est déjà passé à une nouvelle arme ». Les sécuritaires sont à ce point convaincus de leur propre défaite, qu’ils puisent à présent, dans les recettes éculées du passé: les procès fabriqués et  les machinations qui font taire.
zefzafi
La mythologie de la stabilité
La stabilité et l’exception marocaines ne sont que des constructions mythologiques imaginées par des prédateurs en bande organisée, vendeurs de chimères de surcroît, qui se sont accaparés le pouvoir et n’acceptent plus de le partager qu’à la condition,  sine qua none, qu’on se plie à leurs diktats et qu’on nourrisse les mêmes sombres desseins que les leurs.
Mohamed Sekkaki, Alias « Moul Kaskita », Mohamed Boudouh, Alias «  Moul Hanout » et avant eux, Nasser Zefzafi et ses compagnons ou encore les journalistes,  aujourd’hui emprisonnés ou forcés à l’exil,  sont les auteurs de ces innombrables  « Focos du Net ». Ce sont les « Pyromanes de la liberté ». Ils se sont donnés comme mission de démontrer que la mécanique, les rouages du Makhzen et son modus operandi sont les seuls et uniques responsables de la tragédie marocaine.
Les sécuritaires et leurs complices au ministère de la justice, pourront sans doute éteindre quelques incendies, en circonscrire  d’autres,    emprisonner les incendiaires, rien n’y fera jamais. Les flammes continueront de dévorer à petit feu, le monstre du Makhzen jusqu’à l’abattre tôt ou tard. Et pour paraphraser Abraham Lincoln,  « On peut éteindre une partie du feu tout le temps et tout le feu, une partie du temps, mais on ne peut éteindre tous les feux,  tout le temps. »