Nizar Trabelsi, aujourd’hui en grève de la faim
Photo de Nizar Trabelsi à son arrivée à la prison américaine RRJ en 2013,après son extradition illégale par la Belgique3
Nizar Trabelsi, aujourd’hui en grève de la faim
Les autorités judiciaires et politiques et la presse aussi bien américaine que belge n’en reviennent pas. Ainsi, on peut lire dans plusieurs médias américains : « Fait rare et choquant, Trabelsi a été déclaré non coupable par un jury devant un tribunal fédéral. Ses avocats ont insisté sur le fait que Nizar Trabelsi a été pris dans les excès de la réaction américaine après les attentats du 11 septembre. Qu’il avait fait des aveux aux autorités belges, sur lesquels reposaient les accusations américaines, qui étaient faux. L'avocate Sabrina Shroff a fait valoir que la plupart des déclarations de Trabelsi aux autorités belges ne pouvaient être objectivement corroborées. Elle a également déclaré que les autorités belges avaient profité des faiblesses de M. Trabelsi pour extrader à tort un homme innocent vers les États-Unis ».[1] Après le verdict, elle a ajouté : « Mr. Trabelsi espère que la Belgique réparera son erreur - une erreur qui lui a coûté 22 ans de sa vie" vie ».[2]
Libre enfin !?
Acquitté, Nizar Trabelsi ne sort des prisons américaines où il a passé dix ans de sa vie en isolement total et sous les restrictions extrêmes des SAM (les mesures administratives spéciales) que pour être amené au centre de détention pour étrangers à Farmville en Virginie en attendant son transfert hors des États-Unis.
Quand il y est arrivé, il est autorisé de téléphoner. J’ai pu avoir une conversation au téléphone avec lui pendant un long moment, ce qui m’était interdit pendant dix ans lorsqu’il était en prison. Désespéré, Il m’a demandé de chercher de l’aide. Pour que les médias parlent de sa situation, pour qu’il puisse revenir en Belgique et rejoindre sa famille. Mais, depuis le 20 juillet 2023, six jours après son arrivée dans ce centre, plus rien. Il est replacé en isolement total dans les mêmes conditions carcérales d’avant (ce que les Américains appellent poliment « administrative housing »).
Le 24 septembre, il décide d’utiliser la seule arme qui lui reste : une grève de la faim et de la soif. Son avocate américaine, Sabrina Shroff, a fait savoir que depuis, Trabelsi a été transféré dans un hôpital et qu'on l'avait forcé à boire. Après quelques examens, il est retourné en prison. Il a déjà perdu dix kilos.
Voici des phrases que j'ai notées lors de notre conversation, avant qu’il commence sa grève de la faim et de soif. C’est le témoignage d’un homme détruit par dix ans de détention dans des conditions d’isolement extrêmes.
« Je ne supporte plus l'isolement et en même temps je ne supporte pas d'être avec d'autres personnes. Je ne supporte pas le silence et en même temps je ne supporte pas le bruit.
Je ne supporte pas que des personnes parlent en même temps. Je ne peux pas supporter les gens qui crient fort, je panique. Je n’arrive plus à bien parler, même pas à m'exprimer en arabe ou dans une autre langue. Je ne peux pas marcher, seulement de courtes distances, je me fatigue rapidement si c’est plus long. Je ne vois pas bien.
Je n’arrive pas bien à dormir. Seulement entre deux heures et deux heures et demie et seulement le matin quand je suis très fatigué. Ma relation avec ma famille est détruite. Je ne sais pas comment parler à ma femme je ne peux parler que de problèmes.
Pendant plus de deux ans, j'ai pris une douche avec des menottes aux mains et des entraves à mes pieds. C'est la pire chose qui me soit arrivée. Pour sortir de cette humiliation, je me suis lavé très souvent dans ma cellule avec de l'eau froide en hiver, car j'étais fatigué d’être enchainé. Une heure de récréation par semaine pour moi tout seul, seulement à 8 heures du matin. Je ne peux parler au psychologue que derrière ma porte fermée. Je peux voir le médecin avec les entraves. . Je suis ici à FarmVille depuis 45 jours. Qu'est-ce que j'ai fait pour être traité de cette manière ? Pour l’ICE (U.S. Immigration and Customs Enforcement, ndlr) et le gouvernement fédéral, un chien est mieux loti que moi. Ils fouillent ma cellule tous les jours à n'importe quelle heure, jour et nuit.
Combien de fois j’ai souhaité respirer, voir le ciel, voir la lumière du jour, mais je ne peux pas. J'ai toujours froid même quand il fait très chaud dehors. J'ai besoin de quatre couvertures. Il y a trop de choses à raconter sur ma vie dans les prisons américaines pendant dix ans. Je me souviens très bien du rapport qui disait que le gouvernement américain a le droit de faire tout et n'importe quoi, même de torturer tous ces « terroristes d'Al Qaeda » pour protéger les citoyens américains. Je ne suis pas un terroriste. Je ne suis pas d'al Qaeda. J'ai été torturé et maltraité pendant vingt-deux ans, ils doivent payer pour les dégâts. Ma vie, mon avenir est détruit. Je suis innocent. Je suis innocent… ».
Pendant ce temps, sauf exception[3], le silence règne. Sur les murs des bâtiments officiels, les photos de Olivier Vandecasteele ont disparu. Sur la façade des Musées royaux des beaux-arts de Belgique apparaît maintenant une banderole pour l’opposante iranienne Mahsa Amini : “say her name Mahsa Amini”. En ce qui concerne Nizar Trabelsi, la Belgique, premier responsable dans cette affaire, a fait savoir qu’elle ne ferait rien et qu’elle ne demanderait pas le retour de Nizar Trabelsi en Belgique.
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