Enseignants, étudiants, le gouvernement laisse les conflits sociaux s’enliser au risque de subir une déflagration.  

Les étudiants en médecine entament leur neuvième semaine de grève. La menace d’une année blanche est très réelle. Les dates des examens sont fixées et le ministre a annoncé devant le Parlement qu’il ne prévoit pas de report. Ce conflit succède à celui des enseignants contractuels qui a duré 3 mois avant que le gouvernement ne cède sur l’essentiel. Un autre commence, celui des professeurs universitaires, corps dont est issu le ministre de l’Éducation nationale et qui est, normalement, l’élite des élites.
L’attitude du gouvernement est invariable : la fermeté absolue, ce qui vide les négociations de tout contenu, puis des concessions séquencées, après des semaines perdues, pour enfin arriver à un accord qui aurait pu être trouvé avant le conflit, si le dialogue avait prévalu.

« L’opinion publique est majoritairement du côté des mouvements revendicatifs »

La chance de l’exécutif et du pays, c’est que les centrales syndicales n’arrivent pas à mobiliser dans le secteur privé et les grands établissements publics. La peur d’exposer ses faiblesses structurelles y est pour beaucoup. Les derniers appels à la grève n’ont pas été suivis, non pas parce que les salariés sont contents de leur sort, mais parce que la défiance vis-à-vis des syndicats est très forte. La preuve en est, est que dans les conflits récents, ce sont des coordinations ad-hoc qui ont dirigé la manœuvre.
Tenter le diable
Cependant, l’attitude du gouvernement face aux revendications est intenable. La fermeté affichée, puis vite abandonnée, ne fait que durcir les conflits. Son objectif premier, politiquement, c’est de dissuader les grévistes en laissant entendre que leur mouvement n’aboutira à rien. Ce n’est pas le cas, puisque l’exécutif finit par lâcher du lest sur l’essentiel. Le message est donc inversé, il devient « seules les grèves dures, longues, finissent par arracher les revendications».
Si le gouvernement ne tire pas cette conclusion, alors c’est à désespérer. En fait, la fermeté affichée n’est tenable que si elle s’appuie sur l’opinion publique, d’où la nécessité d’une bonne communication, et sur une unité sans faille de l’exécutif et de sa majorité. El Otmani ne remplit aucune de ces conditions. L’opinion publique est majoritairement du côté des mouvements revendicatifs et l’unité n’est pas la valeur cardinale de la coalition majoritaire.
Le risque, c’est ce que l’on appelle « la conjonction des luttes ». Si demain plusieurs catégories se mettent en mouvement, qu’elles arrivent à se fédérer, même dans un cadre inédit, alors le Maroc connaîtra une grave crise sociale qui ne peut que déboucher sur une crise politique d’importance, ce qu’il faut absolument éviter.
Qu’un gouvernement politique fasse preuve d’autant de cécité est suicidaire. La seule issue c’est le réflexe du dialogue d’abord, de la transparence dans la communication et de la disposition à répondre, au possible, aux revendications en prenant l’opinion comme témoin. Le «Non, mais» n’est pas une attitude responsable car il joue le pourrissement des situations.
Challengenews
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