Tout n’est pas prêt pour l’adhésion du Maroc à l’organisation
régionale. Il y a bien quelques retards d’ordre technique, mais aussi
des réserves politiques. Décryptage.
Contrairement à ce qui était attendu, l’adhésion du Maroc à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) ne sera pas entérinée lors du 52ème
sommet de ce regroupement régional qui aura lieu ce samedi 16 décembre à
Abuja. En juin dernier, à Monrovia, les chefs d’État de la Cedeao ont
donné leur accord de principe à l’adhésion du royaume. S’ils ont assuré
ce dernier de leur plein soutien, ils ne pouvaient pas forcer leurs
appareils politiques et diplomatiques hostiles au Maroc sur la question
du Sahara occidental.
Poids des alliés de la RASD
Les plus grandes réserves ont été exprimées par le Nigeria,
allié solide de la RASD sur le continent. Même si les relations entre le
roi du Maroc et le président, Muhammadu Buhari, sont qualifiées
« d’amicales » – le roi du Maroc avait à plusieurs reprises appelé le
président nigérian pour s’enquérir de son état de santé et ce dernier
l’avait assuré de son soutien à l’adhésion du Maroc à la CEDEAO – il ne
pouvait pas se mettre à dos une machine politico-diplomatique nigériane
historiquement acquise aux indépendantistes sahraouis. L’ex-général de confession musulmane était un des premiers
chefs d’État africains à avoir reconnu la RASD en novembre 1984, un an
après sa première accession au pouvoir suite à un coup d’État militaire.
C’est dire combien le soutien au Polisario est fortement ancré dans la
politique nigériane.
« Contrainte technique »
Mais depuis son récent rapprochement avec le Maroc – à la faveur d’un méga-contrat de construction d’un gazoduc ouest-africain
et d’un investissement croisé dans les phosphates- il s’est montré plus
ouvert au dialogue sans pour autant renier ses positions pro-polisario.
Il y a quelques semaines, en tant que pays hôte du sommet de la Cedeao, il
a fait savoir au président togolais Faure Gnassingbé, président en
exercice de cette organisation, que l’adhésion du Maroc ne pouvait pas
aboutir lors du sommet de décembre. Raison officielle : les pays
membres n’avaient pas reçu à temps l’étude d’impact de l’entrée du
Maroc. Par conséquent, la décision d’accepter ce dernier parmi eux sera
légèrement repoussée – visiblement à début 2018 – le temps que tout le
monde examine cette copie.
Le 9 décembre, Faure Gnassingbé envoie un courrier au roi
Mohammed VI lui expliquant cette « contrainte technique ». Le lendemain,
le 10 décembre, il reçoit le ministre des Affaires étrangères marocain,
Nasser Bourita, en mission secrète à Lomé pour lui exprimer de vive
voix le fait que ces contraintes ne remettent pas en cause les bons
sentiments des chefs d’État africains à l’égard du monarque marocain.
Naviguer en terrain hostile
Le message a été visiblement accueilli avec compréhension
par le Maroc. Certes, le roi n’ira pas à Abuja, mais le royaume sera
représenté par son appareil diplomatique, déjà à pied d’œuvre sur les
modalités techniques de son adhésion à ce marché commun.
Réputés offensifs, les Marocains ont appris à faire preuve de souplesse lorsqu’ils sentent que leurs amis Africains pourraient
être gênés vis-à-vis de leurs opinions publiques. En témoigne, la
participation du roi Mohammed VI, fin novembre, au sommet UA-UE
d’Abidjan en dépit de la présence annoncée de la RASD qui a réussi à se
faire inviter grâce à une bataille d’influence menée par Alger au sein
de l’UA.
Rabat avait alors fait savoir qu’elle ne voulait pas se
laisser entraîner dans « des batailles subalternes » qui allaient mettre
ses amis africains dans une position délicate. Le Maroc ne pratiquera
pas la politique de chaise vide, mais garde toujours en vue son objectif
majeur : en finir avec cette « aberration historique » appelée la RASD.
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