- Contribuez au Fonds Covid-19
- En envoyant un SMS au 1919
- 10 DH par SMS (Ministère des Finances)
Au Maroc, les migrants sont parmi les personnes les plus exposées au
risque de contamination au Covid 19, mais ils sont avant tout les plus
vulnérables aux conséquences socio-économiques de l’état d’urgence
sanitaire.
Contribution: Sédrick Kouayi
Le 20 mars 2020, pour enrayer la propagation du virus
Covid-19, le Maroc a décrété l’état d’urgence sanitaire et le
confinement de sa population de 18h à 8h. A l’annonce de cette mesure,
on a vu dans les villes marocaines des familles se précipiter dans les
grandes surfaces, craignant une pénurie prochaine. Avant de rentrer se
confiner.
Fanny vit à Tanger, dans le nord du Maroc, mais pour elle,
pas de rushs aux caisses automatiques, pas de stocks de réserve, pas de
gel hydro-alcoolique, de papier toilette ou de désinfectant, pas même
de confinement. Comme tous les jours, depuis 7 ans, elle erre dans la
ville accompagnée de ses deux enfants:
"J’ai 28 ans, d’origine nigériane, je suis enceinte de 7
mois et je suis mère de 2 enfants de 5 et 3 ans. Je vis dans la Médina
de Tanger avec mon partenaire et nos enfants. Mon partenaire ne
travaille pas, il fait parfois des chantiers mais avec l’état d’urgence,
c’est moi qui rapporte de quoi faire vivre notre famille."
Au Maroc, l’accès au marché du travail et aux aides
sociales étant très limité, les migrants dépendent essentiellement du
marché noir et de la solidarité; et pour eux, rester à la maison n’est pas une option.
Arrivée au Maroc en 2010 pour braver la mer à destination
de l’Espagne, Fanny a vu son rêve d’Europe disparaître à mesure que ses
tentatives de traversée ont échoué. Sans domicile, ruinée par les gages
laissés aux passeurs, elle a fini par s’installer chez un homme qui plus
tard est devenu son partenaire. Un enfant est né, puis un deuxième.
Fin 2013, la petite famille a profité de la régularisation
massive lancée par le Roi. Un espoir pour Fanny, mais de courte durée,
car la régularisation ne s’est accompagnée d’aucune mesures
d’intégration, et l’accès au marché du travail est resté fermé pour un
grand nombre de Subsahariens qui ne parlent pas l’arabe. A ce jour,
comme pour beaucoup de leurs compatriotes vivant au Maroc, la mendicité
est la seule solution de subsistance pour Fanny et sa famille.
L’état d’urgence sanitaire a entraîné son lot de
désagréments pour la population marocaine: privation de liberté,
contrôle policier renforcé, etc. Mais pour la population migrante de
Tanger, ainsi que tous ceux qui dépendent de la charité, la conséquence
directe du confinement est une perte sèche de subsides pendant les
manches, avec le risque quotidien de ne pas pouvoir payer le toit et le
couvert. Pas moyen, de surcroît, de compter sur les organisations
humanitaires qui, comme le reste de l’économie du pays, tournent
désormais au ralenti*.
Alors de 8h à 18h, souvent au-delà, Fanny et ses 2 enfants
écument les rues de Tanger. Verbalisée à plusieurs reprises pour
non-respect du confinement, elle rivalise de ruse avec les agents de
police pour déjouer les contrôles. "Je ne peux pas rester à la maison
comme demandent les autorités, parce que ma survie et celle de ma
famille dépendent de ce qu’on me donne dans la rue."
Malgré l’annonce du gouvernement marocain d’une aide pour
les familles les plus vulnérables, la jeune femme a peu d’espoir
d’obtenir quoi que ce soit. D’autant qu’il ne lui reste que peu de temps
avant le paiement de son loyer. Alors, même si les cas de contamination
augmentent sans cesse, Fanny est dehors, devant les banques, les
grandes surfaces et les feux de signalisation. Avec elle, d’autres
femmes, enfants, mineurs isolés, qui n’ont pas d’autres choix que de
continuer à tendre la main, avec encore plus d’ardeur.
Au Maroc, les migrants sont parmi les personnes les plus
exposées au risque de contamination au Covid 19, mais ce sont avant tout
les plus vulnérables aux conséquences socio-économiques de l’état
d’urgence sanitaire. Si l’Etat marocain a annoncé plusieurs mesures à
destination des populations vulnérables, aucune ne concerne jusqu’ici
les 80.000 migrants qu’accueille son territoire.
*Saluons tout de même le travail de plusieurs
associations tangéroises, qui se démènent pour assurer des distributions
de vivres et de produits essentiels aux populations les plus
vulnérables.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire