Christine Pedotti, Témoignage Chrétien, 26/4/ 2018
Lors de son discours au Collège des Bernardins devant les autorités
catholiques, Emmanuel Macron a appelé à un « humanisme réaliste » face à
la question des migrants. La conjonction des deux termes a de quoi
intriguer. Le réalisme semble, dans l’esprit du président, de nature à «
modérer » l’humanisme. Mais comment une modération de l’humanisme
peut-elle être conduite sans avoir pour conséquence immédiate et logique
de produire de l’inhumanité ?
On voit certes bien ce qui est visé. Le réalisme est celui de la
prise en compte d’une opinion publique qui veut des signes forts de
lutte contre l’arrivée d’étrangers sur le territoire national. C’est de
cela, et de rien d’autre, dont il s’agit. Pourtant, quoi qu’en dise,
avec des excès langagiers inadmissibles, le ministre de l’Intérieur,
quoi que les droites, l’extrême et la « forte » martèlent, il n’y a pas
de submersion de la France par les étrangers, et surtout pas par les
demandeurs d’asile. Face aux flux migratoires de ces cinq dernières
années, la France n’a pris qu’une très petite part à l’accueil des
migrants, même si en effet, elle est en augmentation.
Ainsi, en 2013, environ un sixième des 66 000 demandes d’asile ont
reçu une réponse favorable, tandis que cela a été le cas de près d’un
tiers des 100 000 demandes en 2017. Rapporté à une population de 67
millions d’habitants, c’est très loin d’être une invasion. Il ne s’agit
donc pas de prendre en compte la réalité, mais le sentiment qu’on en a.
De ce fait, le fameux « humanisme réaliste » devient encore moins
compréhensible puisque ce n’est pas la réalité qui est en cause mais un
imaginaire collectif entretenu par les marchands de peur.
La loi asile-immigration qui vient d’être votée aux forceps, en
première lecture, à l’Assemblée nationale aura-t-elle le moindre impact
sur cet imaginaire collectif ? On peut déjà dire « aucun », et ceci
d’autant moins que le gouvernement a donné l’impression de tordre le
bras de sa propre majorité, qui pourtant ne s’était pas illustrée par
son caractère frondeur. Le bilan est navrant : les migrants, bien
évidemment, ne seront ni mieux accueillis ni mieux protégés, et
l’opinion publique se sent confortée dans les accommodements qu’elle
s’accorde face au devoir d’humanité qui devrait s’imposer à une nation
comme la nôtre.
La marche vers l’inhumanité continue, à petits pas honteux, parce que
non, monsieur le Président, l’humanisme ne se divise ni ne s’amende.
Christine PEDOTTI
Photo : Jeanne Menjoulet (CC BY 2.0)
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