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mercredi 17 janvier 2018

Maroc : Lettre ouverte au Ministre de la Justice et des Libertés et au Directeur de la prison locale d’Aït Meloul



Lettre ouverte au Ministre marocain de la Justice et des Libertés

Administration pénitentiaire et de la réinsertion

Place de la Mamounia,
BP 1015,Rabat, Maroc.

et au Directeur de la prison locale d’Aït Meloul
Agadir, Maroc

Copies au CNDH, à Amnesty International, à l’ACAT, à HRW, à l’ASTHOM, à APSO, à, à l’AMDH, à ATTAC Maroc et France ...

   Monsieur le Ministre, Monsieur le Directeur

Il y a trois ans, l’association Amis du Peuple du Sahara Occidental m’a proposé de devenir « marraine » du prisonnier sahraoui Salek Laasairi. J’ai alors appris qu’en 2015 il a été condamné à la réclusion perpétuelle par jugement rendu à la cour militaire, pour un crime qu’il nie toujours avoir commis. Il avait alors 21 ans. Depuis il est transféré de prison en prison. Il est actuellement à la prison locale d’Aït Meloul, avec le numéro d’écrou 7533.

Il n’est pas dans mon propos de critiquer ni d’approuver cette décision de justice, n’ayant jamais eu connaissance de la moindre preuve concernant ce crime.

Mais je veux vous faire part de mon indignation chaque fois que j’apprends que Salek est victime d’atteintes à sa sécurité et son intégrité physique, les tabassages fréquents pouvant aller jusqu’à la torture, le viol, l’horreur de l’abject cachot, mais aussi le saccage ou le vol de ses affaires personnelles, téléphone, contenu de colis reçus, de même que le mépris, la discrimination, les insultes raciales. Salek ne se plaint jamais de quoi que ce soit lorsque nous arrivons à nous téléphoner, au contraire il me dit « Moi, tout va bien, ma famille aussi » avant de me demander des nouvelles des un et des autres. C’est par des associations des droits de l’homme que je suis informée. Les gardiens se montrent particulièrement odieux à son égard parce qu’il est Sahraoui.

Mais comme si ces agressions au quotidien ne suffisaient pas, le personnel pénitentiaire veille à évacuer tout ce qui pourrait apporter à Salek la moindre satisfaction, la moindre parcelle de bonheur comme son tour au téléphone une fois par semaine à la cabine de la prison, avec sa famille qu’il aime par-dessus tout, et avec ses amis. Un moment heureux qui lui fait un peu oublier l’univers carcéral. Mais ce moment est de plus en plus court, voire réduit à quelques secondes, ou même supprimé. Et s’il proteste il est roué de coups avant d’être jeté au cachot, endroit infect avec la seule compagnie des rats. Des séjours d’isolement qui peuvent durer plusieurs semaines. Il est même arrivé qu’il y soit enfermé jusqu’à un mois et demi. Pour protester il refuse parfois toute nourriture.

Autre petit bonheur qu’il attend avec impatience : les colis que lui envoient à tour de rôle un groupe d’amis. Colis au modeste contenu : vêtements achetés aux fripes, vieux magazines, livres en langue anglaise selon son désir, petits objets sans valeur marchande… Nous savons par expérience que tout objet ayant un petit coût ne lui parvient pas. Chocolat et autres douceurs sont interdits.

Le 29 novembre je lui ai envoyé un de ces colis de pauvre tant attendu. Quelques semaines plus tard il m’est retourné. J’y vois la mention : «  admis en franchise douanière », et aussi écrit à la main : « refusé réception, le 7/12/2017 ». Aucun motif de retour n’a été coché (NPAI, Non réclamé, FD, Refusé, Réexpédié, Adresse incomplète). L’adresse est celle que j’utilise à chaque envoi, sans qu’il n’y ait eu aucun retour. Le colis n’a pas été ouvert. C’est donc la prison qui a refusé à Salek ce petit bout de plaisir ! Le 2 janvier je l’ai renvoyé.

L’ignoble avait déjà été atteint lorsque la mère, la sœur et le frère malade de Salek ont voulu lui rendre visite. Ils avaient économisé pour pouvoir payer ce voyage de 400 kilomètres. Mais non seulement ils ont dû attendre toute la journée sans avoir pu le rencontrer, mais par sadisme, pour les humilier, « trois gardiennes ont obligé  sans ménagement sa mère et sa sœur à se mettre totalement nues, pour des fouilles allant jusqu’à l’exploration vaginale manuelle, avec crachats et insultes à caractère racial. Cette fouille s’est déroulée devant des gardiens hommes qui ont pris des photos, et des visiteurs » (Emsarah.com, 15/1/2016). La ligue pour la protection des prisonniers sahraouis a dénoncé fortement ce harcèlement subi par la famille Laasairi, le considérant comme un acte raciste à l’opposé des affirmations de progrès démocratiques proclamées haut et fort par les autorités marocaines.

Monsieur le Ministre de la Justice et des Libertés, Monsieur le Directeur de la prison locale d’Aït Meloul

Je ne décèle ni souci de « justice », ni espoir de « liberté » dans le cauchemar que vit mon ami Salek. Je m’associe à la peine et la colère des familles des prisonniers détenus sans aucune humanité, sans aucun respect des conventions internationales. Le but de l’emprisonnement ne devrait-il pas être la réinsertion (mention qui fait partie de votre titre), le retour à une vie citoyenne normale, et non la mort à petit feu… ?

Pour Salek et les prisonniers et leurs familles je vous demande, Monsieur le Ministre, Monsieur le Directeur, de donner des ordres au personnel de la prison locale d’Aït Meloul et des autres prisons du royaume que soient respectés le droit de visites, le droit de téléphoner à ses proches et le droit de recevoir des colis avec l’intégralité de leur contenu.

D’avance et pour eux, je vous remercie,

Marie-José Fressard
Solidarité Maroc 05
05000 Gap
France
8/1/2018

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