Damien Glez, Jeune Afrique, 3/9/2025
Une récente étude d’Afrobarometer révèle que les violences conjugales restent justifiées par une part de la gent masculine africaine. Cette opinion est partagée dans de nombreux pays, à l’instar du Maroc où les hommes sont 24 % à les considérer « acceptables ». Le patriarcat et les interprétations des textes religieux et coutumiers sont montrés du doigt.
Il est des sondages où le résultat minoritaire est le plus… frappant. Selon une récente étude intitulée « Exposition aux conflits violents et attitudes face aux violences conjugales en Afrique », 24 % des Marocains considèrent « acceptable » le recours à la violence contre l’épouse. Certains jugent cet usage « justifié dans certaines circonstances », tandis que d’autres l’estiment « légitime en toutes occasions ». Le pays est toutefois loin d’être un cas isolé : le réseau de recherche Afrobarometer place le royaume au 21e rang sur 39 pays du continent où il a enquêté.
Si l’on regarde le verre à moitié plein, l’étude menée entre 2016 et 2023 dévoile qu’à l’échelle de l’Afrique, 72 % des personnes interrogées rejettent totalement cette pratique. Il reste tout de même 9 % qui « approuvent systématiquement » les violences conjugales et 19 % – hypocrites ? – qui les acceptent « dans certains cas ».
Continent plus ou moins misogyne
Parmi les 39 pays considérés, les différences relevées sont considérables. Manifestement pacifiques, dans leurs bulles conjugales, 3 % seulement des sondés cap-verdiens tolèrent la violence sur épouse. À l’autre extrémité du classement, le Gabon enregistre le taux d’adhésion le plus élevé (67 %) à l’usage du poing ou du ceinturon. Les citoyens de certains pays – comme 58 % des Congolais – acceptent de répondre tout en revendiquant le caractère privé de la violence conjugale. Même lorsqu’elle est discutable, celle-ci ne devrait donc, pour eux, ne jamais conduire à des interventions des forces de l’ordre…
Les spécialistes des violences basées sur le genre (VBG) de nombreux pays esquissent deux types de pistes, pour expliquer la persistance de ces coups autojustifiés. Ainsi, surnage le mot « patriarcat » qui, dans nombre de familles d’Afrique en général et du Maghreb en particulier, connaît un regain de popularité avec la montée d’un discours masculiniste radical, notamment dans l’espace numérique et bien au-delà de l’Afrique. Cet appel à une « tutelle » de l’homme sur sa conjointe est un comble ou un retour de bâton – c’est selon – après l’aboutissement avéré de luttes féministes et les vagues de valorisation du consentement comme #MeToo.
Avancées marocaines
La seconde dimension qui expliquerait le plus la persistance d’une certaine adhésion aux violences conjugales, comme au Maroc, serait l’interprétation sélective de discours et de textes religieux ou coutumiers. Les victimes peineraient à s’extraire d’un foyer toxique pour des raisons de regard sociétal, de mentalité populaire, de dépendance économique ou même d’attachement à l’agresseur à qui l’on concèderait des circonstances psychiques atténuantes…
Au Maroc, les associations féministes et les médias tentent de décrire les violences conjugales comme des atteintes graves aux droits humains fondamentaux. De leur côté, les autorités essaient de réduire ces dérives, par des réformes du Code de la famille – la Moudawana – ou par l’adoption de textes comme la loi n° 103.13 de 2018 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes. Et il n’est jamais inutile de rappeler que depuis 2011, la Constitution marocaine consacre, dans son préambule et dans son article 19, l’égalité femmes-hommes…


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