mercredi 15 octobre 2025

Audition de la Commission européenne au Parlement européen sur l'accord d'association UE-Maroc (6 octobre 2025)

On trouvera ci-dessous un résumé en français du débat (original anglais  ici).

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Parlement européen – 6 octobre 2025

Audition de la Commission européenne – Comité du commerce international (INTA)

Objet :

Échange de vues avec la Commission européenne sur la conclusion, au nom de l’Union européenne, de l’accord sous forme d’échange de lettres concernant la modification des protocoles 1 et 4 de l’accord d’association euro-méditerranéen entre les Communautés européennes et le Royaume du Maroc.

Intervenants :

Bernd Lange, Lynn Boylan, Kathleen Van Brempt, Juan Ignacio Zoido Álvarez, Thierry Mariani, Nicholas Bay, Marie-Pierre Vedrenne, Vicent Marzà Ibáñez, Carmen Crespo Díaz, Céline Imart, Javier Moreno Sánchez, Lukas Sieper, Saskia Bricmont, Udo Bullmann, Mireia Borrás Pabón, Ana Miranda.

Pour la Commission européenne :
Valeria Miceli (DG TAXUD, cheffe de l’unité Commerce international),
Isabel García Catalán (DG TAXUD, cheffe de l’unité Règles d’origine),
Florian Ermacora (DG MENA, chef d’unité Maroc-Algérie-Tunisie-Libye).

Ouverture de la séance

Bernd Lange, président de la commission INTA (S&D, Allemagne) :

« Le dernier point de notre ordre du jour concerne l’échange de vues avec la Commission sur sa proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l’accord avec le Maroc sous forme d’échange de lettres modifiant les protocoles 1 et 4.
Nous en avions déjà discuté le 2 décembre dernier, après l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 4 octobre 2024 sur l’application de l’accord au Sahara occidental.
La Cour a répété qu’il fallait le consentement du peuple sahraoui et que les produits originaires du Sahara occidental devaient être clairement étiquetés.
Or, la Commission n’a pas respecté cet arrêt.
J’ai appris il y a dix jours qu’un nouvel accord avait été signé sans explication claire et, pire encore, appliqué provisoirement sans le consentement du Parlement européen.
C’est contraire à tous les engagements pris par les précédents commissaires au commerce et au cadre interinstitutionnel récemment adopté. »

Présentation de la Commission européenne

Valeria Miceli (DG TAXUD)

Elle décrit le processus :

  • L’arrêt du 4 octobre 2024 a annulé la décision du Conseil de 2018 tout en maintenant ses effets pendant un an.
  • Durant cette période, la Commission a analysé les implications juridiques et, en juillet 2025, reçu un signal politique du Maroc ouvrant la voie à de nouvelles négociations.
  • Le 22 juillet 2025, la Commission a recommandé au Conseil d’ouvrir des négociations.
  • Le 10 septembre, le Conseil a autorisé l’ouverture des négociations, qui ont immédiatement débuté.
  • Le 18 septembre, la Commission a adopté la proposition d’accord, suivie de la signature et de l’application provisoire le 3 octobre 2025.

Isabel García Catalán (DG TAXUD – Règles d’origine)

Elle précise le contenu juridique :

  • Les produits originaires du Sahara occidental bénéficient désormais des mêmes préférences tarifaires que ceux du Maroc.
  • Le texte introduit l’identification obligatoire de la région de production (Dakhla, Laâyoune) sur les certificats d’origine, les déclarations de factures et les étiquettes.
  • Les autorités marocaines pourront délivrer les certificats de conformité pour ces produits.
  • Un mécanisme d’évaluation et d’échanges d’informations est prévu par le Comité d’association UE-Maroc.
  • Une modification du règlement délégué sur l’étiquetage des fruits et légumes est envisagée.

Florian Ermacora (DG MENA)

Il aborde la question du consentement du peuple sahraoui :

  • Le consentement peut être explicite ou implicite, selon la CJUE.
  • Le consentement implicite peut être présumé si l’accord ne crée pas d’obligation pour le peuple du Sahara et s’il leur procure des avantages concrets, substantiels, proportionnels et vérifiables, dans le respect du développement durable.
  • L’Union européenne s’engage, par une déclaration, à financer :
    • des projets dans les secteurs de l’eau et de l’énergie au Sahara occidental,
    • une aide humanitaire aux Sahraouis des camps de Tindouf,
    • des programmes éducatifs et culturels pour les Sahraouis vivant ailleurs.
  • Un mécanisme de contrôle régulier vérifiera que les bénéfices atteignent effectivement les Sahraouis.

