Il restera de l’année 2017 le souvenir d’une année noire pour le Maroc en général. Et pour le Rif
en particulier [le 28 octobre 2016, le pêcheur Mohcine Fikri meurt
broyé dans une benne à ordures dans la ville d’Al-Hoceima. Une tragédie à
l’origine d’un mouvement de contestation, le Hirak, portant des
revendications économiques et sociales].
Nasser Zefzafi [figure
emblématique du Hirak, détenu depuis le 29 mai 2017] et ses compagnons
avaient, en effet, osé l’impensable, interpeller directement le roi sur
l’ostracisme que la région subit depuis toujours de la part de
l’administration centrale, quand d’autres, au fond du désespoir,
adressent des vivats insupportables au premier de leurs tourmenteurs !
La détresse du peuple marocain
Étrangement,
en cette année de disgrâce, lorsqu’il s’est agi d’opprimer, il ne fut
plus question d’isolement, ni d’enclavement, ni de manque de moyens, le
Makhzen [l’appareil étatique marocain] trouvant alors les ressources
techniques et humaines afin de mettre le Rif à un jet de grenade
lacrymogène de Rabat. On a même pu apprécier la dextérité avec laquelle
les forces de l’ordre manipulaient les nouveaux équipements, comme les
drones, afin d’espionner les manifestants ou coordonner leurs attaques
contre eux.
Face à des manifestants pacifiques qualifiés par le
régime d’émeutiers ou de séparatistes, le pouvoir marocain a déployé ses
meilleurs moyens répressifs : gendarmerie, police antiémeutes, forces
auxiliaires, sans oublier policiers en civil et supplétifs du désordre,
les jeunesses royalistes. Ces derniers instrumentalisés comme voyous et
casseurs avaient pour but de donner du crédit à la répression sauvage
qui s’est alors abattue sur les véritables patriotes, manifestant la
détresse du peuple marocain, face à la misère et au dénuement.
Il
restera de cette année 2017 le souvenir d’une poignée de militants
rifains courageux, dont on a voulu taire le discours intelligent et bien
construit. Si bien construit que le régime marocain y a lu la
résurgence d’un nationalisme rifain, imaginaire ou réel, qu’il croyait
avoir enterré à tout jamais, avec des décennies d’une éducation
abrutissante, de médias et d’imams aux ordres du Makhzen. Ce serait
oublier que ceux du Rif, à qui on tournait le dos, avaient fini par
regarder ailleurs pour y chercher les sources d’inspiration et
d’espérance. Ils avaient simplement trouvé dans la tragédie qui les
accablait les ressorts de leur survie physique autant qu’intellectuelle.
La parenté exilée en Europe et en Amérique, le surgissement de la
parabole avec ses chaînes satellitaires, puis l’arrivée d’Internet, sans
oublier le système D rifain, ont largement contribué à leur salut.
Un régime qui s’enfonce dans l’ignominie
Autant
le dire, le régime marocain a perdu la guerre du Rif en 2017, parce
qu’il y a laissé toute crédibilité. Dans plusieurs quartiers
d’Al-Hoceima, d’Imzouren, de Tamassint, les populations ont tourné en
bourrique des policiers-voyous. Tantôt coupant à travers champs pour
rejoindre les manifestations, tantôt abandonnant la rue pour se réfugier
en terrasses pour y conspuer les forces de l’ordre, contraintes, par
dépit ou par vocation, de s’en prendre aux biens privés, faute de
pouvoir casser du manifestant. Tantôt en entonnant des slogans et des
concerts de casseroles dans la pénombre totale. Tantôt en affamant les
policiers par des grèves générales, rideaux baissés.
Il restera de
cette année qui s’achève le souvenir d’un Makhzen défait et sans
solution. Une déconvenue de plus pour un régime qui n’en finit plus de
s’enfoncer dans l’ignominie. Il n’y a qu’à voir les réactions
internationales et les manifestations de rue en Europe pour se
convaincre que le monde a compris ce qui gouverne le pays.
On ne
gagne pas de batailles en emprisonnant les consciences ; les cachots,
loin de les étouffer, décuplent leur écho. Le régime
marocain expérimente des méthodes éculées, comme la punition collective.
Celle des familles que l’on force à voyager à l’autre bout du pays pour
visiter leurs enfants emprisonnés [selon Amnesty International, au
moins 410 personnes, dont de nombreux enfants et adolescents, seraient
actuellement en détention]. Ou encore la mise au placard de quelques ministres [le 24 octobre 2017, le roi Mohammed VI
a limogé plusieurs ministres et responsables] dont on sait qu’ils n’ont
jamais détenu la moindre parcelle de pouvoir. Des lampistes et/ou des
faire-valoir à qui on demande de s’enrichir et de se taire face aux
infamies de la monarchie et de son clan. Le Makhzen expérimente même le
fait de s’en prendre à présent à des enfants, les torturant, les
condamnant à l’enfermement.
En fait, il a définitivement perdu sa guerre contre le Rif !
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