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dimanche 18 octobre 2020

Maroc, l’abracadabrante accusation contre Maati Monjib, par salahelayoubi


Maroc, l’abracadabrante accusation

par salahelayoubi

 

Amnesty International vient de recadrer, une fois de plus, le Maroc dans l’affaire Maati Monjib. L'historiographe fait, en effet, l’objet d’un harcèlement incessant de la part des autorités. Il a entamé une nouvelle grève de la faim et s’en est expliqué dans une vidéo où il raconte les persécutions qui lui sont infligées au quotidien. La brigade de la police judiciaire marocaine enquête à présent sur un prétendu blanchiment de capitaux que le penseur aurait entrepris en famille. L’Etat marocain tente donc de trouver son chemin pour conforter l’accusation qui avait été portée en 2014, contre l'enseignant, au côté de six autres journalistes et militants des droits humains,  pour « atteinte à la sécurité de l’Etat ».  Une accusation d’une gravité exceptionnelle qui fait peser sur l’homme, le risque d’une lourde condamnation comme celles infligées à Nasser Zefzafi et aux militants rifains.  A défaut d’imputer des charges à caractère sexuel, comme il le fit de Taoufik Bouachrine de Soulaimane Raissouni ou encore d’Omar Radi, le Makhzen qui se trouve en présence d’un homme irréprochable et d’un dossier vide, a repoussé à quatorze reprises la tenue d’un procès. Il a choisi de conforter la piste du complot contre la stabilité du pays avec un financement de l’étranger.

« Freedom now » et début de calvaire

Depuis l'essoufflement du "Mouvement du 20 Février", le Maroc n’a cessé de s’en prendre à ceux qui avaient pris part, de près ou de loin,  aux nombreuses manifestations en 2011.   Le bras séculier du Makhzen a frappé quasiment tous les militants  de la première heure et les meneurs. Une tendance qui s’est accélérée dans les derniers mois. 

A Maati Monjib, rien n’aura  été épargné avec un acharnement à nul autre pareil, amplifié depuis qu’il a fondé en 2014,  l’association de défense de la liberté de presse et d’expression qu’il préside, « Freedom now ». Son nom et celui de plusieurs autres journalistes ou activistes salis et traînés dans la boue, par plusieurs organes de presse, au service du Makhzen qui qualifient Monjib d’ennemi public numéro 1.  En réaction, cent dix (110) journalistes professionnels avaient appelé, le  16 juillet, les autorités marocaines à prendre des mesures contre les « médias de diffamation » qui calomnient toute voix critique. En pure perte !

Objet de filatures policières, de surveillance de son portable, de piquets de barbouzes devant son domicile, accusé d’abandon de poste par son université, interdit d’enseignement depuis 2015 et contraint d’encadrer des doctorants, en cachette en 2018-2019, interdit  de conférences académiques publiques,  menacé de radiation de son poste de chercheur-enseignant, Maati Monjib est, à présent, accusé par le parquet de détention de biens immobiliers ne correspondant pas aux revenus déclarés par lui et les membres de sa famille. De bien étranges accusations dans un pays où abondent les preuves incontestables d’exportation illégale de devises, de biens mal acquis, de détournement de fonds et de captation des deniers publics, par les hauts responsables d’un pays où règne une corruption endémique, où les terrains se répartissent comme friandise aux thuriféraires du régime et où les biens immobiliers suspects, poussent comme des champignons, sans que la justice n’y mette jamais le nez.

Rien d’étonnant que le Maroc occupe la cent-trente-troisième (133) place sur cent-quatre-vingt (180) pays, au classement mondial de la presse en 2020. Et rien qui semble gêner les responsables du pays, décidés à instrumentaliser la justice, contre les voix libres.  

Le nom de Maati Monjib a également été cité dans le rapport 2020,  de « Freedom House », sur la liberté d'Internet. L’ONG américaine basée à Washington, qui classe le Maroc au cinquante-deuxième rang (52) en recul de deux places,  pointe du doigt les systèmes sophistiqués mis en place par le royaume, afin de maintenir sous surveillance Internet. Elle cite notamment le logiciel d’espionnage israélien « Pegasus »  dont ont fait les frais l’historien Maati Monjib et l’avocat Abdessadiq Al-Bouchtaoui. Le même logiciel ayant infecté le smartphone d’Omar Radi, journaliste et auteur de plusieurs enquêtes qui ont indisposé le régime marocain, à telle enseigne que le journaliste est poursuivi, en détention préventive,  pour viol et intelligence avec une agence étrangère de renseignements.

La bêtise et l’infini

Dans son rapport Freedom House a également évoqué les nombreux comptes créés sur les réseaux sociaux,  dans le seul but de harceler, d'intimider et de menacer ceux qui critiquent les autorités. Elle a rappelé que profitant de la pandémie en cours, le gouvernement avait approuvé le projet de loi 22.20, prévoyant des sanctions pénales contre toute personne appelant les citoyens au  boycott de marques, services ou produits,  au retrait de leur argent des établissements bancaires ou de diffusion d’informations nuisibles à un produit, via les réseaux sociaux. Le projet n’a jamais été présenté au parlement en raison de l’indignation générale qu’il avait soulevé.

Einstein disait de l'univers et de la bêtise humaine, qu’ils étaient infinis avant d’ajouter qu’il n’en avait pas encore acquis une certitude absolue concernant l'Univers. La bêtise de ceux qui sont aux manettes du régime marocain est sans aucun doute infinie. Ils nous le prouvent chaque jour en poursuivant leur coercition des hommes libres, au prix de charges abracadabrantes qui ne leur font même plus honte. Ils entreprennent tout cela au prix de la désapprobation générale et de dénonciations venant tant de l’intérieur des frontières comme de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) que de l’étranger de la part d' Amnesty International, d'Human Rights Watch (HRW) ou encore d'Avocats sans Frontières.

Maati Monjib poursuit, quant à lui,  son chemin de croix, inébranlable dans la justesse de son combat pour la liberté. Il l’a exprimé haut et fort lors de son interview du 5 septembre 2020, face à Ignace Dalle :

-«  Je redis, ici, aux hommes du régime : il n’est pas question que je me taise quand des gens, dont des amis souffrent en prison pour s’être exprimés librement ! »


Maroc, l’abracadabrante accusation

par salahelayoubi

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