Débat parlementaire

Lynn Boylan (La Gauche, Irlande)

  • Dénonce le manque de transparence et l’exclusion du Parlement.
  • S’interroge sur la vitesse des négociations (8 jours entre mandat et conclusion).
  • Estime que le financement de la région pourrait renforcer l’occupation marocaine.
  • Demande si une évaluation d’impact a été réalisée sur le processus de référendum de l’ONU.

Juan Ignacio Zoido Álvarez (PPE, Espagne)

  • Salue la nécessité de combler un vide juridique, mais demande une surveillance rigoureuse des produits sensibles (tomates).
  • Souligne que la transparence est indispensable pour la confiance mutuelle.

Kathleen Van Brempt (S&D, Belgique)

  • Accuse la Commission d’avoir agi sans plan B et ignoré le Parlement.
  • Remet en cause la méthodologie du prétendu consentement sahraoui.
  • Juge le mécanisme de mise en œuvre insuffisant et proche de l’accord de 2018.

Thierry Mariani (Patriotes pour l’Europe, France)

  • Défend la position marocaine et qualifie le Front Polisario d’organisation illégitime soutenue par l’Algérie.
  • Salue l’accord comme garant de stabilité et de coopération antiterroriste.

Nicholas Bay (ECR, France)

  • Dénonce la CJUE pour avoir « cédé à la gauche et au Polisario ».
  • Vante la fiabilité du Maroc et ses standards d’étiquetage.
  • Condamne les attaques contre la souveraineté marocaine.

Marie-Pierre Vedrenne (Renew, France)

  • Soutient que l’accord permet aux Sahraouis de bénéficier des ressources locales.
  • Rappelle néanmoins que la Commission ne doit pas marginaliser le Parlement.

Vicent Marzà Ibáñez (Verts/ALE, Espagne)

  • Dénonce un accord contraire à la décision de justice et appliqué sans débat.
  • Exige que les étiquettes mentionnent explicitement “Sahara occidental”.
  • Condamne la procédure d’application provisoire.

Carmen Crespo Díaz (PPE, Espagne)

  • Rappelle la fin de l’accord de pêche en 2023 et critique la perte des quotas agricoles.
  • Demande des clauses de sauvegarde automatiques et le respect de l’article 218 du TFUE.

Céline Imart (PPE, France)

  • Met en garde contre une invasion de tomates marocaines (+55 % en dix ans).
  • Exige des quotas, tarifs et clauses de protection pour les producteurs européens.

Javier Moreno Sánchez (S&D, Espagne)

  • Demande des chiffres précis sur les fonds destinés aux Sahraouis et sur les aides humanitaires.
  • Insiste sur la nécessité de respecter le droit international.

Lukas Sieper (Indépendant, Allemagne)

  • Fustige le déficit démocratique de la Commission.
  • Appelle à une coopération institutionnelle transparente pour restaurer la confiance citoyenne.

Saskia Bricmont (Verts/ALE, Belgique)

  • Accuse la Commission d’être hors la loi internationale en ignorant le consentement sahraoui.
  • Met en garde contre le financement d’entreprises colonisatrices.
  • Exige la mention « Sahara occidental » sur les étiquettes et une place pour les Sahraouis dans les groupes consultatifs.

Udo Bullmann (S&D, Allemagne)

  • Dénonce une violation flagrante des droits du Parlement et exige que cela ne se reproduise plus.

Mireia Borrás Pabón (PfE, Espagne)

  • Juge l’accord contraire à l’arrêt de la CJUE et dommageable pour les agriculteurs européens.
  • Réitère : les étiquettes doivent mentionner “Sahara occidental”.

Ana Miranda (La Gauche, Espagne)

  • Condamne un accord négocié secrètement sans consultation du Parlement ni du Front Polisario, représentant légitime des Sahraouis selon le droit international.

Réponses de la Commission

Isabel García Catalán

  • Explique la brièveté des négociations par la pression politique et les délais.
  • Précise que la région d’origine sera identifiée “en expédition par expédition”, permettant des statistiques séparées pour le Maroc et le Sahara occidental.
  • Les exportations concernent environ 600 millions d’euros, dont 500 millions pour le poisson et le reste pour tomates et melons.

Florian Ermacora

  • Justifie la notion de consentement implicite, conforme à la jurisprudence.
  • Détaille un mécanisme de suivi :
    • évaluation des ressources naturelles exploitées,
    • suivi des financements et de leur distribution,
    • contrôle de l’arrivée effective des bénéfices aux Sahraouis.
  • L’aide humanitaire aux camps de Tindouf est d’environ 9 millions d’euros par an.

Valeria Miceli (conclusion)

« La Commission européenne respecte le rôle du Parlement et transmettra prochainement la proposition de conclusion de l’accord pour examen. »

Bernd Lange (clôture)

« Merci pour vos explications, mais vous transmettrez à vos supérieurs que le président, tout comme nombre de mes collègues, est profondément insatisfait de la procédure. »

 

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