Cette décision stupide et inconsidérée va à l'encontre de l'engagement des USA envers les principes de non-acquisition
de territoire par la force et le droit des peuples à
l'autodétermination, tous deux inscrits dans la Charte des Nations
unies. Il est vrai que nous avons ignoré ces principes lorsqu'il s'agit
d'Israël et d'autres pays, mais cela n'excuse pas le fait de les ignorer
au Sahara occidental et de nous imposer des coûts importants en termes
de stabilité et de sécurité régionales et de nos relations avec
l'Algérie.
L'argument que certains à Washington avancent depuis des décennies
selon lequel un État indépendant au Sahara occidental serait un autre
mini-État en faillite est faux. Le Sahara occidental est aussi grand que
la Grande-Bretagne et dispose d'amples ressources en phosphates, en
poisson, en métaux précieux et d'un tourisme basé sur la planche à voile
et les excursions dans le désert. Il est bien mieux loti que de
nombreux mini-États dont les USA ont soutenu la création. Le Front de
libération du Polisario au Sahara occidental a démontré en mettant en
place un gouvernement en exil dans les camps de réfugiés sahraouis du
sud-ouest de l'Algérie qu'il est capable de diriger un gouvernement de
manière organisée et semi-démocratique. La proposition de référendum
que le Polisario a présentée en 2007 prévoit des relations privilégiées
très étroites avec le Maroc en cas d'indépendance. Il a répondu à
l'affirmation selon laquelle il ne pourrait pas défendre le vaste
territoire du Sahara occidental contre les menaces terroristes ou autres
en déclarant qu'il demanderait l'aide d'autres pays jusqu'à ce que ses
propres forces soient pleinement en place.
Il est vrai que les USA ont toujours exprimé leur soutien à la fois
au processus de négociation facilité par l'ONU et, depuis 2007, au plan
d'autonomie du Maroc comme UNE base de négociation possible. Le mot UNE
est crucial car il implique que d'autres résultats pourraient émerger
et garantit ainsi que le Polisario reste dans le processus de
négociation au lieu de se replier sur une reprise de la guerre ouverte
qui a prévalu de 1976 à 1991. C'est cette année-là que le Maroc et le
Polisario ont convenu d'un plan de règlement de l'ONU qui promettait un
référendum en échange d'un cessez-le-feu. Treize années ont été
consacrées à tenter de parvenir à un accord sur une liste d'électeurs,
les sept dernières sous la supervision de James Baker. En fin de
compte, ces efforts ont échoué parce que le Maroc a décidé qu'un
référendum était contraire à ses (prétentions de) souveraineté et, ce
faisant, n'a pas obtenu d’opposition de la part du Conseil de sécurité.
En 2004, cela a entraîné la démission de Baker.
Le Conseil de sécurité a alors opté pour une autre approche, les
négociations directes entre le Maroc et le Polisario. Sous la
présidence de trois envoyés successifs des Nations unies, à savoir des
Pays-Bas (van Walsum), des USA (votre serviteur) et de l'Allemagne
(Kohler), treize cycles de pourparlers en présence de l'Algérie et de la
Mauritanie ont eu lieu entre 2007 et 2019. À ce jour, ces efforts ont
également échoué parce qu'aucune des parties n'était prête à modifier sa
position au nom du compromis. Avec la démission du dernier envoyé en
2019 « pour des raisons de santé » mais plus probablement par dégoût du
manque de respect du Maroc et des efforts pour entraver son travail
(comme ils l'ont fait avec moi), le Secrétaire général des Nations Unies
cherche un autre envoyé. Ceux qui ont été approchés jusqu'à présent ont
été réticents, probablement parce qu'ils voient bien que le Maroc veut
quelqu'un qui sera en fait son avocat au lieu de rester neutre et que,
par conséquent, ils s'embarqueraient dans une « mission impossible ».
Si nous parvenons un jour à un règlement, ce sera par le biais d'un
processus de négociation prolongé, d’une manière ou d’une autre. La
décision du président Trump de reconnaître la souveraineté marocaine
affaiblit toute incitation pour le Polisario à rester dans ce processus.
Elle menace également les relations des USA avec l'Algérie, qui
soutient le droit des Sahraouis à décider de leur propre avenir par
référendum, et compromet le développement de nos liens existants avec
elle en matière d'énergie, de commerce, de sécurité et de coopération
militaire. En résumé, la décision du président Trump garantit la
poursuite des tensions, de l'instabilité et de la désunion en Afrique du
Nord.
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