"Vos souffrances sont nos souffrances, vos
pleurs sont nos pleurs. Nos deux peuples souffrent. Ils ont érigé des
murs entre nous."
Rosa Moussaoui,Lundi, 27 /3/ 2017,L'Humanité
Sahara Occidental.
La condamnation du Maroc par le Comité de l’ONU contre la torture est
au cœur des débats, dans le procès de Gdeim Izik. Le prisonnier
politique sahraoui Ennaâma demande que cette décision onusienne soit
versée aux débats.
Le
procès en appel des vingt-cinq militants sahraouis de Gdeim Izik se
poursuit aujourd’hui à Salé, au Maroc, dans une atmosphère de tension et
de pression policière.
Samedi, dans l’après-midi, les forces de l’ordre
ont encerclé la maison louée, le temps du procès, par les familles des
prisonniers, à quelques encablures du tribunal. Un acte d’intimidation
visant le collectif d’activistes sahraouis qui relaient, sur Internet et
les réseaux sociaux, les nouvelles du procès, mais aussi l’observatrice
portugaise Isabel Lourenço, qui se trouvait avec eux. Le même jour,
Hassana Abba, militant de la défense des droits humains, membre de l’ONG
Front Line Defenders, était brièvement interpellé et fouillé, puis
relâché sans avoir été conduit au commissariat.
En fin de semaine dernière, la cour d’appel de Salé a
procédé aux interrogatoires d’Ennaâma Asfari et de Cheikh Banga,
présentés comme les « chefs » du soulèvement populaire de 2010, au
Sahara occidental occupé.
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Le violent démantèlement du camp de
protestation de Gdeim Izik par les autorités marocaines, le 8 novembre
2010, avait donné lieu à des affrontements qui ont coûté la vie à onze
membres des forces de sécurité. Ennaâma Asfari et Cheikh Banga ont tous
les deux clamé leur innocence, affichant d’abord leur empathie avec les
familles des victimes. « Vos souffrances sont nos souffrances, vos
pleurs sont nos pleurs. Nos deux peuples souffrent. Ils ont érigé des
murs entre nous. Nous ne sommes pas des criminels, nous menons un combat
pacifique pour le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination ! » a
lancé le jeune Cheikh Banga. Ces militants, tous deux condamnés en 2013
par la justice militaire à trente ans de prison, se sont montrés très
offensifs, l’un sur le terrain juridique, l’autre sur un terrain plus
politique, suscitant, souvent, l’ire du président. Juriste de formation,
Ennaâma Asfari a démonté point par point, neuf heures durant, la
fiction du « procès équitable » mis en scène par le pouvoir marocain
après l’annulation des lourdes sentences du tribunal militaire par la
Cour de cassation. Il est longuement revenu sur la torture, sur les
traitements inhumains et dégradants endurés après son enlèvement par la
police, la veille du démantèlement du camp. De graves violations des
droits humains qui ont valu au Maroc, le 12 décembre 2016, une
condamnation par le Comité de l’ONU contre la torture (CAT), après le
dépôt d’une plainte soutenue par l’Action des chrétiens pour l’abolition
de la torture (Acat). En réponse à la demande d’Ennaâma Asfari, le
parquet n’exclut pas de verser la décision du CAT au dossier, sous
réserve de sa traduction en arabe. Cela marquerait un tournant dans ce
procès où le mot « torture » était jusqu’ici tabou.
De son côté, Cheikh Banga a justifié son engagement pour
l’indépendance du Sahara occidental en citant saint Augustin : « À une
loi injuste, nul n’est tenu d’obéir. » Au président lui reprochant sa
ligne de défense, il a rappelé que tous les interrogatoires subis depuis
son arrestation en 2010 portaient, pour l’essentiel, sur ses activités
politiques. « Les accusés sont tous interrogés sur des PV contestés,
consignant des aveux extorqués sous la torture. Par ailleurs, les faits
incriminés restent imprécis, on ne sait pas qui est accusé d’avoir tué
qui, ni dans quelles circonstances exactes les victimes ont trouvé la
mort », déplore Me Olfa Ouled, l’une des avocates françaises des
prisonniers sahraouis. De quoi semer le doute jusque dans l’esprit de
certains avocats des parties civiles, bien obligés d’admettre, en off,
que le dossier ne contient pas l’ombre d’une preuve. En fait, les
questions adressées aux accusés ne visent qu’à brosser les contours
d’une conspiration politique planifiée depuis l’Algérie. Les causes
sociales du soulèvement de Gdeim Izik, pourtant, ne sont pas à
rechercher à l’étranger. Elles restent incandescentes. Jeudi, à
Laâyoune, des jeunes chômeurs ont occupé un car de l’Office chérifien
des phosphates (OCP), menaçant de s’immoler par le feu à l’intérieur du
véhicule. Les protestataires ont été évacués sans ménagement,
l’opération faisant une douzaine de blessés. À Salé, Ennaâma Asfari,
lui, sait bien que son sort se joue hors de la salle d’audience.
« Derrière le tribunal, il y a l’État marocain, résume-t-il. À la fin,
c’est le roi qui décide. »
L’Union africaine tance le Maroc
Dans une décision datée du 20 mars, le Conseil de paix et
de sécurité de l’Union africaine (UA) appelle le Maroc et la République
arabe sahraouie démocratique (RASD) à engager « immédiatement des pourparlers directs et sérieux, sans conditions préalables » pour « surmonter l’impasse actuelle dans le processus de paix au Sahara occidental ».
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