(Photo Ali Aarrass juin 2020)
L’équipe de défense belge – Dounia Alamat, Nicolas Cohen et Christophe Marchand – nous écrit :
» Bonjour à toutes et à tous,
Vous qui suivez et soutenez Ali AARRASS
depuis toutes ces années. Ce petit mot pour vous tenir informés de la
situation « juridique » dans cette affaire complexe.
Comme vous le savez, le 2 avril 2020,
Ali a enfin été libéré. Cela a été un grand soulagement pour nous tous.
Malheureusement, la crise liée au COVID19 est venue assombrir ce moment
de joie.
Nous avions pris contact avec
l’ambassade belge à Rabat depuis bien longtemps, afin de faciliter la
sortie immédiate d’Ali du Maroc, pour qu’il puisse rejoindre l’Espagne.
Le 2 avril 2020, la Direction générale
des établissements pénitentiaires marocaine avait fait savoir qu’elle
était prête à organiser le trajet d’Ali jusqu’à Rabat puis la frontière
espagnole. Ce jour-là, Ali s’est bien fait délivrer un passeport mais,
malgré tous nos efforts, la transmission des informations et des pièces
justificatives aux autorités espagnoles pour qu’il soit autorisé à
rejoindre sa fille, son épouse, sa sœur et son père Melilla, l’Espagne a refusé de lui délivrer un laissez-passer.
Heureusement, grâce à la solidarité
d’une famille extraordinaire, Ali disposait d’un lieu
d’hébergement. Nous le pensions très provisoire. Hélas la situation ne
s’est toujours pas débloquée.
Pour essayer de sortir Ali de cet enfer, nous avons cherché l’appui des autorités consulaires belges. D’abord réactives, celles-ci n’ont ensuite pas confirmé l’inscription d’Ali sur les listes de Belges devant bénéficier d’un rapatriement humanitaire urgent. Nous
avons dès lors déposé une requête unilatérale pour obtenir la garantie
que tout serait mis en œuvre par la Belgique pour permettre à Ali de
quitter le pays de son calvaire. Débouté en première instance, nous
avons interjeté appel. La Cour d’appel a heureusement fait droit à notre
requête et donné injonction à l’Etat belge d’apporter son appui à Ali.
Cette décision est directement
exécutoire et l’Etat belge a donné suite aux injonctions qui lui ont été
faites. Toutefois, l’Etat belge a introduit une « tierce opposition »,
ce qui fait que l’affaire doit revenir devant la Cour d’appel. A suivre…
Nous avons parallèlement, en
collaboration avec Me GALAN MARTIN, interpellé les autorités espagnoles.
Comment est-il possible, en effet, après ce qu’a fait cet Etat – sans
lui, Ali n’aurait jamais été torturé ! – qu’on lui refuse de pouvoir
rejoindre les siens à Melilla ?
Rien n’y a fait. L’Espagne a maintenu son refus d’autoriser le passage de la frontière à Ali,
en invoquant une législation discriminatoire, en ce sens que, partout
ailleurs en Espagne, les résidents, ressortissants de l’Union
européenne, ont le droit de rejoindre leur domicile. Ce refus est
d’autant plus inhumain que la situation sanitaire, tant au Maroc qu’à
Melilla, n’a jamais été inquiétante.
Cette décision nous semble donc …
crapuleuse. Nous avons dès lors introduit une demande de mesure urgente
auprès du Comité des droits de l’Homme des Nations Unies, pour tenter de
contraindre l’Espagne à autoriser le passage de sa frontière. Nous
avons notamment basé notre action sur les conséquences dramatiques de
l’extradition illégale opérée par cet Etat. Encore tout
récemment, le 29 novembre 2019, le Comité contre la torture des Nations
Unies a constaté que les conditions de détention infligées à Ali, durant
des années, étaient constitutives de torture, traitements cruels,
inhumains et dégradants.
Malheureusement, le Comité des droits
de l’Homme ne nous a pas suivi pour cette demande urgente. Reste que
cette procédure est introduite et qu’il convient de la poursuivre afin
de faire condamner une deuxième fois l’Espagne pour son refus d’assister
Ali, pour la violation discriminatoire de son droit à la dignité
humaine et à la vie familiale.
Depuis des semaines, nous
œuvrons, de concert avec la famille AARRASS et ses proches, afin de
permettre à Ali de rentrer chez lui. Nous sommes atterrés de constater
que ni les instruments juridiques, ni l’interpellation des instances
politiques et humanitaires ne nous ont permis d’atteindre ce résultat. Il
semble en effet qu’Ali devra attendre la fin du confinement pour
pouvoir être parmi nous, qui attendons ce jour depuis si longtemps…
Et nous espérons que ce jour pourra advenir avant le 18 juin 2020.
Car, Ali et sa sœur Farida sont montés au front pour tous les
ressortissants belges disposant d’une double nationalité. Après
l’introduction d’un recours auprès de la Cour européenne des droits de
l’homme sur cette problématique, toujours en cours de traitement, ils
ont été à l’initiative du recours introduit devant la Cour
constitutionnelle contre la réforme du Code consulaire, qui a inscrit,
dans notre législation, la discrimination fondée sur ce critère de
double nationalité en matière d’aide consulaire.
Le 18 juin 2020, se tiendra l’audience devant la Cour constitutionnelle. Il serait formidable qu’Ali et sa sœur puissent être là, dans la salle, face aux juges ».
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