par Luk Vervaet
Le 10 décembre 2018, la Déclaration
universelle des Droits de l’Homme fête son 70éme anniversaire. Didier
Reynders, vice-premier ministre, ministre des Affaires étrangères et
européennes et désormais aussi ministre de la défense, s’est exprimé à
ce sujet, à Genève, le 28 février dernier lors de la 37ème session du
Conseil des Droits de l’Homme.
Il y a déclaré, je cite : « La
Déclaration Universelle des Droits de l’Homme… fête cette année son
70ème anniversaire. Elle garantit que tous les êtres humains naissent
libres et égaux en dignité et en droits… Elle est le principe cardinal
qui guide l’action de la Belgique… il nous faut réaffirmer que les
droits de l’homme ne sont pas une faveur que les États accordent. Ils
sont une obligation à l’égard de tous, toujours : à l’égard des plus
vulnérables, à l’égard de ceux qui nous paraissent différents, comme les
étrangers, les migrants, les minorités… à l’égard même des pires
criminels, dans la lutte contre le terrorisme… Il n’y a pas de tension
entre sécurité et droits de l’homme. La paix et la sécurité comme le
développement passent par le respect des droits fondamentaux de chaque
individu ».
Ces belles paroles ont certainement fait impression à Genève, mais elles ne correspondent pas aux actes sur le terrain. Dans l’affaire Ali Aarrass, et ce depuis une décennie, la Belgique refuse de manière systématique de protéger les droits de l’homme d’un de nos concitoyens. Ali Aarrass est belgo-marocain. Cette double nationalité n’a pas cessé d’être invoquée par ce même ministre pour refuser toute assistance consulaire à notre compatriote. Non seulement la Belgique n’a jamais envisagé de lui accorder une assistance, mais elle a aussi refusé de prendre connaissance et de s’appuyer sur les nombreux rapports des organisations européennes et onusiennes pour la protection des droits de l’homme, dénonçant l’extradition illégale d’Ali Aarrass de l’Espagne vers le Maroc, sa torture au Maroc, son procès inéquitable, sa détention arbitraire et son isolement prolongé qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
Ces belles paroles ont certainement fait impression à Genève, mais elles ne correspondent pas aux actes sur le terrain. Dans l’affaire Ali Aarrass, et ce depuis une décennie, la Belgique refuse de manière systématique de protéger les droits de l’homme d’un de nos concitoyens. Ali Aarrass est belgo-marocain. Cette double nationalité n’a pas cessé d’être invoquée par ce même ministre pour refuser toute assistance consulaire à notre compatriote. Non seulement la Belgique n’a jamais envisagé de lui accorder une assistance, mais elle a aussi refusé de prendre connaissance et de s’appuyer sur les nombreux rapports des organisations européennes et onusiennes pour la protection des droits de l’homme, dénonçant l’extradition illégale d’Ali Aarrass de l’Espagne vers le Maroc, sa torture au Maroc, son procès inéquitable, sa détention arbitraire et son isolement prolongé qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
Ce refus révoltant de l’aider, malgré
la preuve des tortures subies, a poussé Ali Aarrass à saisir les
juridictions belges en référé. En 2014, tant le tribunal en première
instance que la Cour d’appel de Bruxelles ont donné raison à Ali et
ordonné à l’État belge de lui fournir l’assistance sollicité.
Obstiné, l’État belge s’est pourvu en cassation. Et… la plus haute juridiction du pays lui a donné raison.
Ali Aarrass et ses avocats ont alors
saisi la Cour européenne des droits de l’homme pour violation des
articles 1er et 3 de la Convention. Très rapidement, la Cour a adressé
des questions à l’État belge afin qu’il s’explique. La procédure suit
son cours.
Dans son combat, Ali Aarrass est soutenu auprès de la Cour européenne par l’organisation REDRESS (1), association qui s’est donné pour objectif de contribuer à mettre fin à la torture et de faciliter l’accès des survivants à la justice à travers le monde . La question aurait pu en rester là mais… le même ministre qui a fêté la déclaration universelle des droits de l’homme à Genève, a fait adopter, avec son collègue Koen Geens, la loi du 9 mai 2018 modifiant le Code consulaire.
Dans son combat, Ali Aarrass est soutenu auprès de la Cour européenne par l’organisation REDRESS (1), association qui s’est donné pour objectif de contribuer à mettre fin à la torture et de faciliter l’accès des survivants à la justice à travers le monde . La question aurait pu en rester là mais… le même ministre qui a fêté la déclaration universelle des droits de l’homme à Genève, a fait adopter, avec son collègue Koen Geens, la loi du 9 mai 2018 modifiant le Code consulaire.
La nouvelle loi du 9 mai 2018 consacre la discrimination des binationaux
Cette nouvelle loi consacre le droit à
l’assistance consulaire pour tous les Belges sauf … cette sous-catégorie
de Belges, constituée des binationaux, comme Ali Aarrass. Peu importent
les liens avec l’autre État dont la personne a la nationalité. Peu
importe le droit dont dispose l’État belge à l’égard de chacun de ses
ressortissants.
La loi du 9 mai 2018 consacre la
discrimination dont a été et reste victime Ali Aarrass (2). L’article 10
de la Constitution, ne dit-il pas que « les Belges sont égaux devant la
loi » !?
Ali Aarrass a dès lors décidé
d’introduire un recours auprès de la Cour constitutionnelle pour
violation des principes d’égalité et de non-discrimination ainsi que
pour violation de ses droits fondamentaux.
Il y rappelle que certains États, comme
le Maroc, ne prévoient aucune possibilité de renoncer à leur
nationalité. La nationalité ne procède donc aucunement d’une volonté du
binational. Il critique également le fait que cette exception au droit à
l’assistance consulaire permet au ministre des Affaires étrangères de
choisir pour qui il intervient ou non, ce qui est vecteur d’arbitraire.
Est-ce un hasard si l’aide consulaire
est refusée à Ali Aarrass, alors même qu’il est établi qu’il a été
torturé et condamné de la manière la plus inique qui soit ?
Est-ce anodin que, dans son cas, l’État belge a contesté jusqu’en cassation le fait de devoir assister son ressortissant ?
Est-il admissible d’agir de la sorte pour
Ali Aarrass, et, d’un autre côté, d’apporter – à juste titre –
l’assistance non seulement consulaire mais encore diplomatique à la
belgo-nicaraguayenne Amaya Coppens (3) ?
Ali Aarrass a décidé en tout cas de
saisir la Cour constitutionnelle de cette question, en espérant que
cette dernière sanctionnera fermement le droit à l’arbitraire, auquel
aspire le ministre des Affaires étrangères, et son corollaire, le
racisme d’État.
notes(1) https://redress.org/contact-us/francais/
(2) Sur le contenu de cette nouvelle loi et ses conséquences lire : https://lukvervaet.blogspot.com/2018/08/binationaux-danger-la-belgique-ne-vous.html et https://lukvervaet.blogspot.com/2018/09/decheance-de-la-nationalite-expulsions.html
(3) Carte blanche, « Nicaragua – Israël : deux poids, deux mesures ? Le cas d’Amaya COPPENS et de Mustapha AWAD », Le Vif, 9 octobre 2018, disponible sur https://www.levif.be/actualite/international/nicaragua-israel-deux-poids-deux-mesures-les-cas-d-amaya-coppens-et-de-mustapha-awad/article-opinion-1037317.html
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