C’est bien connu, le Maroc est une terre d’accueil. Depuis des
siècles, juifs et musulmans cohabitent aux sons des ruelles des Mellahs.
Cette année, c’est toujours dans ce même esprit que Hanouka a été
fêtée, pendant huit jours, du 25 décembre 2024 au 2 janvier 2025.
Famille berbère juive de Marrakech. Photo prise par Gabriel Veyre en 1901
Hanouka, aussi appelée fête des lumières, trouve ses origines dans l’histoire juive. Elle commémore la révolte des Maccabées au IIe siècle contre l’Empire séleucide.
Un petit point de géographie pour ne pas s’y perdre, l’Empire séleucide
avait pour capitales (en 300 avant J.C.), Antioche en Syrie, et
Séleucie en Mésopotamie (en Irak). Retour à notre histoire. Il y a eu
miracle de l’huile : une petite quantité qui a brûlé pendant huit jours
au lieu d’un seul. Cela symbolise la victoire spirituelle sur
l’oppression.
Au Maroc, cette célébration a traversé les âges, intégrant des
éléments locaux et devenant essentielle pour les communautés juives
réparties à travers le Royaume. Dans les Mellahs de Fès, de Marrakech ou
encore d’Essaouira, les bougies de Hanouka brillaient nostalgiquement.
Hanouka hier
Pour les juifs marocains, Hanouka n’était pas juste une commémoration
historique. C’était un temps de famille, de partage. Les bougies,
placées dans des lampes en métal ou en verre décorées, étaient allumées
avec des prières chantées, souvent mélangées à des mélodies séfarades.
Le soir, les familles se rassemblaient autour de plats traditionnels,
préparés avec amour. Les sfenj, beignets dorés au miel, étaient
incontournables, symbolisant l’huile du miracle. Les enfants jouaient au sevivon (la toupie) et recevaient de l’argent ou des bonbons, prolongeant ainsi la joie de cette fête lumineuse.
Dans certains villages du sud, où juifs et musulmans vivaient dans un
respect mutuel, il était commun de retrouver des voisins musulmans
assistant à l’allumage des bougies ou apportant des cadeaux à cette
occasion. Cette proximité culturelle faisait de Hanouka une célébration
unique au monde.
Si Hanouka est une fête universelle, sa célébration au Maroc est
profondément ancrée dans la culture locale. Les rites, bien qu’ancrés
dans la tradition juive, s’imprégnaient des saveurs et des couleurs
marocaines.
Les lampes de Hanouka, souvent artisanales, témoignaient d’un
savoir-faire local. Fabriquées en métal ou en céramique, elles pouvaient
afficher des motifs marocains, mélangeant calligraphie hébraïque et
arabesques. Cette fusion artistique prouvait le dialogue entre les
cultures, symbole d’une coexistence pacifique au fil des siècles.
Les chants de Hanouka, portés par les familles, se mêlaient aux
accents marocains. Des psaumes en hébreu étaient suivis de piyyoutim
chantés en arabe ou en ladino, reflétant la richesse linguistique des
communautés juives marocaines.
Un héritage en exil ?
Avec le départ massif des juifs marocains au milieu du XXe siècle,
Hanouka a pris une tournure plus profonde. Pour ceux installés en
Israël, en France, au Canada ou ailleurs, cette fête est devenue un
moment de reconnexion avec leurs racines marocaines. Les saveurs des
sfenj, les lampes traditionnelles transmises de génération en génération
et les histoires autour des bougies rappellent la chaleur de leur lien
avec le Maroc.
Dans les synagogues marocaines de Casablanca, par exemple, Hanouka,
c’est aussi un moment pour se souvenir. On pense aux ancêtres, aux
saints comme Rabbi Haïm Pinto ou Rabbi Amram Ben Diwan, et à la paix
dans leur terre d’origine.
Au Maroc, Hanouka dépasse la simple célébration juive. C’est un
message pour tous : la lumière gagne sur les ténèbres. L’espoir résiste
malgré les défis. Dans un Maroc qui veut garder son héritage
judéo-marocain, cette fête a une signification forte.
Quand les bougies de Hanouka sont allumées, chaque famille juive
marocaine ravive une ancienne histoire. Le passé éclaire le présent.
Cette lumière brille dans les ruelles marocaines et dans le cœur de ceux
qui ont quitté leur terre. Elle témoigne d’une foi solide, d’un désir
de coexistence et d’un amour durable pour la mémoire collective.
Une flamme éternelle, aussi réelle que l’histoire qu’elle raconte.
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