Lettre ouverte au
Ministre marocain de la Justice et des Libertés
Administration pénitentiaire et de la réinsertion
Place de la Mamounia,
BP 1015,Rabat, Maroc.
et au Directeur de
la prison locale d’Aït Meloul
Agadir, Maroc
Copies
au CNDH, à Amnesty International, à l’ACAT, à HRW, à l’ASTHOM, à APSO, à, à
l’AMDH, à ATTAC Maroc et France ...
Monsieur le Ministre, Monsieur le Directeur
Il
y a trois ans, l’association Amis du Peuple du Sahara Occidental m’a proposé de
devenir « marraine » du prisonnier sahraoui Salek Laasairi. J’ai
alors appris qu’en 2015 il a été condamné à la réclusion perpétuelle par jugement
rendu à la cour militaire, pour un crime qu’il nie toujours avoir commis. Il
avait alors 21 ans. Depuis il est transféré de prison en prison. Il est
actuellement à la prison locale d’Aït Meloul, avec le numéro d’écrou 7533.
Il
n’est pas dans mon propos de critiquer ni d’approuver cette décision de
justice, n’ayant jamais eu connaissance de la moindre preuve concernant ce
crime.
Mais
je veux vous faire part de mon indignation chaque fois que j’apprends que Salek
est victime d’atteintes à sa sécurité et son intégrité physique, les tabassages
fréquents pouvant aller jusqu’à la torture, le viol, l’horreur de l’abject
cachot, mais aussi le saccage ou le vol de ses affaires personnelles,
téléphone, contenu de colis reçus, de même que le mépris, la discrimination, les
insultes raciales. Salek ne se plaint jamais de quoi que ce soit lorsque nous
arrivons à nous téléphoner, au contraire il me dit « Moi, tout va bien, ma
famille aussi » avant de me demander des nouvelles des un et des autres. C’est
par des associations des droits de l’homme que je suis informée. Les gardiens
se montrent particulièrement odieux à son égard parce qu’il est Sahraoui.
Mais
comme si ces agressions au quotidien ne suffisaient pas, le personnel pénitentiaire
veille à évacuer tout ce qui pourrait apporter à Salek la moindre satisfaction,
la moindre parcelle de bonheur comme son tour au téléphone une fois par
semaine à la cabine de la prison, avec sa famille qu’il aime par-dessus tout,
et avec ses amis. Un moment heureux qui lui fait un peu oublier l’univers
carcéral. Mais ce moment est de plus en plus court, voire réduit à quelques
secondes, ou même supprimé. Et s’il proteste il est roué de coups avant d’être
jeté au cachot, endroit infect avec la seule compagnie des rats. Des séjours d’isolement
qui peuvent durer plusieurs semaines. Il est même arrivé qu’il y soit enfermé
jusqu’à un mois et demi. Pour protester il refuse parfois toute nourriture.
Autre
petit bonheur qu’il attend avec impatience : les colis que lui envoient à
tour de rôle un groupe d’amis. Colis au modeste contenu : vêtements
achetés aux fripes, vieux magazines, livres en langue anglaise selon son désir,
petits objets sans valeur marchande… Nous savons par expérience que tout objet
ayant un petit coût ne lui parvient pas. Chocolat et autres douceurs sont
interdits.
Le
29 novembre je lui ai envoyé un de ces colis de pauvre tant attendu. Quelques
semaines plus tard il m’est retourné. J’y vois la mention : « admis
en franchise douanière », et aussi écrit à la main : « refusé
réception, le 7/12/2017 ». Aucun motif de retour n’a été coché (NPAI, Non
réclamé, FD, Refusé, Réexpédié, Adresse incomplète). L’adresse est celle que
j’utilise à chaque envoi, sans qu’il n’y ait eu aucun retour. Le colis n’a pas
été ouvert. C’est donc la prison qui a refusé à Salek ce petit bout de
plaisir ! Le 2 janvier je l’ai renvoyé.
L’ignoble
avait déjà été atteint lorsque la mère, la sœur et le frère malade de Salek ont
voulu lui rendre visite. Ils avaient économisé pour pouvoir payer ce voyage de 400 kilomètres. Mais
non seulement ils ont dû attendre toute la journée sans avoir pu le rencontrer,
mais par sadisme, pour les humilier, « trois
gardiennes ont obligé sans ménagement sa
mère et sa sœur à se mettre totalement nues, pour des fouilles allant jusqu’à
l’exploration vaginale manuelle, avec crachats et insultes à caractère racial.
Cette fouille s’est déroulée devant des gardiens hommes qui ont pris des photos,
et des visiteurs » (Emsarah.com, 15/1/2016). La ligue pour la
protection des prisonniers sahraouis a dénoncé fortement ce harcèlement subi
par la famille Laasairi, le considérant comme un acte raciste à l’opposé des
affirmations de progrès démocratiques proclamées haut et fort par les autorités
marocaines.
Monsieur le Ministre de la Justice et des Libertés, Monsieur le Directeur de la prison locale d’Aït Meloul
Je
ne décèle ni souci de « justice », ni espoir de « liberté »
dans le cauchemar que vit mon ami Salek. Je m’associe à la peine et la colère
des familles des prisonniers détenus sans aucune humanité, sans aucun respect
des conventions internationales. Le but de l’emprisonnement ne devrait-il pas
être la réinsertion (mention qui fait partie de votre titre), le retour à une
vie citoyenne normale, et non la mort à petit feu… ?
Pour
Salek et les prisonniers et leurs familles je vous demande, Monsieur le
Ministre, Monsieur le Directeur, de donner des ordres au personnel de la prison
locale d’Aït Meloul et des autres prisons du royaume que soient respectés le
droit de visites, le droit de téléphoner à ses proches et le droit de recevoir
des colis avec l’intégralité de leur contenu.
D’avance
et pour eux, je vous remercie,
Marie-José Fressard
Solidarité Maroc 05
05000 Gap
France
8/1/2018
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