Pages

samedi 25 août 2018

Ré-imposer le service militaire obligatoire est véritablement une idée vieux siècle.


Ré-imposer le service militaire obligatoire est véritablement une idée vieux siècle. Le Maroc n'a pas besoin de jeunes qui, chaque matin, gonflent le torse, scandent l'hymne national et enchaînent le garde-à-vous.
Il a besoin de leur offrir des perspectives: ils veulent une politique éducative, une politique économique et une politique sociale qui leur ouvre des horizons. Ils veulent de plus grandes marges libertés. Le service militaire obligatoire ne résout rien, ne colmate aucune brèche, ne règle aucun problème.
L'imposition du service militaire obligatoire semble principalement obéir à des visées disciplinaires. Il faut, dit-on, « gérer » les jeunes, les « discipliner ». Nous ne sommes pas une PME familiale pour être « gérés ». Et nous ne sommes pas non plus dans une prison à ciel ouvert (si ?) pour être « disciplinés ».
Tout en saluant le professionnalisme et le dévouement d'une bonne partie du personnel des Forces armées royales (je pense surtout à la santé militaire), je ne crois pas que militariser la jeunesse soit une bonne idée.
Si des jeunes veulent rejoindre l'armée, on ne peut que saluer cette décision; si d'autres ne veulent pas, on ne peut pas les obliger. Le Maroc gagnerait plus en modernisant son armée, en rendant les métiers de l'armée plus attractifs et son organisation plus démocratique qu'en imposant le service militaire à toute sa jeunesse.
Donc, d'un point de vue militant, je m'oppose à cette loi; ce sera un gâchis budgétaire, elle obéit à une logique politique problématique, et elle ne risque pas de remplir les objectifs dont elle s'enorgueillit. Elle risque également de constituer un facteur de dépolitisation des jeunes; cette visée semble transparaître dans le discours de certains défenseurs du service militaire:
« A situation exceptionnelle, il faut des solutions exceptionnelles. Les Etats-Unis ont réussi leur sortie de la crise de 1929 avec le New Deal, l'Europe avec le Plan Marshal au lendemain de la Deuxième guerre mondiale. […] Après les événements d'Al Hoceima, le mouvement d'une jeunesse majoritairement mal formée mais bien informée et, surtout, la faille des partis et des syndicats dans son encadrement, ce service peut être le début d'une solution. » (Hassan Benaddi)
En gros, l'idée étant:
- De dépolitiser la jeunesse.
- De la canaliser et de l'écarter des mobilisations sociales.
- De l'aligner sur la conception royale du "développement", mené selon une logique autoritaire, et devant massivement mobiliser pour réussir.
Je n'ai cessé de m'opposer à ce genre d'idées. Cela dit, à titre plus personnel, je serais prêt à passer mon service militaire:
1. Si les missions seront essentiellement à caractère civil, social. Si l'imposition du service militaire s'accompagnera d'une réelle réorientation de l'armée vers des missions plus citoyennes. Une telle réorientation est espérée. En gros, s'il présente des caractéristiques proches de celles du service civil.
2. S'il sera réellement égalitaire. S'il n'y aura pas de failles qui permettraient aux jeunes issus de couches favorisées d'échapper à leur devoir.
3. Si la durée sera inférieure à six mois. Je n'ai pas une année à perdre. J'ai une carrière bien lancée, et je ne souhaite pas la mettre en veilleuse le temps de découvrir la joie d'arborer un képi et une tenue vert olive.
4. Si le « culte du chef » ne sera pas imposé, et si l'accent sera plutôt mis sur la citoyenneté, plutôt que la sujétion. Déjà, qu’un type qui passe la moitié de son temps à l'étranger décide que je dois passer une année continue dans les rangs de l'armée, je trouve ça un peu gonflé.
Autrement, je refuserai de le passer, quitte à en assumer les conséquences pénales.
Reda Zaireg, journaliste marocain

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire